S’il est en retrait de la vie politique depuis un an et s’exprime avec parcimonie, Arnaud Montebourg a tout de même organisé sa Fête de la rose et invité Varoufákis. Une façon de se positionner comme présidentiable ?
Dimanche 23 août, 43e édition de la Fête de la rose à Frangy-en-Bresse. Denis Lamard, le président de l’Association des amis de la rose, remet un panier garni à son hôte du jour : Yánis Varoufákis. A l’intérieur, une tenue made in France, deux bouteilles de la “cuvée 2015 de l’Europe” (en fait la même piquette depuis deux ans, seule l’étiquette change) et une volaille teinte en bleu blanc rouge.
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Varoufákis scrute, perplexe, le cadeau. “This is Frangy”, lui glisse Arnaud Montebourg. Eloigné de la politique depuis août 2014, l’ancien ministre de l’Economie montre qu’il n’a rien perdu de sa faconde ni de son sens de la mise en scène. En invitant au nez et à la barbe des autres responsables politiques de la gauche le sulfureux Yánis Varoufákis (qui a visiblement laissé sa moto en Grèce), il a réussi un joli coup médiatique – même si Jean-Luc Mélenchon l’a rencontré à la gare de Lyon avant qu’il ne rejoigne Frangy.
“Il invite un paria, comme lui, qui a dû quitter le gouvernement. Il y a clairement une symétrie de symbole. Tous deux ont été très critiques envers l’Europe”, explique le professeur en science politique et spécialiste du PS Rémi Lefebvre, auteur de Les Primaires socialistes – La fin du parti militant (La Découverte).
“Turlupin” ou “planqué” ?
“Varoufákis, c’est le Montebourg de Tsípras”, s’amusait il y a quelques semaines François Hollande en petit comité, rapporte le quotidien Le Monde. La semaine dernière, Jean-Christophe Cambadélis rappelait à Arnaud Montebourg qu’il n’y avait “pas d’avenir à être le turlupin de la gauche” et l’invitait à revenir dans le giron du PS. Pour la députée de Saône-et-Loire Cécile Untermaier, Jean-Christophe Cambadélis a cependant “raison” de tendre la main à Montebourg : “Le PS a besoin de toutes ses forces vives et Arnaud en fait partie.”
Le patron du parti n’hésitait pourtant pas, en juin, à qualifier l’ancien ministre de l’Economie de “planqué” après qu’il eut cosigné avec le banquier Matthieu Pigasse (actionnaire majoritaire des Inrockuptibles), dans les colonnes du JDD, une tribune critiquant les choix économiques du gouvernement. Et ce en plein congrès du PS à Poitiers.
Ni trop près, ni trop loin du PS
Mais à quoi joue donc Arnaud Montebourg, aujourd’hui dépourvu de tout mandat politique ? “Il a subi son éviction du gouvernement, il ne voulait pas le quitter. Il voulait égratigner Hollande et a été dépassé par les événements. Ça a été une erreur de communication de sa part.”, rappelle Rémi Lefebvre.
Depuis le bal tragique de Frangy-en-Bresse cuvée 2014, Arnaud Montebourg a tour à tour repris des études de commerce et de management ; annoncé son retrait de la vie politique ; enseigné brièvement l’économie dans la prestigieuse université de Princeton aux Etats-Unis ; est devenu en mars le vice-président du conseil de surveillance d’Habitat.
Arnaud Montebourg donne l’impression de jouer au chat et à la souris avec les journalistes. Une seule chose apparaît clairement dans sa stratégie : il reste à bonne distance du PS, ni trop près ni trop loin. Une bonne façon pour lui de continuer à exister médiatiquement tout en évitant les jeux d’appareil qu’il ne supporte plus.
“Je m’exprime désormais avec parcimonie”
A Frangy-en-Bresse ce dimanche 23 août, le “turlupin de la gauche” a tenté de s’expliquer entre les lignes sur sa position “en retrait”, lors de la conférence de presse qui a précédé son grand discours : “Mon retour à la vie civile ne m’empêche pas de m’exprimer. J’ai pris la parole publiquement six fois depuis la dernière édition de la Fête de la rose. Je m’exprime désormais avec parcimonie. La politique appartient à tous les citoyens, ma responsabilité est de dénoncer les choses, puis de faire des propositions.”
A-t-il l’élection présidentielle de 2017 dans le viseur ? Pour un membre du PS, cela lui sera très difficile : “Il n’y a pas de montebourgeois au PS.” Il est vrai qu’hormis Cécile Untermaier et Aurélie Filippetti (qui a pourtant voté en faveur du plan d’aide à la Grèce en juillet à l’Assemblée nationale), les soutiens du natif de Clamecy dans la Nièvre se comptent sur les doigts d’une main.
Montebourg “joue totalement la carte du recours”
Pour le politologue Rémi Lefebvre, ce manque de soutien en interne ne constitue pas pour autant un frein : “Il existe une sorte de loi dans le champ politique : plus vous êtes distant, plus vous accumulez de la popularité de façon mécanique et vous devenez fatalement, un recours. Lui joue totalement la carte du recours.”
Concernant l’échéance présidentielle de 2017, l’auteur des Primaires socialistes identifie la stratégie de Montebourg : “Ou Hollande ne se présente pas en 2017 et il sera présent. Ou alors il attend la défaite de l’actuel président, ce qui pourrait donner raison à son appréciation économique.” Une référence aux propos tenus par l’ancien ministre de l’Economie à l’AFP la semaine dernière : il déclarait qu’il “aurait bien aimé avoir tort” à propos de la situation économique européenne.
Mais, rue de Solférino, le son de cloche diffère légèrement : pour un autre cadre du PS, Arnaud Montebourg est avant tout “quelqu’un de très velléitaire, on ne sait jamais ce qu’il veut faire. Souvenez-vous de son très bon score lors des primaires de 2011 (17 % au premier tour – ndlr), il n’en avait finalement rien fait”.
L’ancien ministre “se rappelle au bon souvenir de l’opinion”
Sur le champ de ruines des alliances à la gauche de la gauche en vue des élections régionales de décembre 2015, rien ne dit qu’Arnaud Montebourg répondra aux sirènes d’un autre parti : “Il est depuis toujours dans une relation ambivalente avec le PS, il n’est pas question pour lui de le quitter. Il évolue dans une zone grise autour du PS et en marge du PS”, rappelle Rémi Lefebvre. Et de conclure sur son destin politique dans les mois à venir : “A ce jour, il est encore peu probable qu’il revienne dans la mêlée politique, mais il ne veut rien s’interdire. Il se rappelle au bon souvenir de l’opinion.”
Quoi qu’il en soit, la Fête de la rose est pour Arnaud Montebourg une manière de préempter la traditionnelle université d’été du PS à La Rochelle où, après un congrès de Poitiers animé en juin, il ne devrait pas se passer grand-chose. Mais l’ancien ministre du Redressement productif a toujours utilisé sa Fête de la rose pour envoyer de “subtils” messages au PS. Ainsi, dimanche, au détour d’une question sur son appartenance au parti de la rue de Solférino, Arnaud Montebourg a tenu à apporter cette petite précision : “Je suis toujours à jour de cotisations au PS.”
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