Le procès du commissaire Michel Neyret qui s’ouvre ce 2 mai est prévu pour durer une bonne vingtaine de jours. Il n’en faudra pas moins pour dénouer les fils d’une affaire à tiroir et comprendre comment le super flic à la légion d’honneur, le petit prince de l’antigang a chuté à quelques années seulement de la retraite.
Comment celui qui au cours des vingt dernières années a fait tomber des générations de braqueurs en pleine action se retrouve à comparaitre devant le tribunal correctionnel de Paris pour des faits de corruption ?
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Depuis que Michel Neyret est tombé en 2011, pas moins de quatre livres traitent du sujet. Trois sont écrits par des co-accusés: deux policiers et un avocat. Le quatrième et le plus complet : Commissaire Neyret, chute d’une star de l’antigang de Richard Schittly publié au éditions Tallandier. L’auteur est journaliste, il tient la rubrique judicaire du Progrès et connait non seulement Michel Neyret depuis une quinzaine d’année mais également le Milieu lyonnais. L’ouvrage d’une extrême sobriété est extrêmement bien documenté. L’histoire et le livre commencent en février 2011, lorsque le nom de Neyret apparait incidemment lors d’écoutes de la brigade des stups de Paris.
Sur les écoutes, l’un des interlocuteurs, Gilles Bénichou, informateur du commissaire Neyret, propose à un lascar qui a pris le large de lui procurer sa fiche de recherche et l’obtient, preuve de sa proximité avec le commissaire qui lui aurait fourni le document. Les écoutes renvoient l’image d’un Gilles Bénichou hâbleur, un rien ramenard. Impliqué dans diverses escroqueries, il a su tisser des liens d’amitié avec le commissaire. Voyage à Marrakech, accueil dans des palaces, petits et gros cadeaux, belles voitures et bientôt un cousin de Gilles Bénichou fait son apparition dans les écoutes: Stephane Alzraa impliqué dans des délits financiers.
Il pensait contrôler les « tontons »…
On voit Neyret intervenir afin de sortir Stephane Alzraa de l’ornière et quérir des informations auprès de collègues ou de magistrats sur l’état des procédures le concernant. Michel Neyret plaide la recherche d’informations sur les gros voyous de la communauté juive. Richard Schittly nous rappelle le parcours jusque là sans faute du commissaire, l’instauration des méthodes d’enquêtes préventives de la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention), le sang-froid et le professionnalisme d’un « taulier » pour lequel ses hommes vouaient un véritable culte, un méticuleux, discret sachant encourager, couvrir et réprimander ses ouailles. Au cours de l’enquête du journaliste, on découvre un félin à l’aguet qui au fil du temps, entre ronronnements et coups de griffes, devient la proie de ceux qu’il pensait contrôler et manipuler et qui le feront tomber: ses informateurs, dans le jargon, les « tontons ».
Autrefois discret voire taiseux le commissaire Neyret, en fin de carrière, ne déteste pas la lumière. On le voit distillant ses conseils à Olivier Marchal lors du tournage du film Les Lyonnais, il fait partie de l’establishment, fréquente les établissements en vue et sirote du champagne dans les boites de nuit. » Ceux qui n’ont jamais vu Michel Neyret en soirée ne sont pas très nombreux…. « dans Michel Neyret mon meilleur ennemi et autres bad stories publié chez Favre, l’avocat David Metaxas reste en permanence allusif.
Il a été l’une des stars du barreau de Lyon, un as de la procédure qui s’est appliqué à torpiller les dossiers d’instruction et à faire libérer ses clients, des trafiquants et braqueurs. De Neyret, il concède des liens d’amitié, des bringues, le « flingage de magnum de champagne et l’enlèvement bon enfant d’une pépé de passage » . Une estime réciproque puisque Neyret le désigne comme avocat lorsqu’il est arrêté par l’IGS ( l’Inspection Générale des Services, la police des police) en septmbre 2011. Metaxas refuse d’assurer sa défense, ses clients ne comprendraient pas. Le reste de l’ouvrage est une hagiographie sur sa gestion des dossiers et son talent d’avocat de la voyoucratie. Horripilant. Lui -même est renvoyé devant le tribunal pour recel de violation du secret professionnel, il a reçu de Michel Neyret une note interne et confidentielle de la PJ de Marseille relative à un double homicide.
Viennent enfin les ouvrages des deux policiers. Les fonctionnaires de police qui comparaissent devant le tribunal contestent l’un comme l’autre avoir détourné des stupéfiants afin de rémunérer des informateurs. Dans 96 heures en garde à vue publié aux éditions Michalon, le commissaire Christophe Gavat, patron de la PJ de Grenoble et subordonné de Michel Neyret précise :
« Ces méthodes de rémunération d’informateurs étaient connues. Une partie des produits stupéfiants saisis sur l’affaire était remise à l’indic.(…) Depuis plusieurs années ces pratiques sont prohibées ».
Au lendemain d’une saisie de stupéfiants, Michel Neyret souhaite savoir s’ils en avaient récupéré pour un «tonton». Sur les écoutes ils répondent « Oui, oui c’est fait« . C’est ce qui leur vaut d’être accroché dans le dossier.
Leur ligne de défense: « Nous avions convenu de dire que nous avions donné la came à l’informateur. Nous avions menti conjointement à notre chef hiérarchique« , explique Christophe Gavat. Le livre est surtout le recueil de souvenirs d’un flic de la PJ, des suicides et coups de déprimes de collègues, de sa première affaire de came, à la traque de fugitifs jusqu’à sa propre chute, sa garde à vue dont il est sorti humilié, meurtri et désabusé.
Pour son adjoint Gilles Guillotin tout est dit dans le titre : 33 ans flic pour rien ? De Neyret au 36, la PJ malmenée aux éditions Temporis. Il situe l’affaire Neyret comme l’épilogue d’un règlement de compte au sein de la police judiciaire sur fond de rivalités politiques. Gilles Guillotin dézingue les ronds de cuirs et les planqués. Surtout il nous offre une plongée dans la dope et les cités des Grenoble, une sorte the The Wire sur Isère proprement étonnant. Il explique aussi par le menu la gestion d’un « tonton » :
« Comment assurer la sécurité des informateurs, si on se laisse aller à des confidences, si on n’est pas soi-même irréprochable avec l’usage des téléphones. Toujours avoir à l’esprit que l’Amigo ( l’indic Ndlr) a déconné avec son téléphone et qu’il peut être branché par d’autre services de police ou de gendarmerie. C’est pour avoir oublié ces principes de base que la police judiciaire de Lyon et de toute la région allait connaître le 29 septembre 2011 un cataclysme, un véritable tsunami ».
Et en septembre, sortira en librairies Flic story de Michel Neyret en septembre aux éditions Plon.
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