Le hussard de la VIe face au grognard de la Ve : Arnaud Montebourg, candidat à la primaire socialiste, et Henri Guaino, conseiller spécial et plume du président, confrontent leur idéal républicain.
Arnaud Montebourg – Sur la question de la République comme projet moral, je ne crois pas dans la vertu reposant seulement sur les hommes, et d’ailleurs les hommes sont ce qu’ils sont, le monde est imparfait. Donc ce n’est pas, d’une certaine manière, en laissant les hommes agir selon leur libre cours que nous pourrons bâtir une société nouvelle. On ne pourra le faire qu’en édictant des règles, en fabriquant des contrepoids, des contre-pouvoirs, en équilibrant et en veillant à ne jamais s’en remettre à la volonté d’un seul homme. C’est le projet d’une VIe République, qui n’est pas une révolution autre que la recherche des équilibres qui n’existent plus aujourd’hui puisque tout le système politique repose sur le caprice d’un homme seul. On peut chercher dans l’histoire les justifications d’un vieux tréfonds monarchique. Il n’empêche que la France a coupé la tête de ses rois…
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Henri Guaino – D’un roi… Comme l’Angleterre…
Arnaud Montebourg – Pour revenir à l’équilibre, nous avons besoin d’organiser la modération d’un système aujourd’hui extrémiste, hystérique et qui suscite le désamour de la République et affaiblit celle-ci dans le coeur des gens. Est-ce que le système capitaliste est moralisable ? Les intérêts financiers des très grandes entreprises transnationales ont en quelque sorte fusionné dans leur sociologie, dans leur pratique, avec la droite qui dirige aujourd’hui. Ce n’est pas la vôtre, monsieur Guaino, j’en conviens, c’est celle du Fouquet’s, du premier cercle créé par monsieur Woerth pour financer l’UMP avec les grandes fortunes et les patrimoines, et c’est cette politique des cadeaux fiscaux, de la République faible devant l’argent, la fortune et la cupidité.
En 2010 encore, trois milliards d’euros de bonus ont été distribués dans les banques ! Que fait-on à part des discours à l’Assemblée nationale ? Vous êtes un extraordinaire fabricant de discours, d’ailleurs je me demande ce que vous faites avec Nicolas Sarkozy, tant ces discours sont à l’inverse de ses actes. Si vous voulez être cohérent, vous devriez suivre ma campagne ! Celui qui porte le projet républicain dans sa force, ce n’est pas celui que vous servez mais celui que vous combattez à l’instant ! Plus sérieusement, vous me permettrez de souligner aussi que rien n’a été fait sur les paradis fiscaux, rien n’a été fait sur le système fiscal, qui est aujourd’hui injuste et travaille pour le profit d’un système dominant, rien n’a été fait sur la responsabilité des dirigeants d’entreprise. On compte sur l’autodiscipline et l’autorégulation. C’est d’ailleurs le système de la Ve République.
Le président de la République prend des décisions, il n’en répond qu’à sa conscience, il s’autodiscipline, paraît-il ! Et ensuite tous les autres exécutent : Parlement abaissé, Premier ministre émasculé, gouvernement dépossédé, justice mise au pas, médias audiovisuels contrôlés et collectivités locales écrasées. Voilà le tableau de l’aggravation de la République, qui aurait dû être exemplaire et qui est affaiblie. Enfin, concernant l’Europe, je suis d’accord avec vous, cela fait trente ans… Est-ce que les gens ont dit non un jour ?
Henri Guaino – Moi, deux fois. Au nom d’une certaine idée de la République.
Arnaud Montebourg – A l’époque de Maastricht, j’ai voté oui mais ç’a été la dernière fois !
Henri Guaino – C’était peut-être la fois de trop…
Arnaud Montebourg – En 2005, j’ai voté non au Traité constitutionnel européen. J’ai ensuite refusé comme parlementaire de manquer à mon devoir de respect du mandat populaire et je n’ai pas voté la ratification du traité de Lisbonne. Je ne me suis pas rendu à Versailles. Mais à l’époque, tout le monde est devenu versaillais ! Vos amis étaient même ceux qui tiraient le char ! Pour moi, dans cette discussion sur la dérive de la construction européenne, il y a des gens qui ont dit non et il y a des gens qui ont dit oui.
Henri Guaino – Vous oubliez que la procédure du Congrès avait été en quelque sorte ratifiée par l’élection présidentielle puisqu’elle avait été clairement assumée par Nicolas Sarkozy pendant la campagne.
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