L’affaire Bettencourt n’en finit pas de déranger. Les journalistes de Mediapart Edwy Plenel et Fabrice Arfi sont convoqués jeudi 5 avril à Bordeaux pour s’expliquer sur leur enquête politico-financière. Ils pourraient être mis en examen pour « atteinte à l’intimité de la vie privée » de la milliardaire Liliane Bettencourt.
En juin 2010, le site de Mediapart a publié une série d’articles s’appuyant sur des enregistrements clandestins réalisés par le majordome de Liliane Bettencourt : fraude fiscale massive, financement illégal de partis politiques et de candidats, dont Nicolas Sarkozy, conflit d’intérêts reproché au couple Woerth, les accusations sont nombreuses et font l’effet d’une bombe dans le paysage politique.
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Aujourd’hui, les journalistes Edwy Plenel et Fabrice Arfi sont appelés à s’expliquer sur leur enquête politico-financière. Pour Fabrice Arfi, qui enquête à Mediapart depuis quatre ans, leur convocation est sans fondement :
« Lorsque nous avons eu accès à ces 22 heures d’enregistrements, nous en avons fait une sélection très pointue, justement pour protéger la vie privée de madame Bettencourt. Nous avons occulté tout le volet familial et affectif de ses relations, en nous concentrant seulement sur les informations d’intérêt public. En plus, par nos révélations, nous avons contribué à la protéger de tous ceux qui abusaient de sa faiblesse et profitaient de sa richesse ».
La semaine dernière, leurs confrères de l’hebdomadaire Le Point, Franz-Olivier Giesbert et Hervé Gattegno, ont été mis en examen pour le même motif par Jean-Michel Gentil, vice-président chargé de l’instruction au tribunal de grande instance de Bordeaux. Edwy Plenel, fondateur et directeur de la publication de Mediapart et Fabrice Arfi veulent absolument éviter la mise en examen : « Nous ne pouvons pas accepter de nous retrouver dans cette zone grise, entre l’innocence et la culpabilité, juste pour avoir fait notre métier et avoir fait avancer le débat en France. C’est un combat juridique et public ».
Le 16 mars, leurs avocats Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman ont fait parvenir une lettre à Jean-Michel Gentil où ils assènent en plusieurs points que « le journalisme n’est pas un délit ». Ils ont également annoncé à la presse qu’ils allaient « saisir le doyen des juges d’instruction de Bordeaux d’une plainte en dénonciation calomnieuse (ndlr : jeudi). Une plainte contre X au pluriel ».
La jurisprudence leur est plutôt favorable. En 1989 deux journalistes du Canard Enchaîné ont été poursuivis pour « atteinte à la vie privée » par le PDG de Peugeot, Jacques Calvet, car ils avaient publié sa feuille d’imposition. Elle prouvait une forte hausse de salaire, en pleine période de licenciement. Ils ont été acquittés par la Cour européenne des droits de l’Homme, qui estimait que le jugement français de condamnation violait l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, sur la liberté de la presse.
L’arrêt Fressoz-Roire, du nom des deux journalistes d’investigation, constitue un jugement symbolique de l’histoire de la presse, qui pourrait bien peser dans la balance en faveur de Mediapart.
Par ailleurs, l’affaire Bettencourt a connu un nouveau rebondissement lundi, avec un article de L’Express relatant une éventuelle rencontre en 2007 entre André Bettencourt, le mari de l’héritière de l’empire l’Oréal, et Nicolas Sarkozy, alors en lice pour la présidentielle.
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