L’éditeur américain de bandes dessinées Marvel – Spiderman, Hulk, Captain America – lance en février prochain les aventures d’une super-héroïne adolescente et musulmane. Une façon de parler de la communauté musulmane américaine.
Le prototype de l’héroïne grande, blonde et pulpeuse n’est plus d’actualité chez la maison d’édition de comic Marvel. La nouvelle série mensuelle de Ms. Marvel aura pour héroïne Kamala Khan, une ado issue d’une famille pakistano-américaine vivant à Jersey City, dans le New Jersey. Kamala Khan a 16 ans, elle a de longs cheveux bruns, et troque ses pulls trop larges contre un collant rose et un loup lorsqu’elle découvre ses super-pouvoirs : changer de forme à volonté.
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Ce qui interpelle chez Kamala Khan, c’est son origine pakistanaise, et plus précisément sa confession musulmane. Marvel a déjà créé des personnages à la fois féminins et musulmans, la plus célèbre d’entre elles étant Sooraya Qadir, alias Dust, membre des X-Men. Sunnite, Afghane, portant le voile intégral et possédant la capacité de se transformer en sable. Mais Dust se contentait de quelques apparitions ponctuelles. Marvel franchit avec son nouveau bébé un cap en lui consacrant une série mensuelle.
« Deux éditeurs de Marvel, Stephen Wacker and Sana Amanat, sont venus me voir avec l’idée de créer une jeune héroïne américaine et musulmane. Ils ne m’ont donné aucun autre détail. Faut savoir que sur la côte est, il y a une communauté indienne et pakistanaise musulmane très importante. Dès lors, il me semblait normal que cette nouvelle héroïne soit originaire de ce coin, de Jersey City », explique la scénariste de la BD G. Willow Wilson.
Il ajoute : « De plus en plus souvent, les personnages de BD reflètent la réalité de notre société. Kamala est l’un de ces aspects. Derrière elle se cache l’expérience personnelle de Sana, l’éditrice de Marvel, Américain d’origine pakistanaise. »
Un nouveau public et une société qui évolue
Kamala Khan fera ses premiers pas à partir de février 2014. « Il est important que nous racontions des histoires qui reflètent un monde en perpétuelle évolution », explique la scénariste.
« Les lecteurs sont près à lire de nouvelles histoires. Je pense qu’il y a une envie de s’éloigner de l’aspect purement politique et de cette dichotomie : islam vs occident, qu’on nous inculque. Maintenant, les gens sont à la recherche de quelque chose de plus personnel. Des histoires vraies de vraies personnes. »
Pour autant, Marvel rappelle que l’aspect religieux de Kamala Khan n’est qu’une facette de sa personnalité, dans le sens où son histoire serait, avant tout, celle d’une adolescente qui cherche à se sortir de ses contradictions et à trouver sa place dans la société américaine. La difficulté de trouver sa place dans la société américaine, « c’est ce qu’il m’a le plus motivée », explique la scénariste.
« J’ai deux filles d’origine égyptienne. Quand je les vois, je sais qu’elles vont devoir affronter les mêmes problèmes auxquels Kamala Khan fait et devra faire face. D’où viennent-elles ? Quelles sont leurs origines ? Quelle est leur place dans la société ? »
Avec sa nouvelle miss, Marvel suit l’exemple de son principal concurrent, DC Comics. En effet, en 2012, la maison DC Comics créée un américain d’origine libanaise sous le nom de « Lanterne verte ». L’accueil fut mitigé. « Simon Baz (le nom du personnage) n’est pas tant un super-héros qu’une succession de clichés sur la communauté musulmane aux Etats-Unis », écrit le magazine The All-Weekly Entertainment. En insistant sur le côté adolescent de Kamala Khan, Marvel espère échapper à ce piège. Les deux publications tentent de séduire de nouveaux publics. Marvel a déjà essayé d’attirer la communauté hispanique en rendant le Spiderman de 2011 plus latino. De son côté, DC Comic a voulu faire plaisir à la communauté gay en révélant, en juin 2012, l’homosexualité de la Lanterne Verte. Au Pakistan, un dessin animé avait provoqué le débat dans le pays à l’été dernier : Burka Avenger racontait l’histoire d’une professeure des écoles le jour, qui combat ceux qui s’opposent à l’éducation pour tous. Et, tout comme dans le discours de Malala à l’ONU, les seules armes de l’héroïne sont des livres et des stylos. Seulement, la tenue de l’héroïne a fait grincer des dents dans le pays, la professeure-vengeresse porte un voile intégral.
Avec Kamala Khan, Marvel pense pouvoir faire d’une pierre deux coups : s’ouvrir à la fois à un public plus féminin et intéresser les musulmans américains. Et l’équipe reste optimiste sur son pari : selon G. Willow Wislon, « il y a toujours des critiques quand un personnage d’une minorité est créé. Mais j’ai été positivement surprise par l’accueil chaleureux que Kamala Khan est entrain de recevoir. »
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