Le docteur Agnès Cadet-Taïrou, spécialiste des nouvelles drogues, décrypte les usages de la MDMA.
Quelle est la différence entre MDMA et ecstasy ?
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Quand le mouvement techno est arrivé en France, dans les années 90, est apparu le produit nommé ecstasy. Il se présentait essentiellement sous forme de comprimés mais la MDMA en était le principe actif.
La MDMA est le nom d’une molécule alors que l’ecstasy est le nom commercial de cette drogue. A partir de 2003, le comprimé d’ecstasy a perdu en popularité, car il était de moins en moins pur, mais aussi tout simplement parce qu’il n’était plus à la mode. Il était considéré, dans les milieux qui consomment, comme une drogue pour débutants. La poudre était vue comme quelque chose de plus branché. Dans les milieux festifs, il y a toujours une recherche de singularité.
Peut-on parler, actuellement, de retour de la MDMA ?
En 2009, on a constaté une grosse pénurie de MDMA en Europe à cause de la saisie d’un produit chimique entrant dans sa composition. Depuis 2010, cette drogue revient, généralement sous forme de poudre.
Comme c’est une nouvelle génération d’usagers, plus jeunes, ils ne font pas le lien entre MDMA et ecstasy. Certains pensent que c’est une nouvelle drogue qui arrive, alors qu’en réalité c’est la même chose. Et comme c’est un produit qui paraît nouveau, ça attire énormément.
Comment prend-on de la MDMA ?
Elle est souvent sniffée. Certains la prennent en parachute, c’est-à-dire qu’ils mettent la poudre dans un bout de papier et l’avalent. Ce qui se développe aussi, c’est la prise « en chassant le dragon » : on met la poudre sur un papier d’aluminium, on la fait chauffer par en-dessous et on respire les vapeurs.
Quels sont ses effets ?
C’est un stimulant, mais cette drogue a surtout un effet empathogène qui favorise les contacts. Et puis ce n’est pas un hasard si c’est arrivé avec le mouvement techno : en démultipliant les sensations, la MDMA permet de mieux ressentir la musique. C’est une drogue qui s’adapte bien à la fête. C’est pourquoi ce sont surtout les 25-35 ans qui en prennent. En général, après on a une grosse déprime, même si cela dépend des doses prises et de la susceptibilité de chacun. Les usagers prennent souvent d’autres choses pour contrer la descente, comme des benzodiazépines (des médicaments psychotropes – ndlr) ou des opiacés.
Provoque-t-elle une addiction ?
Elle est réputée en provoquer assez peu, ce qui est aussi dû au fait que ce n’est pas une substance qu’on consomme quotidiennement. La MDMA est cependant neurotoxique : une consommation régulière peut entraîner des dégâts au cerveau. Il y a également une complication assez grave appelée syndrome d’hyperthermie maligne : on a chaud, on ne s’hydrate pas assez, on a alors une forte fièvre qui peut entraîner un décès. Jusqu’à présent il y a eu assez peu de décès parce que poudres et comprimés étaient peu dosés. Mais on assiste aujourd’hui à une augmentation de la pureté des produits qui circulent. En 2009, on trouvait 47 % de MDMA dans les poudres, en 2012 on en trouve 63 %.
La MDMA tend-elle à remplacer la cocaïne ?
Même s’il y a une concurrence entre les deux produits car ce sont des stimulants, elles n’ont pas les mêmes effets et ne sont pas utilisées pour les mêmes choses. Les usagers prennent de la cocaïne en privé. La MDMA est destinée à un usage plus récréatif et a un effet plus long. Quand on veut tenir toute la soirée, il vaut mieux prendre de la MDMA. Mais actuellement, les usages de substances illicites se font surtout sur le mode du polyusage : beaucoup d’usagers prennent plusieurs drogues.
Est-elle consommée partout en Europe ?
Les pays les plus consommateurs sont les Pays-Bas, la République tchèque, la Slovaquie, la Roumanie, les pays Baltes et la Grèce, selon un rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies de 2013.
Recueilli par Carole Boinet
Le docteur Agnès Cadet-Taïrou est responsable du pôle Tendances récentes et nouvelles drogues à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).
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