Dans La Croix, Christiane Taubira vient de détailler le projet sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux homos. Caroline Mécary, avocate spécialiste des droits LGBT et membre d’EELV, se réjouit que le sujet fasse surface mais regrette que la question de l’accès à la procréation médicalement assistée ne soit pas discutée.
Christiane Taubira a annoncé dans La Croix que le projet de loi ouvrant le mariage au couple de même sexe leur permettra d’adopter « dans les mêmes conditions que les hétérosexuels ». C’est un bon timing pour faire une annonce positive dans la rentrée morose du gouvernement et de François Hollande ?
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Sur cette question, le timing n’était pas arrêté de façon définitive. Le gouvernement s’était laissé une marge de manœuvre en disant que cela se passerait entre la fin de l’année et le premier semestre 2013. Peut être a-t-on demandé à Christiane Taubira d’accélérer la cadence. Peut-être a-t-elle été aiguillée parce qu’EELV est monté au créneau en déposant une proposition de loi au Sénat le 27 août dernier qui doit faire l’objet d’un débat cet après-midi. La situation économique les pousse peut-être à accélérer le pas. Peut être le gouvernement a-t-il compris qu’ouvrir le mariage et l’adoption ne coûte rien et que c’est symboliquement fort. Tout cela a pu jouer, sachant que le gouvernement n’a pas encore rédigé le projet de loi. Le débat au Parlement n’aura peut-être lieu que mi décembre voir début janvier.
Aujourd’hui, avec la sortie de Taubira, il y a une amorce de débat. Ça va retomber. Il va y avoir de nouveau un pic médiatique lors de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres fin octobre et il reprendra avec le débat parlementaire. Le débat sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples du même sexe traverse la société française depuis des années, au minimum depuis le mariage de Bègles. Depuis, on assiste sur ce sujet à l’expression d’opinions très différentes. Si ce débat n’avait pas déjà eu lieu, jamais Hollande ne se serait engagé en tant que candidat sur le mariage et l’adoption. C’est parce qu’il a senti que la société française est prête qu’il a choisi de porter cette réforme politiquement. Ça n’était pas possible en 2004. Souvenez-vous, les socialistes, Patrick Bloch en tête, disaient que Noël Mamère était un irresponsable.
Le projet de loi ne prévoit pas l’accès à la PMA (procréation médicalement assisté). L’inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) estime que « Taubira se contente de faire le service minimum ». Êtes-vous d’accord ?
Ce n’est pas une annonce a minima. L’engagement 31 de François Hollande concerne l’ouverture du mariage et de l’adoption. Il a fait un choix. Personne ne peut être surpris de voir Taubira mettre en musique son engagement. C’est le rôle des assos de critiquer. Car, d’une certaine manière, l’engagement de Taubira ne va pas assez loin. Effectivement, à terme, il faudra débattre de l’accès de la PMA à tous les couples, il faudrait même en discuter dès maintenant. Mais il faut d’abord passer par le mariage et l’adoption. Et ce n’est pas encore fait. Il y a une grande virulence des opposants à l’égalité des droits. Que ce soit les prises de position de l’église, de Christine Boutin avec le Parti démocrate chrétien ou de l’association Civitas, association proche de l’extrême droite créée en 2009, qui a décidé de lancer une campagne amalgamant mariage homo et polygamie.
Il faut aussi régler la question des enfants nés à l’étranger dans le cadre de la gestation pour autrui et dont l’Etat français refuse de transcrire les actes d’Etat civil étranger sur le registre français. Alors que ces enfants sont Français ! Il faut régler cette question de façon pragmatique et non idéologique. Il y en a beaucoup trop dans ces débats.
Peut-on estimer aujourd’hui le nombre d’enfants français nés de la PMA ou de la gestation pour autrui ?
Il faudrait que l’Insee se décide à établir des statistiques sur les couples hétéros et homos. La PMA et la gestation pour autrui se passent à l’étranger donc on ne peut pas avoir les chiffres. Par contre, on considère qu’il y a 5% de personnes homos dans un pays. Ramené à la France, ça fait 3,5 millions de personnes. Elles ne sont pas toutes en couple. Si on considère que 10% le sont et veulent des enfants, on arrive aisément à plusieurs dizaines de milliers d’enfants conçus dans le cadre d’un projet parental passant par la PMA ou la gestation pour autrui. Ce n’est pas une réalité anecdotique ! Ce n’est pas l’équivalent de 500 accouchements sous X par an. Personnellement, je vois grandir de façon exponentielle les demandes juridiques de ces parents pour faire reconnaitre les droits de leurs enfants.
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