Math Podcast: « Evidemment que plagier ces vidéos était une connerie »

Malgré ses 424 000 abonnés, Math Podcast n’était pas connu du grand public. Jusqu’à ce début du mois de février 2016, le jour où plusieurs internautes ont découvert que certaines vidéos du YouTubeur avaient été plagiées.

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En dépit de ses excuses publiques (sur Twitter ainsi que dans une vidéo YouTube diffusée en direct), le YouTubeur traine depuis une réputation de plagieur. « L’affaire Math Podcast » a été reprise par de nombreux médias français (notamment sur le site des Inrocks), traitant de la découverte de ses plagiats jusqu’à son comeback le 20 mars dernier. Sa nouvelle vidéo (un micro-trottoir dans lequel il demande à des passants s’ils seraient capables « d’embrasser quelqu’un qui pue de la gueule« ), devait officialiser son retour dans le « droit chemin » : elle présente en fait de fortes ressemblances avec une publicité de 2012.

De l’exposition médiatique au harcèlement en ligne, comment le jeune homme de 19 ans a-t-il vécu ces derniers mois ? On le rencontre au Bureau, un café du 8e arrondissement où il a pris l’habitude de travailler ses sketches avec son auteur. Café à la main et bonnet vissé sur la tête (« Excusez-moi si je le garde, je n’aime pas mes cheveux aujourd’hui« ), il accepte de répondre à toutes nos questions, même les plus grinçantes.

Après un mois et demi d’absence, tu reviens avec une nouvelle vidéo… Qui reprend le même concept qu’un autre micro-trottoir. Est-ce que tu as raté ton comeback ?

Math Podcast – Evidemment j’ai été bête, j’aurais dû regarder si ce micro-trottoir avait déjà été fait ! Mais je suis certain que si je n’avais pas eu une veste rouge, il n’y aurait pas eu autant de critiques… En plus il a la même tête que moi (avec 10 ans de plus) ! Le pire c’est que je voulais faire du micro-trottoir depuis longtemps, bien avant cette histoire de plagiat. J’en faisais d’ailleurs sur NRJ12, et j’en avais déjà fait sur ma chaîne. C’est là dedans que je me sens le plus à l’aise. Surtout depuis que je travaille avec un auteur.

https://www.youtube.com/watch?v=DT8SX0TIEbs

Comment tu faisais, avant de travailler avec un auteur ?

Avant je faisais tout, tout seul. Enfin, tout seul… (il sourit d’un air embarrassé) avec des Américains !

Comment en es-tu venu à copier ces multiples vidéos ?

J’ai commencé quand j’étais au lycée. Je regardais des vidéos de YouTubeurs américains, mais comme je ne suis pas bilingue, je mettais le traducteur pour m’aider. Sauf que c’était du charabia, ça traduisait trop mal… Puis je découvre Motoki, et pour une fois, je comprends tout ! Au début, je ne voulais pas reprendre ses textes, juste ses thèmes…

Sauf que tu copies jusqu’à ses expressions faciales…

C’est simple, en même temps que je tournais, je mettais mon ordi sous la caméra, et je regardais ses vidéos. Inconsciemment je faisais les mêmes mimiques… Evidemment que c’était une connerie.

Tu avais conscience que c’était vraiment du plagiat ?

Sur le moment c’était complètement inconscient.

Quand les forumeurs de jeuxvideo.com ont lancé le hashtag #MathPodcastPlagiat, le YouTubeur Seb la frite a été la première « célébrité » à le partager. Pourquoi vous détestez-vous?

Quand j’avais 14 ans, je m’entendais bien avec lui ! On n’était pas vraiment potes, mais on se parlait cordialement. Puis il y a eu une embrouille, je ne sais même plus pourquoi… On avait même fait des vidéos l’un contre l’autre, puis on avait tout enlevé : c’était un clash d’enfants. D’ailleurs avant cette histoire de plagiat, il ne disait plus trop de mal sur moi… Evidemment ça a relancé la machine.

Tu penses que ce ressentiment est une question de génération ?

C’est vrai que toute la génération de YouTubeurs, qui sont présents depuis longtemps en ligne, ne m’a jamais énormément apprécié…

Toi en particulier ou toute la « nouvelle génération » de YouTubeurs (Sundy Jules, Clara Channel, Un Panda Moqueur, Tim, Mademoiselle Gloria, etc) ?

C’est toute la génération. Je pense savoir pourquoi, et je peux les comprendre. Ils travaillent beaucoup plus leurs vidéos, avec une grosse réalisation, un gros budget… Et ils font presque autant de clics qu’un Panda Moqueur qui, par exemple, a juste à allumer sa caméra et parler d’un thème pour faire des millions de vues ! Ils pensent que c’est de la facilité.

Pourquoi c’est plus facile ?

Il y a le concept de « tags » par exemple, comme le « What’s on my phone » [où le ou la YouTubeur-euse dévoile le contenu de son téléphone, ses applications préférées, etc]. C’est très simple, tu n’as besoin qu’un téléphone et d’un ordi. Jeremy [qui fait partie de la « première » génération, ndlr] a d’ailleurs fait une vidéo parodique du « What’s on my phone » : il a détourné le concept pour se moquer des jeunes YouTubeurs.

Ces tags « What’s on my phone » reposent principalement sur la popularité du YouTubeur, non ?

Justement, ils disposent d’une énorme fanbase, qu’ils ont su créer grâce à leur authenticité. A l’inverse, les Norman et Cyprien ont une communauté immense, ils se mettent plus en scène, mais ils sont moins « engageants » qu’un Panda Moqueur, pour reprendre cet exemple. Quand ce dernier poste un tweet, il fait automatiquement 1 500 retweets ! Grâce à ses vidéos face caméra, hyper naturelles, il crée une sorte de proximité. C’est ça, la force de la « nouvelle génération ». Ma force, c’est la simplicité. Je ne suis pas humoriste, mon but c’est de faire du divertissement.

Tu te vois comme un comédien ?

Non, aujourd’hui je n’ai pas envie d’être acteur. Evidemment si on me propose de faire du cinéma, je ne dirais pas non. Mais je veux avant tout être entertainer : divertir les gens à travers une plateforme, que ce soit la radio ou la télé. Pas n’importe quelle télé, une qui correspond à ce que je fais, comme les micro trottoirs que je faisais sur NRJ12.

Tu n’as pas peur que cette controverse te coupe dans ton élan et ruine ta carrière?

Je me suis beaucoup posé la question. Mais quand on voit les mecs qui cartonnent aujourd’hui (Cyril Hanouna, Jamel, Gad Elmaleh), ils ont tous fait des conneries, au moins aussi grosses que celle-là! Regardez Thierry Ardisson, c’était la même histoire que moi, mais avec un livre [Pondichéry en 1994, ndlr] Ça a créé une polémique de fou… Ça l’a sans doute freiné, mais ça ne l’a pas arrêté.

Tu as posté une nouvelle vidéo un mois et demi après la polémique : on aurait pu s’attendre à ce que tu disparaisses beaucoup plus longtemps avant de revenir…

Ça m’aurait rendu fou, d’attendre 6 mois avant de revenir. Au plein coeur de la polémique, je me suis retrouvé chez moi, à me tourner les pouces, à lire tous les tweets négatifs… J’ai voulu en sortir vite. Et puis je me suis dis que de toute manière, que j’attende un mois ou six mois, ma première « nouvelle » vidéo serait mal reçue. Alors autant en sortir une. Je voulais en publier une qu’on ne pourrait pas accuser de plagiat. Bon, ça a un peu loupé (rires).

Tu as l’air d’en rire, et en même temps d’avoir été très affecté. Tu en as vraiment tiré des leçons ?

Ca m’a donné une motivation incroyable, que j’avais moins avant. J’ai envie de me prouver – et aussi à mes proches – que je peux sortir de ça. J’ai fait une connerie, je veux avancer. Mais je trouve quand même que la réaction de certains médias a été disproportionnée…

Comment ça ?

Certes j’ai fait une connerie de ouf, mais si on remet les choses dans leur contexte, je n’ai que 19 ans, je fais des vidéos sur internet… La plupart des plagiats ont été faits quand j’avais 15 ans… Je sais que j’ai fait une bêtise, mais un tel lynchage sur Twitter…

En même temps, tu es bien placé pour connaître la capacité à Twitter à « s’enflammer » et créer le buzz.

Bien sûr et j’adore internet, et en partie Twitter. Normalement un buzz comme ça, ça monte et ensuite ça redescend. Là il y a des gens qui m’ont dit d’aller me suicider. D’autres ont essayé de trouver mon adresse et celle de mes parents, pour leur envoyer des pizzas tous les soirs…

Ta famille sait ce qu’il s’est passé ?

Maintenant mes parents le savent, forcément. Ma mère avait reçu des appels d’amis, mais elle ne comprenait pas trop ce qu’il se passait. Mon père l’a très mal vécu. Ma mère ne me le dira jamais, mais je pense que c’est pareil.

Tu as eu des ennuis judiciaires?

Non. YouTube a une philosophie : quand quelqu’un vole un contenu, ils favorisent la mise en relation entre les deux personnes pour qu’elles s’arrangent à l’amiable, plutôt que de porter le problème devant la justice. J’ai envoyé un message à Motoki pour qu’il vienne 4 jours à Paris avec sa copine [il nous montre l’échange en message privé sur Twitter]. Il ne pouvait pas cette fois-ci, car il a cours, mais peut-être qu’on fera ça cet été. On devait faire une vidéo ensemble qu’on mettrait chacun sur notre chaîne respective.

Tu as aussi copié des idées d’autres YouTubeurs… Des nouvelles?

Non. J’ai pris leurs idées, mais c’est moins du plagiat que Motoki. Je me suis complètement inspiré d’eux, mais je n’ai pas repris les mêmes phrases ou les mêmes mimiques.

Tu as également « subtilisé » la page Facebook d’un internaute très suivie. C’était pour t’approprier ses abonnés ?

Oui, c’était sûrement pour ça. C’est vrai, c’était bête. Je lui ai rendu depuis.

D’un jour à l’autre, tous tes tweets ont disparu de ton compte, il n’en restait qu’un seul [certains ont depuis « réapparu », ndlr], c’est toi qui a tout retiré ?

Non je n’ai rien enlevé, je me suis fait hacker mes comptes Instagram, Twitter et Facebook. Les équipes de Melty, avec qui je travaille, m’ont aidé à les récupérer. Mais quand j’ai retrouvé mes comptes, 200 photos Instagram avaient disparu, ainsi que tous mes anciens tweets… Sauf celui-ci.

Etrange…

Oui c’est bizarre.

En terme d’abonnés, qu’as-tu constaté?

Depuis le début de cette affaire, j’ai perdu 20 000 abonnés et j’en ai gagné 10 000. Donc je suis à moins 10 000. Depuis deux semaines, quand je sors une vidéo, je perds 1 000 abonnés le premier jour. Ça veut dire que les gens qui découvrent la nouvelle vidéo se disent « ah, j’ai oublié de me désabonner de ce compte« . Et après j’en regagne une centaine par jour. C’est normal, ça va prendre du temps.

Ne penses-tu pas que tes abonnés ont perdu confiance en toi ?

Les deux premiers jours après la polémique, j’ai reçu beaucoup de tweets d’abonnés déçus, mais ça s’est vite calmé. Ce sont surtout les autres, qui venaient principalement de jeuxvideo.com, qui ont continué à me clasher.

Du coup, tu fréquentes les forums de jeuxvideo.com ?

Je n’y allais jamais. Maintenant je vais de temps en temps regarder ce qu’ils disent. J’ai fait un direct sur Periscope il n’y a pas longtemps : au début il n’y avait pas énormément de gens, puis je vois le nombre de spectateurs augmenter rapidement. J’ai tout de suite compris qu’ils avaient créé un sujet sur un des forums. Mais maintenant les forumeurs s’en foutent un peu plus qu’avant.

Comme tous les YouTubeurs « influents », j’imagine que tu as à un network.

Je suis chez Divimove, mais je vais partir.

Tu n’as pas eu de souci pour trouver un nouveau network après ces polémiques ?

Non, plusieurs networks m’ont contacté pendant cette affaire. Je pense que je vais aller ailleurs, où le CPM est plus intéressant.

Le CPM ?

Le fameux « coût pour mille ». Aujourd’hui je gagne 40 centimes pour 1 000 vues, c’est assez faible. Quand les gens parlent de la règle des « un euro égal mille vues », c’est faux. Ce n’est pas « mille vues » mais « mille vues monétisées ». Si je fais par exemple un million de vue, il y a un peu moins de la moitié qui comptent comme des vues monétisées.

Tu as cité Gad Elmaleh, Jamel Debouzze, as-tu d’autres inspirations ?

Quand j’avais 12 ans, j’imitais Rémi Gaillard. Je faisais du foot et j’essayais de marquer des buts acrobatiques dans des poubelles. Je les ai retrouvées il n’y a pas longtemps… Mais je ne les mettais pas sur YouTube. Sinon aujourd’hui, je trouve qu’un mec comme Cyril Hanouna est impressionnant ; il a le charisme, l’émission très populaire, des chroniqueurs…

En fait tu vas finir chroniqueur chez Hanouna !

Evidemment je ne dirais pas non si on me proposait, mais je n’ai pas envie d’être mis dans une case ; je préfère être libre et ne pas être réduit à « un trait de personnalité » comme ça arrive parfois sur les plateaux de télé.

Tu te vois où dans 5 ans?

Pour l’instant je vais continuer à faire des vidéos sur YouTube, c’est la plateforme que j’aime. Là, on m’a reproché de faire des micro-trottoirs, alors je vais retourner vers des vidéos plus écrites. On travaille toutes les semaines avec mon auteur [qui préfère rester anonyme, ndlr], on se voit dans un café, on discute des idées, ensuite il m’envoie des vannes. Il y a beaucoup d’humoristes qui font ça, même des YouTubeurs connus. Travailler avec un auteur n’est pas une honte ! Il y a des gens qui aiment bien écrire des vannes, c’est leur métier. Moi ce que j’aime c’est interpréter, faire les vidéos et faire le montage.