Après Freud, internet et Beauvoir, le philosophe polémico-médiatique Michel Onfray s’en prend aux études de genre. Sans avoir lu Judith Butler, ni étudié la question.
le sujet
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dans la chronique mensuelle qu’il tient sur son site, le philosophe Michel Onfray étrille le genre, concept sous pression suite aux polémiques sur la “théorie du genre” à l’école lancées par l’extrême droite et relayées par l’UMP. Le philosophe écrit découvrir “avec stupéfaction les racines très concrètes de la fumeuse théorie du genre popularisée (…) par Judith Butler”. Il rapporte le cas de David/Brenda (John/Joan en anglais). Dans les années 60, suite à un accident, ce petit garçon fut amputé du pénis. Le docteur John Money, spécialiste de l’hermaphrodisme, conseille de l’élever comme une fille. Le garçon subit alors une ablation des testicules et un traitement hormonal. Mais, à l’adolescence, David/Brenda se sent mal et se fait prescrire de la testostérone avant d’apprendre la vérité. Il ne s’en remettra pas et se suicide en 2002. “Judith Butler fait le tour du monde en défendant ces délires”, assène Onfray. Avant de comparer “cette sidérante idéologie postmoderne” que serait le genre avec les “erreurs de Marx et de Lénine”.
le souci
Michel Onfray n’y connaît rien. La preuve, il découvre une histoire – assez célèbre – qui circule depuis des mois sur les sites réactionnaires. En condamnant la “théorie du genre”, Onfray emprunte la rhétorique des détracteurs des gender studies. Mais, surtout, il n’a pas lu Judith Butler. Dans Défaire le genre, la philosophe fait référence au cas David/Brenda dans l’article “Rendre justice à David”. Pour Butler, ce qu’il a subi était violent : il a été charcuté pour correspondre à une normalité physique féminine. Une société idéale aurait dû accepter David même s’il ne ressemblait pas aux représentations sexuées. Pour elle, ce n’est pas le sexe qui définit l’identité. C’est la liberté de chacun de se définir en tant qu’homme ou femme, ou autres, et ce n’est pas à la médecine de le faire. Onfray n’a pas bien révisé l’histoire des gender studies et fait l’impasse sur des pans entiers de recherches féministes en passant directement de 1950 à 2014. Les expérimentations psychomédicales de Money essentialisaient le genre. Soit l’inverse de ce qu’il est sous la plume de Butler : un concept critique, un outil pour dénaturaliser le sexe et démonter les mécanismes du pouvoir.
le symptôme
Après Freud, internet et Beauvoir, c’est au tour du genre d’être maltraité par Onfray. Le 30 janvier dans Les Grandes Gueules sur RMC, il fustige un outil, qui “en niant les différences biologiques”, serait celui “de la religion de l’égalité, le totalitarisme d’aujourd’hui”. Ce défenseur d’une vision du monde hédoniste et athée rejoint la pensée des intégristes religieux qui dénoncent un “totalitarisme d’Etat”. Drôle de contorsion pour un intellectuel qui se targue de combattre la bien-pensance et se retrouve aux côtés des tenants de l’ordre moral le plus crasse. “Du mauvais côté de l’Histoire”, comme dirait Obama.
{"type":"Banniere-Basse"}