L’affaire Cahuzac forcera-t-elle les médias à s’interroger sur leurs pratiques ?
« J’ai défendu une conception du journalisme », se justifiait Jean-Michel Aphatie, le soir des aveux du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, pour mieux clarifier sa position éthique à l’égard d’un métier dont Mediapart ne respecterait pas, à ses yeux, les règles minimales. Une curieuse conception du journalisme : ce serait donc celui-là même qui cherche à révéler les égarements d’un ministre, déconstruit les mensonges du pouvoir, dénonce les écarts avec la morale publique, qui devrait faire l’objet de la plus grande méfiance !
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Par-delà l’affrontement caricatural aux allures de jeux de cour de récréation entre Jean-Michel Aphatie et Edwy Plenel, la déflagration causée par l’affaire Cahuzac sur notre démocratie, dont Christian Salmon estime qu’elle a atteint son « état d’alerte », interroge l’espace médiatique dans son ensemble et ses opaques profondeurs. De quelle conception du journalisme cet espace multiple se veut-il porteur ? Quel est le système de valeur qui fonde la nature d’une information ? Qu’est-ce qui distingue au fond un média « indépendant » d’un média dominant ? La condition de l’indépendance pousse-t-elle, comme l’écrit Daniel Schneidermann, à « se délivrer des servitudes » – partager des déjeuners, respecter le off… ?
Outre le symptôme d’une crise de la représentation, l’affaire Cahuzac force au moins les médias à réinterroger leurs pratiques. Car, si elle reste l’indice d’une conquête, celle du journalisme d’interpellation et d’enquête, elle forme aussi, en miroir, le signe d’une large dérive conformiste et servile, celle des médias à part, rétifs à tout esprit d’indépendance.
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