L’association Anticor a saisi la CNIL suite à une invitation à une dédicace pour la sortie du livre de Marlène Schiappa, envoyée à tous les médias par son cabinet lui-même le 22 mai dernier.
Le courriel a fait réagir plusieurs journalistes. Le 22 mai dernier, le cabinet du secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes a envoyé à de nombreux médias une invitation à une dédicace à l’occasion de la sortie d’un livre de Marlène Schiappa. La ministre se servirait-elle des moyens offerts par son poste pour vendre son nouvel ouvrage ?
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C’est la question posée le dimanche 27 mai au soir par Anticor. L’association qui lutte contre la corruption et pour l’éthique en politique décide de « saisir le Premier ministre et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (la CNIL, ndlr) ». Anticor publie sur son site les lettres envoyées à Edouard Philippe et Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL. Et comme le souligne Anticor, il est précisé dans cet ouvrage que « ce livre n’est ni une communication gouvernementale ni un bilan d’action politique, mais un récit purement personnel, partiel et parfois romancé. Les propos tenus ici n’engagent que leur auteure. » L’association qui cite l’article 1 de la circulaire du 24 mai 2017 relative à la méthode de travail gouvernemental exemplaire, collégiale et efficace, montre alors comment Marlène Schiappa n’avait pas à utiliser ce fichier presse, ce qui constituerait un « détournement de la finalité » de ces données. Contacté par Les Inrocks, Jean-Christophe Picard, président d’Anticor insiste sur le devoir d’exemplarité de la secrétaire d’Etat : « Les choses sont claires, c’est un livre personnel, Marlène Schiappa a utilisé les moyens de l’Etat pour faire la promotion d’un livre personnel, et c’est indéfendable. »
« Une maladresse » qui « ne se reproduira plus »
J'avais trouvé ça gênant de recevoir cette invitation presse du secrétariat à @Egal_FH pour un livre décrit par @MarleneSchiappa elle-même comme "purement personnel". J'apprends que l'association @anticor_org a saisi le Premier ministre et la CNIL https://t.co/UV7c31Qnk2 pic.twitter.com/q40wqpL8nv
— Aude Lorriaux (@audelorriaux) May 28, 2018
M. Picard se dit également « étonné » de l’absence de réaction du Premier ministre pour l’heure. « Il serait dans son rôle, d’autant plus qu’il est le signataire de la circulaire qui définit des principes d’exemplarité, c’est dans son rôle de recadrer ses ministres et secrétaires d’état », insiste-t-il avant de rappeler que le détournement de fichiers « est un délit pénal dont la peine peut aller jusqu’à cinq ans de prison » et « que des risques de détournement de biens publics » peuvent aussi être soulignés. De son côté la CNIL a pour le moment refusé de faire tout commentaire, préférant attendre « l’étude du dossier ».
En réponse à Anticor, les services de la secrétaire d’Etat assurent auprès de Libération que le livre « vient en appui de l’action publique et politique menée par Marlène Schiappa, et non l’inverse ». « Au moins ils ne démentent pas les faits et reconnaissent implicitement qu’ils ont bien fait partir ce communiqué », remarque le président d’Anticor qui demande également « la mise en place d’un dispositif de contrôle et de sanctions sous la tutelle de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (Hatvp). »
Lundi après-midi, le cabinet de Mme Schiappa a finalement reconnu auprès de l’AFP « une maladresse dans le transfert de l’invitation de l’éditeur à ses contacts », qui « ne se reproduira plus » et n’a eu « aucun impact sur les deniers publics ».
« Eternel féminin » et « manucure »
L’ouvrage a en tout cas fait beaucoup parler de lui. Si l’on en croit L’Obs, le livre semble quelque peu égratigner l’image de la secrétaire d’Etat. Et le journal qui publie quelques extraits parle même de « gêne » et de « malaise ». Intitulé « Si souvent éloignée de vous », il s’agit d’une compilation de lettres qu’elle écrit à ses deux filles âgées de 11 et 6 ans, soit une sorte de journal intime à l’éducation « féministe » de ses enfants. Et certains passages relevés par l’hebdomadaire sont édifiants tant ils sont éloignés d’un féminisme progressiste dont se revendique la secrétaire d’Etat.
A propos de Brigitte Macron, la secrétaire d’Etat décrit « la bienveillance, la gentillesse, l’engagement et la classe naturelle, ses allusions artistiques, son humour ravageur et son sourir irrésistible de ‘l’éternel féminin' ». En somme, « une expression éculée qui définit la femme uniquement à travers le désir qu’elle suscite chez l’homme », résume avec pertinence L’Obs. Mais il y a pire encore :
« Moi, j’ai pris la forme de manucure de ma tante Martine […], le parfum de ma grand-mère Andrée, les gestes tendres de mon arrière-grand-mère Nina […], la brosse pour se laver le visage de ma première belle-mère, la façon de ma mère de préparer le dîner […], et sans doute beaucoup trop de choses de mon père pour une femme. »
Manucure, parfum, cuisine.. Les inégalités femmes-hommes ont encore de beaux jours devant eux.
Quand @MarleneSchiappa , alors que c’est sa fonction, écrit : « J’ai pris […] sans doute beaucoup trop de choses de mon père pour une femme. » on peut se dire qu’il y a encore du chemin pour que l’égalité femmes hommes progresse vraiment dans les têtes https://t.co/JwTyhlB7Ir
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) May 28, 2018
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