Au lendemain de la révélation d’enregistrements clandestins visant notamment Alexandre Benalla, une tentative de perquisition a eu lieu dans les locaux de Mediapart.
Lundi 4 février, en fin de matinée, deux procureurs de la République et trois policiers ont tenté de perquisitionner les locaux de Mediapart. En cause ? Les enregistrements très compromettants d’une conversation entre Vincent Crase et Alexandre Benalla, publiés par le site d’information.
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Les journalistes, qui font l’objet d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris, sont accusés d’avoir porté « atteinte à l’intimité de la vie privée » et de « détention illicite d’appareils visant à intercepter des télécommunications ou des conversations« . Ils ont refusé toute tentative d’intrusion dans leurs locaux. Faute d’avoir un mandat du juge des libertés et de la détention (JLD), les visiteurs ont dû repartir.
Une première dans l’histoire de Mediapart
C’est la première fois, en onze ans d’existence, que les locaux du site font l’objet d’une tentative de perquisition. Lors d’une conférence de presse organisée quelques heures après les événements, Edwy Plenel, le directeur de la publication du site d’information, a insisté sur la « gravité » de la situation.
Ce dernier, qui n’était pas présent dans les locaux lorsque les événements ont eu lieu – il comparaissait devant le tribunal de Paris dans le cadre du procès en diffamation intenté contre le site par l’ex-député écologiste Denis Baupin – dénonce un « acte violent« et « rarissime ». Il déclare : « Nous n’avons commis aucun délit ; nous n’avons porté atteinte à la vie privée de personne ; nous n’avons fait que révéler des faits d’intérêt public ».
Cette enquête, qui vise les enregistrements révélés par Mediapart, est susceptible d'atteindre le secret des sources de notre journal. C'est pourquoi nous avons refusé cette perquisition, un acte inédit — et particulièrement grave — dans l'histoire de Mediapart. Articles à venir.
— Mediapart (@Mediapart) February 4, 2019
La liberté de la presse en danger
Edwy Plenel n’a pas manqué de rappeler qu’il s’agissait d’une « atteinte à une liberté fondamentale ». Des propos confirmés par Fabrice Arfi, co-responsable du service enquête à Mediapart : « C’est inédit, c’est une dérive liberticide quant à la liberté d’informer et sa pierre angulaire, le secret des sources. Ici, c’est un sanctuaire, pour que l’on puisse continuer à révéler des informations et protéger des sources. »
Cette tentative de perquisition a été condamnée par de nombreux médias et personnalités politiques. Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), venu apporter son soutien aux journalistes de Mediapart lors de la conférence de presse, a déclaré : » On est dans une tentative d’atteinte au secret des sources. Le parquet met en danger le journalisme d’investigation.«
Une telle tentative d’atteinte au secret des sources par des procureurs accompagnés de policiers est une pression inacceptable sur le journalisme d’investigation. Stop aux violations de la liberté de la presse ! @edwyplenel @fabricearfi https://t.co/6tmOuF5Mkk
— Christophe Deloire (@cdeloire) February 4, 2019
Une affaire d’Etat
Edwy Plenel évoque une « coïncidence (…) très bavarde » et dénonce notamment le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, « récemment nommé et choisi par M. Macron lui-même », qu’il qualifie de « serviteur du président de la République et de M. Benalla ».
Et pour cause. Les enregistrements dévoilés par Mediapart dérangent le gouvernement puisqu’ils seraient la preuve du soutien incontestable du président de la République à Alexandre Benalla. Ces derniers dévoilent une discussion entre l’ancien conseiller d’Emmanuel Macron et Vincent Crase, ex-employé de la République en marche (LRM) et gendarme réserviste, alors qu’ils étaient dans l’interdiction de se rencontrer car mis en examen dans l’affaire des violences du 1er mai. Alexandre Benalla y évoque notamment un message qu’il aurait reçu de la part du chef d’Etat : « Truc de dingue, le “patron” [comme il surnomme Emmanuel Macron, ndlr], hier soir il m’envoie un message, il me dit : ‘Tu vas les bouffer. T’es plus fort qu’eux, c’est pour ça que je t’avais auprès de moi. Je suis avec Isma [Ismaël Emelien, le conseiller spécial du président, ndlr], etc., on attend Le Monde, machin, etc.’”
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