A l’occasion du Sidaction, portrait de Christine Aubère, porteuse du VIH depuis 1990 qui montre qu’on peut continuer à vivre malgré la maladie. Mais elle prévient aussi sur les risques de banalisation et sur la nécessité de continuer la prévention à destination des plus jeunes.
« Est-ce qu’on va faire du foot aujourd’hui ? », questionne Léa, vêtue d’une tenue jaune avec des rayures noires, floquée du nom de la star brésilienne du PSG Neymar, qui la fait surtout ressembler à une abeille. « Bah, bien sûr ! lui répond son coach, Christine Aubère. Pourquoi serais-tu là sinon ? » Comme chaque mercredi à 16 h 30 au stade de l’Ile Saint-Germain à Issy-les-Moulineaux, les jeunes filles du club disposent de la pelouse synthétique du stade pour elles seules, jusqu’à 18 heures.
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(©Aliocha Boi / Site web : www.aliochaboi.com)
Au loin, on aperçoit, les groupes des moins de 11 ans et moins de 13 ans, dont la rigueur des exercices n’a déjà plus rien à envier à ceux de leurs petits camarades masculins. Christine Aubert elle, dont la longue veste d’entraînement et l’écharpe ne peuvent masquer un large sourire en toute circonstance, a choisi de s’occuper des « Mini-chouettes », les plus jeunes footballeuses du club, qui ont entre 5 et 10 ans. Une dizaine de petites-filles vient donc chaque mercredi apprendre à maîtriser le ballon rond, au moyen de petits jeux ludiques que Christine explique aussi aux mamans qui ne manquent pas un mouvement de leur enfant. Cet après-midi, elles commencent par faire rebondir la balle par terre le plus fort possible et avant d’anticiper les trajectoires du ballon. Parfois Christine et ses yeux d’agates les recadre, les oriente, sans ne jamais lever la voix. « A cet âge, il s’agit essentiellement d’éveil au ballon. On est encore loin de pouvoir parler de ‘football’« , explique la coach.
« Comment un moment de plaisir peut gâcher une vie ? »
Rien ne pourrait distinguer celle qui préside depuis 2014 le club féminin d’Issy-les-Moulineaux, des autres éducateurs sportifs du sport le plus populaire au monde. Pourtant, Christine Aubère, 49 ans est une PVVIH, une personne vivant avec le VIH. C’est à ses vingt-ans, lors de son premier rapport, qu’elle est contaminée par le virus. « C’est terrible de se dire : ‘Comment un moment de plaisir peut gâcher une vie ?' », confie-t-elle émue sur le bord du terrain.
» A cette époque j’étais sportive et peu sensibilisée à la maladie, qui avait cette image de ne toucher qu’une population ciblée. Dans le milieu du sport malheureusement, ce sujet était tabou, ça n’a d’ailleurs guère évolué. «
L’annonce de sa contamination agit comme un coup de massue pour cette jeune femme a la carrière prometteuse. A 15 ans, elle intègre le groupe des joueuses du PSG et évolue en D1 féminine. « Je suis tombée très très bas, j’ai été hospitalisée, sur le point de mourir, je faisais 37 kilos. Pour moi, il n’y avait plus d’issue. Le sida, c’était la mort. Surtout à cette époque. Je ne voyais pas d’autres alternatives : je me disais que je ne pourrais plus jouer au foot, plus avoir d’enfant… », raconte-t-elle avec pudeur.
« Mon mental de sportive m’a permis de tenir »
Mais petit-à-petit, elle reprend pied. Une de ses connaissances, qui faisait de la prévention pour le VIH en milieu scolaire, la sollicite. C’est le déclic : « Je me suis dit qu’il fallait que mon expérience à un moment donné serve aux plus jeunes ». Nous somme en 1994 et Christine commence à s’investir bénévolement. Elle monte une première association en 1997, le FC Paris Arc en Ciel. Un an plus tard elle rechausse les crampons au PSG mais sa maladie la rattrape. Elle contracte une maladie rare qui l’oblige à prendre du recul. Le 25 décembre 2006, elle subit une transplantation du foie lors d’une opération très lourde, qui dure 21 heures. « Je pense que mon mental de sportive m’a permis de tenir lors de cette épreuve », confie-t-elle.
Aujourd’hui, Christine concentre ses efforts de prévention à destination des femmes, évoquant le sida comme « un tabou dont on a encore du mal à parler aujourd’hui ». Pour elle, un événement comme le Sidaction est primordial pour rappeler quelques éléments fondamentaux : « Il faut surtout faire attention à ne pas banaliser ce virus. Le vaccin, ce n’est pas pour demain, les contaminations ne diminuent pas : on en est toujours à près 6 000 par an, depuis vingt ans. »
20 % des jeunes de 15 à 24 ans s’estiment mal informés sur le VIH
Elle s’inquiète également de la baisse du niveau d’information sur le VIH : « Il faut retourner dans les écoles et porter un message de prévention qui n’est plus le même qu’il y a vingt ans. Aujourd’hui, il y a par exemple une confusion effarante entre la pilule et le préservatif. On est dans l’état d’urgence permanent ». Selon un sondage Ifop-Bilendi sur les jeunes l’information et la prévention du sida, 20 % des jeunes de 15 à 24 ans s’estiment mal informés en 2018, soit une hausse de 9 points par rapport à 2009. Ils sont 19 % à penser qu’une pilule contraceptive d’urgence peut empêcher la transmission du virus (neuf points de plus depuis le sondage de 2015) et 18 % à penser que le sida peut se transmettre par contact avec la transpiration d’un contaminé.
Loin de s’apitoyer sur son sort, Christine souhaite que son expérience puisse bénéficier aux plus jeunes. Si elle ne prévient pas d’emblée de sa maladie auprès de son auditoire, elle ne la cache à personne. Il n’y a d’ailleurs jamais eu de problème avec des parents de jeunes footballeuses, bien qu’elle ait déjà été reconnue à plusieurs reprises à la télévision : « La semaine dernière, des jeunes de l’équipe des U16 [les moins de 16 ans, ndlr.] m’ont dit qu’ils m’avaient reconnue. Finalement ça a été très positif car ils ont commencé à me poser un tas de questions, et ça c’est parfaitement bien passé ».
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