Vous vous souvenez du t-shirt American Apparel, orné d’un vagin masturbé pendant ses règles ? Il se peut que l’enseigne californienne ait lancé une mode. Voilà Miley Cyrus qui rétorque de plus belle en jouant à touche pipi solitaire dans son dernier clip ‘Adore You’, Rihanna qui arbore un t-shirt orné d’une photo d’une main […]
Vous vous souvenez du t-shirt American Apparel, orné d’un vagin masturbé pendant ses règles ? Il se peut que l’enseigne californienne ait lancé une mode. Voilà Miley Cyrus qui rétorque de plus belle en jouant à touche pipi solitaire dans son dernier clip ‘Adore You’, Rihanna qui arbore un t-shirt orné d’une photo d’une main féminine plongée dans une petite culotte, légendée ‘D.I.Y.’ (Do it Yourself), ou encore l’actrice Jennifer Lawrence qui cause buttplugs sur la télévision nationale.
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Réel parti pris ou effet de provocation? Un peu des deux, sans aucun doute. Ces jeunes femmes imitent, version édulcorée et Hollywood, un geste contestataire qu’employait autrefois l’élite rock underground. On pense au cours de masturbation donné par Nina Hagen à la télévision (présenté sur elle-même bien sûr) ou à la chanteuse de métal Wendy O.Williams se touchant en plein concert, sans oublier Madonna pendant Blond Ambition Tour. Leur message était clair: cet acte aussi sexualisé qu’excluant était une déclaration vivante d’indépendance.
Et elles revenaient de loin. Si “l’onanisme” était interdit aux hommes par la Bible pour son gaspillage de semence, son pendant féminin était quasiment ignoré, violemment dénigré et associé à la sorcellerie. Selon l’historienne Laura Weigerts dans “Solitary Pleasures: The Historical, Literary, and Artistic Discourses of Autoeroticism”, la pratique effrayait car elle remettait en cause la construction de la sexualité féminine comme intégralement dépendante de l’homme. Les premiers godemichés apparaissent en 1883 mais sont prescrit par les psychiatres pour traiter l’hystérie féminine. Cependant, c’est le Kinsey Report en 1953 (une grande recherche médicale sur la sexualité qui reconnait la jouissance féminine) et les mouvements féministes des années 60 qui permettent enfin une égalité face au plaisir solitaire.
Aujourd’hui, après la série ‘Sex and the City’ et ses héroïnes aux vibromasseurs-étendards, et l’apparition de sex shops pensés pour les femmes, on pourrait croire la question close. Cependant, si ces starlettes s’en accaparent, c’est bien qu’elle a encore le pouvoir de faire rougir. Alors que le film ‘Don Jon’ présente la branlette comme inévitable et ancrée dans la culture du porno, sa version féminine demeure un des derniers tabous au symbolisme lourd. Et permet la construction d’un personnage hautement médiatisable et sémiotiquement chargé. Ces stars – Miley, Rihanna— répondent présentes aux mêmes codes: masturbation haut et fort accompagnée d’un look vaguement tomboy et d’une mise en scène d’amitiés féminines fortes flirtant avec l’homosexualité (pelles à gogo sur Instagram mais jamais de réel coming out). Tous ces gestes et choix semblent indiquer la même chose: un refus d’être défini en relation à un homme et un désir s’emparer de ses rênes identitaires. Seul hic ? Sans vrai parti pris, cela ne fait que renforcer un fantasme masculin. Un peu dommage, donc, que Miley Cyrus accompagne son clip des paroles « Mec je t’adore, j’ai peur quand tu n’es pas là, Dieu savait ce qu’il faisait quand il t’a présenté à moi». Too bad, Miley.
Alice Pfeiffer
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