Nous sommes le 26 février 2011. La scène se déroule à La Lanterne, longtemps résidence de week-end du Premier ministre, devenue celle du président de la République depuis 2007. Parce que ça l’arrangeait. Sont présents le chef de l’Etat, son épouse, Franck Louvrier, conseiller du président, et Patrick Buisson. On discute du départ de Brice […]
Nous sommes le 26 février 2011. La scène se déroule à La Lanterne, longtemps résidence de week-end du Premier ministre, devenue celle du président de la République depuis 2007. Parce que ça l’arrangeait. Sont présents le chef de l’Etat, son épouse, Franck Louvrier, conseiller du président, et Patrick Buisson. On discute du départ de Brice Hortefeux du ministère de l’Intérieur et de ses difficultés à remplacer le logement de fonction qu’il occupait.
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Patrick Buisson enregistre la conversation. Atlantico a mis en ligne cet extrait mercredi dernier.
Nicolas Sarkozy : Et nous, nous avons une maison en location alors qu’on a trois appartements de fonction.
Carla Bruni-Sarkozy : Ah oui, mais ça c’est parce que je t’entretiens… (rires)
Carla Bruni-Sarkozy : Et je pensais que j’épousais un mec avec un salaire et… (brouhaha) J’avais des contrats mirifiques et plus rien… Ah, la, la, la, la, la… heureusement que après…
Nicolas Sarkozy : Voilà que je deviens riche en me mariant…
Carla Bruni-Sarkozy : Après, moi, je vais les resigner les contrats. Je vais même pas attendre tellement longtemps… Si je peux me permettre… Un petit contrat à la coule comme ça… On ne va pas faire vendre de l’antirides à une fille de 22 ans, vous êtes d’accord ? (rires) Carla Bruni-Sarkozy : Julia Roberts 44, Sharon Stone 52, Julianne Moore 53… Tout ça, ça a des contrats mirifiques, hein ? Que je ne peux pas accepter pour l’instant… Ça se fait pas.
Nicolas Sarkozy : Oh… je vais te dire, mon avenir, c’est de devenir Monsieur Ramirez à la caisse. (rires)
La classe, la délicatesse, le mépris pour l’argent facile, bref, la Sarkozie telle qu’en elle-même. Rien de répréhensible, certes, et rien que l’on ne sache déjà, au fond, mais une efficace petite piqûre de rappel à propos des valeurs cardinales du régime précédent. Dans le cas – oh, très improbable, il n’en a aucune envie, croyez-le bien –, où Monsieur Ramirez ne se contenterait plus de tenir la caisse et rêverait d’un retour à La Lanterne. Reste une question cruciale : qui est ce fameux “Monsieur Ramirez à la caisse” ?
Après de longues et épuisantes recherches, et la perplexité des meilleurs journalistes d’investigation, c’est mon ami Kader qui a trouvé la référence, évidente pour tout téléspectateur des seventies : le manageur véreux du Boxeur, bien sûr, circa 1975, un sketch de Guy Bedos – qui doit être ravi, tiens. “M’sieur Ramirez, c’est mon manager, j’lui dois tout…” Grâce à Atlantico, au Canard enchaîné et au Point, la preuve est désormais faite que cette extrême droite incarnée par Patrick Buisson, auquel M. Ramirez avait cru bon de confier son destin politique, est d’essence à la fois paranoïaque et mafieuse, clivée entre pathologie lourde et méthodes de la pègre. Et dire que c’est vers cet homme-là qu’au soir du premier tour de 2012, alors que François Hollande le devançait d’un point et demi, que M. Ramirez s’est tourné, avec cette phrase historique : “Et maintenant, on fait quoi ?”
Si elle a été enregistrée par ses soins – ce qui est plus que probable –, la réponse du gourou vaudra son pesant de moutarde. Depuis une semaine, la Sarkozie élargie est gagnée par la panique. Combien de centaines d’heures de bandes ? Qui les distille aux rédactions ? Qui est dessus ? En train de magouiller quoi auprès du conseiller préféré ? Le feuilleton SarkoLeaks devrait durer longtemps. Et s’il s’arrête, on ne pourra s’empêcher de se dire que c’est parce que des dispositions ont été prises, trop de gens ayant le plus grand intérêt à ce que le déballage complet soit évité. Buisson parlait à tout le monde et enregistrait tout. Tout le temps. Et pendant ce temps-là, cerné par les juges et trahi par Buisson, M. Ramirez se dit qu’il va peut-être rester à la caisse, finalement…
Au sommaire des Inrocks cette semaine : Frànçois & The Atlas Mountains, la saison 2 de House of Cards, Angot dans la foule, une rencontre avec Gotlib. Le magazine est disponible en kiosque et dans notre boutique en ligne.
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