Remplacement des mots “père” et “mère” par « parent A et parent B », femmes-objets, tourisme matrimonial, mariage polygame : les prophéties émises par certains députés pendant les débats sur la loi du « Mariage pour tous » se sont-elles réalisées ?
Voilà déjà deux ans que la loi autorisant le mariage entre deux personnes de même sexe a été votée, après être passée devant l’Assemblée nationale et le Sénat. A l’époque, 331 députés avaient voté en faveur de la loi portée par le gouvernement, tandis que 225 s’y étaient opposés.
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C’était il y a deux ans. #MariagePourTous pic.twitter.com/VaXRigvIUk
— revue Well Well Well (@Revue_Well) 23 Avril 2015
Avant que cette loi ne soit adoptée, de longs débats ont eu lieu au sein de l’hémicycle, nourris de manifestations de grande envergure dans les rues de France. Au-delà des peurs assez vagues concernant une éventuelle “décadence de la société”, certains députés, détracteurs du projet de loi, avançaient des craintes sur des sujets précis. Le Huffington Post avait notamment réalisé une vidéo des arguments opposés par des députés pendant les débats. Passage en revue de ces prophéties, réalisées ou non.
« Il va bientôt être interdit de parler de père et mère » (Charles de Courson, UMP)
Le code civil a en effet été modifié par la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, comme c’était prévu dans le projet de loi. Les mots « père » et « mère » ont été remplacé par « parent », comme on peut le constater dans cette édition du code civil de novembre 2014. L’utilisation des mots « père » et « mère », dans la vie de tous les jours, n’est toutefois évidemment pas interdite, qu’un enfant ait un père et une mère, deux pères, ou deux mères.
« Il y aura un parent A et un parent B » (Jean-François Copé, UMP)
« Pour régler quelques dizaines de milliers de cas, le gouvernement, sans aucune concertation, est en train de rayer du code civil le terme de père et de mère pour le remplacer par parent A et parent B« , affirmait Jean-François Copé, alors président de l’UMP le 12 novembre 2012 sur RTL. Dans le code civil comme dans tous les textes de loi, il n’est fait aucune mention d’un « Parent A » ou « Parent B ».
« Des couples homosexuels pourront se marier » (tous)
C’est vrai, et ça a été le cas. D’après l’Insee, 17 500 mariages de couples homosexuels ont été célébrés entre le vote de la loi et décembre 2014, soit 4 % de la totalité des mariages prononcés. Côté adoption d’un enfant né d’une PMA à l’étranger par l’un des membres d’un couple de femmes, 721 demandes ont été déposées, et 295 décisions ont été rendues. Sur ces 295, 281 étaient positives.
« Il y aura des femmes-objets » (Jacques Alain Bénisti, UMP)
A l’époque déjà, certains députés, comme Jacques Alain Bénisti (UMP), faisaient l’amalgame entre l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe et la légalisation de la GPA (gestation pour autrui). Ce dernier affirmait alors que la loi « infliger[ait] des enfants Playmobil et des femmes-objets. »
Deux ans après le vote de la loi du « Mariage pour tous », cette pratique, qui consiste à avoir recours à une mère porteuse pour qu’elle porte l’embryon d’un couple, est toujours formellement interdite par le droit français. Manuel Valls a insisté sur ce point à de nombreuses reprises, comme lors d’une interview donnée à La Croix en octobre 2014, où il affirmait que la France était « opposée à la légalisation de la GPA qui est, il faut le dire, une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes. »
En revanche, la justice européenne a condamné la France en juin 2014 pour avoir refusé de reconnaître la filiation entre des parents français et leurs enfants conçus à l’étranger par GPA. C’est ainsi que la garde des Sceaux Christiane Taubira a fait passer une circulaire, validée par le Conseil d’Etat, visant à délivrer des certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger de parent français par GPA. Cette circulaire a été prise motivée par « l’intérêt supérieur de l’enfant » et non pour reconnaitre ou légaliser la pratique de gestation pour autrui. Cela n’a pas empêché Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous, opposante historique au projet de loi du Mariage pour tous, d’affirmer au Figaro ce 23 avril 2015 que « les pratiques de la PMA et de la GPA ont explosé. »
La France va devenir le « grand Las Vegas du mariage » avec du « tourisme matrimonial » (Philippe Gosselin, UMP)
« Des homosexuels étrangers pourront venir se marier chez nous« , assénait le député Marc Le Fur, appuyant les dires de Philippe Gosselin qui parlait notamment de « tourisme matrimonial« . Si l’Insee dispose de statistiques concernant le nombre de mariages mixtes en 2014, ils ne concernent que les mariages de couples de sexes différents. Contacté par Les Inrocks, l’institut a confirmé ne pas avoir de chiffres concernant la proportion de mariages mixtes au sein des mariages entre couples homosexuels.
Toutefois, en raison de conventions passées entre la France et d’autres pays, les ressortissants de Pologne, Maroc, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Slovénie, Tunisie, Algérie, Laos et Cambodge ne peuvent pas se marier avec un Français du même sexe. Fin janvier 2015, la Cour de cassation a cependant confirmé la validité du mariage d’un couple homosexuel franco-marocain, arguant qu’on “ne peut priver une personne de la liberté fondamentale de se marier”.
« Pourquoi pas, demain, le clonage façon Raël ? » (Georges Fenech, UMP)
Depuis le 23 avril 2013, le clonage humain n’a toujours pas été autorisé, au grand dam des amateurs de science fiction. En France, il est strictement interdit par l’article 16-4 du Code civil français, qui proscrit tout clonage, « à but eugénique, reproductif ou thérapeutique« . Ceux qui s’y risqueraient encourent de 30 ans de prison à la réclusion à perpétuité.
Le mouvement raëlien est, quant à lui, toujours considéré par la France comme une secte, depuis le rapport de 1995 de la commissions d’enquête parlementaires sur les sectes en France.
« Qu’est-ce qui empêchera de dire non à 3 personnes qui voudraient se marier ensemble? » (Xavier Breton, UMP)
A ce jour (23 avril 2015), le mariage polygame ne peut pas être contracté par le droit français. Toutefois, d’après le droit international, les mariages polygames contractés préalablement à l’entrée en France d’un couple sont valables, depuis bien avant le vote de la loi dite du Mariage pour tous. La loi Pasqua-Debré de 1993 dispose en revanche qu’un ressortissant étranger « vivant en état de polygamie » en France ne puisse obtenir une carte de résident de dix ans ni faire bénéficier plus d’un conjoint du regroupement familial.
« Vous jouez avec le feu, car ce sont des enfants que vous allez brûler » (Jacques Myard, UMP)
Jusqu’à preuve du contraire, aucun enfant n’a pour l’instant été victime de brûlures à cause de l’adoption de la loi qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Pour tout témoignage allant dans le sens contraire, merci de les faire figurer dans les commentaires sous cet article.
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