Roi de la pop, Michael Jackson fut aussi roi des images et du clip. D’ABC à Do You Remember via la révolution Thriller, de la libération du corps au camouflage, revue de ces métamorphoses à travers une vidéographie passionnante.
Certes, il y avait eu Ashes to Ashes de Bowie, les marteaux qui marchent de Pink Floyd, et même les choré’ pailletées des Jackson 5. Mais c’est le trio magistral Billie Jean, Beat It, Thriller qui inaugure l’âge classique du vidéoclip et renvoie tout ce qui a précédé à la préhistoire. Avec cette trilogie Thriller, quelque chose des priorités de l’artiste Jackson a vacillé. La musique n’occupe plus la place centrale de sa production, elle devient un fond indifférencié, un carburant gris alimentant une infernale machinerie à produire des images. La réinvention et la déclinaison de soi monopolisent désormais toute l’énergie créatrice de la star.
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“Les grands acteurs, écrivait Serge Daney, obligent à filmer différemment.” Chaque mythe nouveau oblige aussi l’image à trouver de nouvelles solutions de figuration. De fait, Michael Jackson a été le meilleur agent humain pour accompagner les images dans leur révolution numérique, dès la fin les années 80. A Thriller (1983) et ses grimages d’antique série B succèdent les stupéfiantes manipulations sur la chair des images, rendues possibles par l’invention d’un nouvel effet spécial, le morphing. Avant le clip de Black or White (1991) et son anthologique plan-séquence sur le visage caméléon de Michael épousant les traits de Terriens de toute origine ethnique, certains cinéastes (surtout Cameron, dans Abyss et Terminator 2) avaient déjà utilisé ce procédé sophistiqué de retouche numérique, mais aucun ne lui avait donné une telle nécessité et une poésie propre. La technologie y devenait l’expression la plus adéquate d’une utopie personnelle (un fantasme de décorporation, une tentative un peu folle d’abolir les clôtures – raciales, sexuelles – inhérentes à la condition d’homme). Au fil de la vidéographie passionnante de Michael Jackson, les métamorphoses numérisées gagnent de l’ampleur. Jusqu’à ce que, dix ans plus tard, la star effectue un énième (dernier ?) come-back pour l’album de trop. Dans l’émouvant clip de You Rock My World (2001), il y a aussi un trucage numérique : une ombre statique posée sur le visage du chanteur pour en estomper l’aberrance des traits. Révolu le temps de l’effet spécial libérateur qui permettait au corps de transcender ses limites. Les puissances de la technologie, ramenées à leur plus modeste expression, ne peuvent plus proposer qu’une petite voilette numérique pour masquer le visage ravagé de cet Icare brûlé de s’être pris pour son propre effet spécial.
JML
ABC (1970)
Avec ses quatre frangins et en mode pattes d’éph’, le tout petit Michael (12 ans) brille de mille feux au micro, enchaînant des pas de danse d’un autre monde. C’est frais, c’est beau, c’est innocent et réglé comme du papier à musique à la fois.
Don’t Stop Till You Get Enough (1980)
Jackson a grandi. Dans une ambiance disco incroyable (on croise plus de 534 boules à facettes dans cette vidéo), Jackson s’impose comme la star du R&B – il sera d’ailleurs récompensé d’un Grammy Awards dans cette catégorie pour ce titre aussi jouissif qu’obsédant.
Thriller (1982)
Qui ne se souvient pas de la diffusion de Thriller en direct chez Michel Drucker… Réalisée par John Landis, cette vidéo de quatorze minutes révolutionne tout simplement l’histoire du clip. Thriller est l’une des premières vidéo d’un noir américain à rentrer sur MTV.
Billie Jean (1982)
Ambiance de fin du monde au départ mais progression phosphorescente en split-screen pour l’une des chorégraphies les plus dingues de Bambi. A noter aussi les dalles qui s’allument sous les pas d’un Jackson en train de gagner à chaque seconde ses galons de « King Of Pop ».
Bad(1987)
Réalisé par Martin Scorsese, cette vidéo entièrement tourné dans le métro new-yorkais met en scène Jackson un peu plus « sauvage » que lors de ses précédentes apparitions. Bad sacre néanmoins le triomphe du bandana, et ça c’est pas très cool.
Smooth Criminal(1988)
Reprenant les moments forts du film Moonwalker, Smooth Criminal montre un Jackson félin et habillé de blanc, qui joue aves son chapeau comme personne n’a jamais joué avec un chapeau, et dans les pieds collés au sol en donnant tout son sens à la danse qui donnera son nom au film : le « moonwalk ».
Black or White(1991)
John Landis est de retour aux affaires pour ce clip qui sacre le triomphe d’un nouvel effet spécial, le morphing, et qui sacré à tout jamais le jeune héros de Maman j’ai raté l’avion, Macaulay Culkin, qui connaîtra ensuite de sacrés problèmes de drogues.
Remember The Time(1991)
Ambiance Egypte ancienne pour cette vidéo de mauvais goût quand même, mais où Jackson fait apparaître le gratin des célébrités blacks : Eddy Murphy, Magic Johnson, et la sublime de femme de David Bowie, Iman.
In the Closet(1991)
Certainement pas le meilleur morceau de Jackson, mais une danse de Saint Guy ultra sensuelle exécutée au plus près de l’os par Jacko, en compagnie de la mannequin britannique Naomi Campbell qui n’aura probablement jamais été aussi han han.
You Rock My World (2001)
Chris Tucker, Marlon Brando et Michael Madsen au générique pour le dernier masterpiece de Jackson en vidéo, avec une jeune femme qui porte une robe verte pleine de transpiration qui doit valoir aujourd’hui son pesant de cacahuètes sur E-Bay.
P.S.
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