L’acteur et cinéaste Mathieu Kassovitz est devenu l’un des porte-voix des théories complotistes sur le 11 Septembre. Récit d’une initiation au doute.
« Direktor-Aktor-Produktor-Konspirator ». Ainsi Mathieu Kassovitz se définit-il sur son compte Twitter, confirmant que ses sorties à répétition sur les supposés mensonges du 11 Septembre ne sont pas de simples accidents. Elles participent au contraire de sa nouvelle identité d’homme public, cette image de complotiste qu’il entretient depuis ce fameux soir du 15 septembre 2009 où, invité sur France 3 dans l’émission de Frédéric Taddeï Ce soir (ou jamais !), il révélait ses doutes.
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« Je pense que ce qui s’est passé le 11 septembre 2001, et la version officielle qui en a été donnée par les Américains, est obligatoirement questionnable », lançait le réalisateur de La Haine, devant un plateau totalement muet.
Ces déclarations, répétées plus tard, firent scandale et leur auteur s’engagea alors dans une longue bataille judiciaire contre plusieurs journalistes qui l’accusèrent, entre autres, de « révisionnisme ».
« Il a toujours été travaillé par la question du doute »
Pour les anciens proches de Mathieu Kassovitz, l’émission de Taddeï n’avait rien d’une révélation. « Ce qu’il a dit sur les attentats du 11 Septembre ce soir-là ne m’a pas étonné une seconde, confie l’un de ses anciens collaborateurs, Pierre Aïm, directeur de la photographie des premiers films du cinéaste. Mathieu a toujours été profondément travaillé par la question du doute. De ses premiers films jusqu’à L’Ordre et la Morale, il a toujours été obsédé par la différence entre les images médiatiques et la réalité, entre ce que l’on nous montre et ce qui est vraiment. »
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Pour le jeune Mathieu Kassovitz, qui bricole des courts métrages à la fin des années 80, le doute a d’abord été une affaire de tempérament, un caractère de « sale gosse », précise le cadreur Georges Diane, son voisin de l’époque et collaborateur qui l’accompagnera jusqu’aux Rivières pourpres en 2000.
« Très tôt, il a eu ce côté iconoclaste, explique-t-il. C’était quelqu’un à qui tu ne disais pas ce qu’il devait penser. Il jouait tout le temps les contradicteurs obligatoires, par plaisir mais aussi sûrement un peu pour exister. »
Son caractère ne va pas s’améliorer pendant la décennie de relations tumultueuses qu’entretiendra Mathieu Kassovitz avec le cinéma français, qui en a fait tour à tour son nouvel espoir (il reçoit un prix de la mise en scène à Cannes en 1995 pour La Haine) et son mouton noir (il est hué, toujours à Cannes, pour Assassin(s) en 1997). « On avait tous pressenti que le succès phénoménal de La Haine allait être trop lourd à assumer, qu’il ne s’en remettrait probablement pas », se souvient Alain Rocca, le fondateur de la société de production Lazennec, où Mathieu Kassovitz a débuté.
« Son engagement n’a rien de superficiel »
Il faudra une rupture violente pour le jeune cinéaste, qui se brouille avec presque tous ses proches et s’installe aux États-Unis au début des années 2000. C’est là qu’il assiste à l’effondrement du World Trade Center et se convertit rapidement aux théories complotistes. Selon son plus fidèle ami et collaborateur, Christophe Rossignon, qui a produit la majorité de ses films français, Mathieu Kassovitz « a pris le mouvement à la suite des spécialistes américains. Il y a eu une période où il était très préoccupé par le 11 Septembre, avec une sincérité et une émotion que vous ne pouvez pas imaginer, explique-t-il. Son engagement, même si je ne le partage pas, n’a rien de superficiel. Il n’est pas juste une grande gueule qui veut emmerder le monde. »
Sur les rumeurs de connexions du cinéaste avec l’extrême droite ou avec des auteurs de la trempe de Thierry Meyssan, Christophe Rossignon est catégorique : « Ce sont des conneries. Mathieu ne fait qu’exprimer un doute, il n’appartient à aucun mouvement ni à aucune idéologie. » On le sait néanmoins proche de l’association complotiste International Center for 9/11 Studies, qui organisait récemment une réunion de ses membres à Toronto à laquelle le cinéaste aurait assisté.
« Il cherche à être crédible, mais il ne faut pas se tromper : Mathieu n’a aucune culture politique, aucun background, tranche Georges Diane. C’est un mec qui est choqué par des comportements mais il ne formule pas une pensée précise. Alors qu’il critique l’attitude de l’État américain vis-à-vis du 11 Septembre, il est aujourd’hui retourné aux États-Unis où il court comme un damné derrière les studios. C’est le genre de contradiction qui le définit depuis toujours. »
Juste avant de retenter sa chance à Hollywood, le cinéaste a été pris d’une autre fièvre de doute (passagère) sur Twitter, où il s’interrogeait sur les suites de l’affaire Merah après la tuerie de Toulouse. « Qui a tué ces enfants juifs ? Sommes-nous certains que c’est Merah et doit-on croire la version officielle malgré les zones d’ombre ? », écrivait-il. L’occasion était belle, encore une fois, de ne pas se mêler à la peine collective.
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