Triple championne olympique, la coureuse française, à la retraite depuis 2004, se souvient de discussions entre athlètes sur la question de la couleur de peau.
Trouvez-vous justifié de poser la question de la supériorité des sprinters noirs sur les sprinters blancs ?
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Marie-José Pérec – Je n’ai aucun problème avec ça. Cette question, je me la posais quand j’étais athlète. Nous en parlions entre nous car le constat est implacable. Les sprinters sont dans leur immense majorité noirs, pas blancs ou indiens. Moi-même, je n’ai jamais été battue par une coureuse blanche.
Arriviez-vous à des conclusions lors de ces discussions ?
Évidemment, non. Les arguments se mélangeaient et nous n’avions pas de connaissance scientifique précise. On émettait des hypothèses : peut-être qu’il y a un héritage positif de l’esclavagisme, une plus grande résistance à l’effort, une endurance particulière ? Peut-être aussi que l’absence de moyens de transport dans certains pays favorisait l’apprentissage de la course ? Nous nous rendions bien compte aussi que les Africains ne se ressemblaient pas forcément. Par exemple, les Sénégalais étaient plus fins et élancés, les Béninois se montraient plus petits et costauds…
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On a le sentiment que l’athlétisme est organisé autour de profils physiques précis selon les disciplines…
C’est vrai. On dit par exemple que les athlètes maghrébins sont meilleurs dans le fond, sur des distances longues, alors que les Noirs sont meilleurs en sprint. Mais on s’aperçoit vite que ces a priori sont réducteurs et ont des limites. Avant que le Jamaïcain Usain Bolt n’apparaisse sur la scène internationale, on pensait qu’il fallait être petit et râblé pour être un bon sprinter. Avec son 1,96 mètre, Bolt démontre le contraire. Avant que Christophe Lemaitre n’y parvienne, on pensait aussi qu’aucun Blanc ne descendrait jamais sous la barre des dix secondes au 100 mètres.
Avez-vous été confrontée à ce genre d’a priori ?
Je me suis orientée de moi-même vers le sprint, cela me semblait une évidence, mais j’ai dû lutter pour faire du 400 mètres. Les entraîneurs pensaient qu’avec ma taille, mon physique et mes jambes, je serais meilleure sur 200 mètres. J’ai dû changer d’entraîneur pour avoir le dernier mot.
Existe-t-il un fort communautarisme dans le milieu de l’athlétisme ?
Dans l’équipe de France, à mon époque, on trouvait des petits clans, surtout chez les Antillais et les métropolitains. Ce n’était pas méchant mais les gens ne se mélangeaient pas trop. Moi, j’essayais d’être un électron libre, c’était davantage mon genre d’être à l’écart.
Ça se passait de la même façon quand vous êtes partie vous entraîner dans le groupe de John Smith aux Etats-Unis ?
Là-bas, nous étions tous noirs et cela nous semblait normal. J’ai beaucoup appris sur l’histoire des Noirs pendant cette période. John Smith nous racontait les combats qu’il avait dû mener sur son campus quand il était étudiant, les mouvements contre le racisme. Relater tout cela faisait partie de sa méthode de travail. Cette expérience américaine fut un véritable révélateur. Partout, à la télé, au cinéma ou dans les publicités, je voyais des Noirs ou des Hispaniques… J’hallucinais. Cela m’a fait prendre conscience du retard que nous avions en France sur la question de la représentation des minorités.
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