Inquiets pour leur indépendance, les personnels de l’AFP se mobilisent contre le projet de changement de statut proposé par un sénateur UMP.
La grève du personnel de l’AFP, le 15 septembre, faisant suite au vote de défiance de 88% des salariés à l’encontre de leur PDG Emmanuel Hoog, relance une question sensible depuis au moins dix ans : celle de son statut, considéré comme obsolète. Datant de 1957, voté alors à l’unanimité par le Parlement, il serait, pour beaucoup, inadapté aux évolutions, à la fois juridiques et techniques, de l’environnement mondialisé de l’information.
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Le statut actuel de l’AFP (3000 collaborateurs répartis dans 115 bureaux et 165 pays) lui interdit d’être directement subventionné par l’Etat. Mais ses concurrents, comme l’agence de presse allemande DAPD, qui a porté plainte devant la Commission européenne, lui reprochent de percevoir des aides d’Etat illégales à travers les abonnements souscrits par les pouvoirs publics français.
La Commission européenne a ainsi demandé à la France de clarifier la nature des relations financières entre l’Etat et l’AFP. L’ancien PDG de l’agence, Pierre Louette, désirait déjà, en 2008, “toiletter” le statut, à la demande du gouvernement qui voulait la transformer en société par actions. Finalement abandonné, sous la pression des salariés de l’agence, inquiets de voir leur indépendance se réduire comme une peau de chagrin, le projet de changement est revenu sur la table ces derniers mois avec une proposition de loi du sénateur UMP Jacques Legendre dont le président Hoog s’est fait le porte-parole.
Le texte incriminé vise notamment à modifier la composition du conseil d’administration et à préciser la mission d’intérêt général de l’agence. Or la majorité des personnels de l’AFP s’est mobilisée contre le texte, au nom d’un rejet à la fois des méthodes désinvoltes de la direction (aucun débat interne n’a eu lieu) et de ses effets négatifs possibles.
C’est à nouveau le risque de perte d’indépendance qui inquiète les personnels de l’AFP. Le SNJ-AFP souligne en particulier son désaccord avec les nouvelles règles du contrôle comptable, qui devraient se rapprocher du droit commun prévu par le code de commerce, mais surtout avec le changement de gouvernance prévu et la réorganisation de la composition du conseil d’administration. La proposition de loi prévoit en effet de coopter six personnalités connues “pour leurs compétences en matière de presse” (sans plus de précision). Pour le syndicat de journalistes, qui le répète depuis des mois, “c’est la porte ouverte au pire népotisme, au règne des copains et aux dérapages en matière d’indépendance et de liberté d’expression”.
Face au mécontentement général, Emmanuel Hoog, en place depuis le printemps 2010 après être parti de l’Ina, a assuré que “la direction de l’AFP rechercherait avec les pouvoirs publics une réponse claire qui puisse sécuriser de manière durable les financements publics de l’agence”, en se retranchant derrière la volonté de l’Etat, mais en cherchant aussi à apaiser le climat de tension.
Derrière le bras de fer qui s’est installé entre les personnels, la direction de l’agence et la majorité UMP, se dessine aussi l’enjeu de la consolidation économique et éditoriale de l’AFP face à ses principaux concurrents, Reuters, Associated Press et Bloomberg.
Jean-Marie Durand
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