L’auteur de « Soumission » et des « Particules élémentaires » nous livre son ressenti sur les attentats de la semaine dernière.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour défendre un “journal irresponsable”, et qui le rappelait régulièrement, en première page. Je suis ici aussi, à titre personnel, parce que Bernard Maris était un ami, et je n’aime pas qu’on tue mes amis. Charlie est plutôt un journal de dessinateurs (ça fait trois fois que je réécris ce texte sur mon carnet, à chaque fois, sans le vouloir, je remets “était”, pourtant quand j’en parle je fais semblant d’être optimiste, mais je mesure le courage qu’il faudra au premier dessinateur qui refera une caricature de Mahomet). Pendant plusieurs siècles, les écrivains ont été en première ligne, en matière de liberté d’expression ; lorsqu’on décide d’écrire on sait qu’on pourra être amené, un jour, à redire certaines choses.
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La liberté d’expression est la liberté de communiquer une oeuvre de l’esprit à d’autres esprits. Elle ne saurait, sinon, se voir assigner de mission particulière ; ce serait une contradiction dans les termes. La relation entre l’auteur et son lecteur est unique et personnelle ; elle se tient en dehors des limitations morales et sociales habituelles. La censure, seule instance en droit d’intervenir dans cette relation, est sous la responsabilité de la collectivité tout entière ; elle ne saurait être exercée par aucun individu, ni aucun groupe. La liberté d’expression n’a pas à s’arrêter devant ce que tel ou tel tient pour sacré, ni même à en tenir compte. Elle a le droit de jeter de l’huile sur le feu. Elle n’a pas vocation à maintenir la cohésion sociale, ni l’unité nationale ; le “vivre ensemble” ne la concerne nullement. On ne saurait lui enjoindre de se montrer responsable ; elle ne l’est pas. Ces différents points ne sont pas négociables.
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