Convoqué devant les instances du Front national, Jean-Marie Le Pen s’attend à être exclu. Alors que Marine Le Pen souhaite en finir avec ce « parasitage » au plus vite, le patriarche peaufine sa riposte et compte bien assister aux universités d’été de rentrée du FN. Ambiance.
Comment tout cela va-t-il finir ? « Très mal », répond laconique, un cadre du FN, joint par téléphone. Plus les semaines passent, plus la crise politico-familiale qui agite le parti frontiste vire à la tragédie shakespearienne. En pleine période estivale et alors qu’il s’apprêtait à partir pour une « cure de repos » dans le sud de la France, Jean-Marie Le Pen a eu la désagréable surprise de recevoir un courrier de sa fille, présidente du Front national. Le patriarche frontiste, redevenu président d’honneur, se retrouve convoqué devant le bureau exécutif du parti, réuni en commission disciplinaire, le 20 août prochain.
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Une quinzaine de griefs contre Jean-Marie Le Pen
Dans ce courrier où Marine Le Pen donne du « Monsieur » à son père, une quinzaine de griefs sont listés parmi lesquels les propos tenus par Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz sur le plateau de BFM TV, sa défense du maréchal Pétain lors d’une interview à Rivarol, ses attaques répétées contre Florian Philippot ou encore son « intrusion » sur scène, place de l’Opéra le 1er mai. Dans un communiqué publié sur son site internet, le « Menhir » a répondu à sa fille en évoquant un « procédé abject et indigne d’un candidat à la présidence de la République ».
« Jean-Marie Le Pen a tenté à maintes reprises de trouver un terrain de conciliation avec elle, soupire l’avocat du président d’honneur du FN, maître Frédéric Joachim. Il y a même eu des personnes qui ont tenté de jouer les go-between entre les deux parties pour parvenir à une paix des braves mais Marine Le Pen s’obstine. Elle ne s’arrêtera pas tant qu’elle n’aura pas obtenu son exclusion ». Cet argument fait sourire un vétéran frontiste qui rétorque que « Le Pen demande un traitement de faveur qu’il n’a jamais accordé aux autres ». Les vieux grognards du parti ont encore en souvenir cette phrase sortie lors d’une réunion de conciliation avec Bruno Mégret : « Je suis comme Magellan, quand mon second ne suit pas mes ordres, je lui fais subir le sort de l’estrapade« .
« Nous avons atteint le point de non retour »
Malgré trois revers judiciaires où Jean-Marie Le Pen est parvenu à récupérer sa carte d’adhérent mais aussi son titre de président d’honneur, Marine Le Pen continue de vouloir l’exclure du parti qu’il a cofondé en 1972. « Avec ses outrances à répétition, le point de non retour a été largement atteint, confie un proche de la présidente du FN. Tant sur le plan personnel que sur le plan politique, elle estime qu’elle ne peut pas s’arrêter avant d’avoir obtenu son exclusion ».
Après la relative impréparation juridique qui avait suivi ses premières décisions et notamment celle de faire voter les adhérents par courrier afin de supprimer son titre de président d’honneur, sa fille a cette fois-ci soigneusement peaufiné sa stratégie. Après une réunion avec plusieurs hauts dirigeants du Front, elle a renoncé à réunir un congrès « physique » tel que le réclamait le tribunal de grande instance de Nanterre. « On aurait pu effectivement organiser une assemblée générale extraordinaire mais le calendrier ne s’y prêtait vraiment pas et puis c’était trop lourd à mettre en place sur le plan logistique », commente un membre du bureau exécutif. Avant d’ajouter confiant : « Contrairement à ce qu’a dit Jean-Marie, les compétences disciplinaires du bureau exécutif n’ont pas été remises en cause par le tribunal, notre erreur a simplement été de ne pas fixer un terme à sa suspension. Avec les universités d’été du parti qui approchent, c’est la meilleure solution que nous pouvions prendre ».
« On pourrait parachuter Jean-Marie Le Pen d’un hélicoptère »
Véritable gouvernement du mouvement, le bureau exécutif du FN est composé de huit personnes dont la plupart sont des proches de Marine Le Pen. Steeve Briois, Nicolas Bay, Louis Aliot, Florian Philippot, et Wallerand de Saint Just, ne cachent pas qu’ils sont favorables à une exclusion du patriarche. Parmi les personnes restantes, Jean-Marie Le Pen ne peut véritablement compter que sur le soutien de son amie, Marie-Christine Arnautu. Comme la décision d’une exclusion se prendra à la majorité, l’issue ne fait donc guère de doute. « On pourrait parachuter Le Pen d’un hélicoptère en déguisement de clown avec un orchestre qui joue du clairon pour débarquer au siège du FN que ça ne changerait rien au fait qu’ils voudront l’exclure », estime son avocat maître Frédéric Joachim.
Procédurier émérite, licencié en droit en 1952, Le Pen n’hésitera pas à saisir à nouveau les tribunaux s’il était à nouveau suspendu ou exclu du mouvement frontiste. « Il n’y a pas de scoop, nous irons en justice, confirme maître Joachim. Et puis s’ils espèrent l’empêcher d’aller aux universités d’été du FN, ils se trompent lourdement ». Cet avocat pénaliste promet de faire « intervenir la justice ou bien même la police » si l’entrée du Palais des congrès de Marseille lui était refusée. « Même si Jean-Marie Le Pen est radié et exclu, il reste président d’honneur du mouvement et ce titre le dispense de figurer sur un listing ou de disposer d’un carton d’invitation », assure l’avocat du patriarche.
Jean-Marie Le Pen rêve d’un destin à la Cicéron
« Que souhaite Le Pen au juste ?, s’interroge à haute voix, un membre du bureau exécutif. Il vient de marquer 3 buts à Marine Le Pen, il aurait pu tirer sa révérence avec les honneurs, sortir par le haut mais non, il a choisi de mener une ultime bataille et tout cela va mal se terminer. S’il y a un congrès physique, il sera hué par les militants ». Passionné par l’histoire romaine, Jean-Marie Le Pen rêve d’un destin à la Cicéron, celui d’un homme capable de faire changer d’avis une foule déchaînée par sa seule puissance rhétorique. « Il souhaite se défendre face aux militants et expliquer que ce qu’il cherche par-dessus tout c’est éviter le délitement d’une ligne politique qu’il a défendu durant 40 ans, explique maître Joachim. Il est persuadé que son discours obtiendrait un accueil favorable ».
En mai dernier lors d’un conseil politique houleux qui s’était tenu à Nanterre, Jean-Marie Le Pen pensait déjà renverser le cours des événements avec un discours qu’il avait minutieusement préparé. L’index pointé en avant, le verbe haut, le « Menhir » s’était posé en « martyr de la liberté d’expression » devant ces pontes du mouvement qui l’ont craint durant des décennies. Cela n’avait pas suffi, il avait été suspendu dans la foulée. « Même des gens qui l’ont toujours regardé avec des yeux de Chimène l’ont désavoué, commente désolé, un cadre frontiste. La magie n’opérait plus ».
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