Jeudi 4 juillet, la cour d’appel de Versailles a rendu une décision étonnante. Mediapart et Le Point doivent, sous huitaine, dépublier de leurs sites internet les enregistrements pirates (et leurs retranscriptions) réalisés à l’insu de Liliane Bettencourt, femme la plus riche de France, et de son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre. L’argument retenu : atteinte à la vie privée de la milliardaire. Cette décision contredit la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de droit à l’information.
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Si les deux organes de presse tardent à s’exécuter ils seront frappé d’une amende de 10 000 euros par jour de retard. Mediapart a aussitôt réagi en barrant sa home page d’un grand encart « Censuré ». La justice a également condamné chaque partie à verser 20 000 euros de dommages et intérêts à Mme Bettencourt et 1000 euros au gestionnaire de fortune.
« L’information du public (…) ne peut légitimer la diffusion, même par extraits, d’enregistrements obtenus en violation du droit au respect de la vie privée d’autrui », explique la cour.
Cette interprétation n’opère pas de mise en balance des différents droits s’opposant dans cette affaire. Et contredit le commentaire qu’un spécialiste du droit de la presse faisait en sens inverse sur les Inrocks à propos de la décision de première instance :
« Dans l’affaire Bettencourt la publication d’une partie des écoutes réalisées par le majordome n’a pas été déclarée illégale (en première instance, ndlr). L’intérêt du public à être informé (suspicion de conflits d’intérêt d’un ministre, suspicion de financement illégal d’un parti politique, suspicion d’intervention directe du président de la République dans une affaire judiciaire en cours, mise en cause du procureur de la République en charge de l’affaire…) a pesé plus lourd dans la balance que les autres éléments soulevés (comme par exemple l’illégalité des écoutes). »
En solidarité avec Mediapart, Libération, Rue89, Arte radio et Arrêt sur images se sont déclarés prêts, sur leur site Internet, à accueillir les retranscriptions des enregistrements pirates.
Outre le caractère quasi inapplicable de cette décision de justice, l‘effet Streisand devrait rapidement empêcher que ces informations d’intérêt public ne sombrent dans l’oubli. Mais reviennent au contraire une nouvelle fois sous les feux médiatiques.
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