Depuis plus d’un an il pousse les décibels sur Youtube et démonte chaque semaine avec talent, humour et férocité l’actualité politique. Matthieu Longatte l’auteur et interprète de Bonjour Tristesse est sorti de l’écran pour présenter les Y’a Bon Awards une cérémonie qui récompense le meilleur du pire du racisme. Rencontre.
Est-ce que tu connaissais les Y’a Bon Awards avant d’y participer ?
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Je n’étais jamais allé à la cérémonie mais je connaissais le principe des Y’a Bon, et je trouvais cela bien, voire nécessaire. J’ai rencontré les Indivisibles par l’intermédiaire d’ Adil El Ouadeh et Amadou Ka; ils avaient vu les premières vidéos de Bonjour Tristesse ». On s’est rencontré sans but précis c’était une manière pour chacun de s’intégrer au champ des possibles. Comme nous semblions être sur la même longueur d’ondes en terme d’engagement c’était juste une manière de dire: « j’existe, toi tu existes et nos routes se recroiseront ».
Dans un sens le principe des Y’a Bon Awards est un peu le même que tes podcasts vidéos. Vous proposez le rire pour éviter de pleurer…
Il y a beaucoup de ça. Le prisme est plus large dans mes podcasts mais je traite aussi du racisme à peu de chose prés avec le même angle qu’eux. Il y a énormément de débordements et de propos racistes dans les médias qui créent peu la polémique. Dans les gens qui sont nommés au Y’a Bon il y a par exemple la phrase de Cuckierman: « Tous les actes antisémites sont commis par des jeunes musulmans« . C’est un des rares moments où les gens se sont arrêtés pour se dire ‘est-ce qu’il peut vraiment dire ça » ? Il y a une vingtaine de citations nominées, ils en ont au moins écartés vingt, pourtant il n’y a eu aucune pénalisation. C’est un travail nécessaire. Et je sais que durant l’année j’en ai abordé beaucoup d’autres. C’est aussi pour cela que je me suis dit que j’allais le présenter: j’ai parlé des trois quarts des personnes nommées . Enfin, cela me concerne parce que je suis Blanc. Bien que mon podcast soit hyper agressif, je suis moins facilement taxé d’agressivité. Lorsque tu es issu de l’immigration ou d’une minorité en France il suffit que tu aies les ongles mal taillés pour qu’on dise que tu es armé ! C’est tout à l’honneur des Y’a Bon Awards de répondre par la dérision et l’humour, mais en marquant le coup.
Justement, Julien Salingue lors de la conférence de presse des Y’a Bon Awards a dit « je ne sais pas si je suis un idiot utile, un allié objectif ou un complice des Indivisibles. » Qu’en penses-tu ?
C’est une phrase qui est vraie. Plus que le fait qu’il ne sache pas, c’est que les personnes qui nous jugent, elles, choisissent une définition. Toutes les personnalités membres du jury des Y’A Bon Awards sont à saluer. Il n’y a rien à gagner, il y aura des procès d’intentions et même des attaques gratuites. N’oublions pas qu’après les évènements de Charlie Hebdo Jeannette Bougrab a dit que les Indivisibles étaient coupables ! C’est très grave. Bon, elle aussi dit que Luz avait fini le travail des Kouachi, cela montre un peu le niveau de la dame ! Pour revenir sur la phrase de Julien Salingue ce qui me rassure, c’est qu’on pourrait analyser tous les propos et les déclarations tenus par Les Indivisibles, on ne pourrait pas prouver qu’ils ne sont pas bienveillants. Ensuite, je m’axe sur l’humain. J’ai rencontré Adil et Amadou et ce sont des gens en qui j’ai confiance. Enfin, quand je vois les gens qui attaquent les Ya Bon Awards et les Indivisibles j’ai tendance à penser que je suis du bon côté de la barrière.
Tu as commencé ton podcast en janvier 2014. Quelle est la suite ?
Je vais lancer un nouveau podcast à la rentrée, qui sera différent; à mes yeux moins drôle mais plus utile. J’ai également signé pour faire un spectacle avec des gens que j’aime beaucoup. Ecrire douze minutes de texte par semaine mangeait mon espace d’écriture. D’autant que je ne fais pas d’épargne sur la vanne: chaque fois je mets tout et je repars à poil. Il va également falloir que je m’investisse plus dans l’écriture de mon spectacle. J’aimerai bien que Bonjour Tristesse reste un personnage planant au dessus de la société: on sait qu’il est là, qu’il regarde et quand il y a un trop gros dérapage puisse réapparaitre. Je veux juste me laisser la liberté de faire ce que je veux et quand je veux.
As-tu eu des propositions de la télévision ?
Oui, j’ai eu pas mal de propositions J’ai de la chance de m’être fait tout seul. J’avais déjà eu un petit parcours dans l’artistique, mais j’ai décidé de redevenir auteur en partant – littéralement- de mon canapé. Je considère qu’en m’étant construit sans rien devoir à personne, je serais un abruti de baisser mon froc ! Certains auraient plus d’excuses que moi, ou moins de courage, je ne sais pas… En tout cas je ne fais pas de concessions sur mes valeurs. Avec mon parcours j’ai le droit de dire « je vous emmerde, je ne vous dois rien ! « . Il y a des télés qui me disent « tu auras ta liberté d’expression etc », mais j’ai la flemme de négocier ma liberté. Je me suis construit un personnage qui ressemble beaucoup à ce que je suis, et à ce que je pense. Il y a beaucoup d’artistes qui se demandent comment plaire au public et qui réfléchissent par rapport à ça. Parfois ils se retrouvent avec un personnage et parfois un public qui ne leur ressemble pas du tout. Dans mon public tout le monde ne me ressemble pas et je ne suis pas d’accord avec eux sur tout, mais on se respecte et nous avons des atomes crochus. Arriver tout de suite dans un grand groupe audiovisuel à une heure de grande écoute absorberait mon identité. C’est plus pertinent de me construire de mon côté, pour que le jour où je travaille avec une chaine ce soit une vraie collaboration, pas juste pour devenir un employé.
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