Amadou Koumé, 33 ans, père de deux enfants, est mort dans la nuit du 5 au 6 mars dernier dans un commissariat du Xe arrondissement. Six mois plus tard, un témoin relate la violence de son interpellation.
Le 6 mars dernier, un intérimaire de 33 ans s’écroulait dans un commissariat du Xe arrondissement suite à son interpellation près de la Gare du Nord. Sa mort ne s’était ébruitée que le 20 avril. Le Parisien citait alors une source judiciaire qui expliquait de manière lapidaire : “quand les policiers ont voulu le menotter, il s’est débattu. Ils ont dû procéder à une manœuvre d’étranglement pour lui passer les menottes. A l’arrivée au commissariat à 0 h 25, ils se sont rendu compte qu’il était amorphe. Le Samu a tenté de le ranimer, en vain”.
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« Il semblait penser de manière décousue »
La famille de M. Koumé a déposé plainte contre X pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner et abstention de porter assistance à une personne en péril, alors que le parquet de Paris avait rapidement requalifié les faits en homicide involontaire. “A l’évidence, on a essayé de trouver la qualification la moins grave pour des fonctionnaires de police”, nous confiat à l’époque Maître Eddy Arneton, l’avocat de la famille de la victime. Une enquête a été confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), qui vient de la rendre au parquet.
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Mais ce 10 septembre, Libération et Médiapart révèlent un nouveau témoignage, joint à la procédure judiciaire, accablant pour un policier de la BAC (brigade anticriminalité). Le témoin est un jeune homme d’une vingtaine d’années, présent au bar Hide Out le soir le l’interpellation d’Amadou Koumé. Vers minuit, l’homme au physique imposant (1,90 m pour 107 kilos) commence à tenir des propos incohérents et à « parler fort » (l’expertise toxicologique relève « une prise significative et assez proche du décès de cocaïne »). Un vigile intervient pour le faire sortir, en vain : « Il semblait penser de manière décousue et ne s’adressait pas directement au vigile, comme s’il était agressé par une personne imaginaire », relate le témoin.
« Un policier est entré en courant et a crié ‘mets-toi par terre, enculé!' »
Entre 00 h 15 et 00 h 30, trois policiers arrivent. Mais au moment où ces derniers lui demandent de sortir, Amadou Koumé résiste, mettant en doute le fait que ce soit de vrais policiers. La tentative de le maîtriser a duré assez longtemps, raconte le jeune homme. Il se débat sans donner de coups. Des renforts arrivent, et la situation dégénère : « Il n’y a qu’un seul policier de la BAC qui est entré en courant et a crié ‘mets-toi par terre, enculé !' », relate le témoin.
L’agent en civil a alors recours à une prise dangereuse, qui semble être une clé d’étranglement : il attrape l’individu par le cou « en plaçant son bras sous son menton et en le serrant contre son torse ». Le témoin décrit la scène : « Il s’est affaissé dans les bras des policiers et a commencé à suffoquer. L’agent de la BAC l’a accompagné dans sa chute en continuant de l’étrangler ». A terre, le policier aurait maintenu sa position d’étranglement pendant qu’Amadou Koumé « émettait des cris d’agonie et d’étouffement ».
« Asphyxie et traumatismes facial et cervical »
M. Koumé sort ensuite de lui-même du bar sous escorte, et le témoin le perd de vue. « Personne n’a imaginé à ce moment qu’Amadou Koumé pouvait mourir, on pensait qu’il serait juste placé en garde à vue », conclut-il. Le commissariat est situé à 3 minutes du bar. Le décès de la victime est constaté par le SAMU à 2h30. Selon le rapport d’autopsie, le décès résulte d’un « œdème pulmonaire survenu dans un contexte d’asphyxie et de traumatismes facial et cervical ».
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