Dessinée à Paris et fabriquée à Ziguinchor, la marque de mode Marché Boucotte est conçue de façon intégralement solidaire : tous ses bénéfices sont reversés à l’association Futur au Présent, qui lutte contre la pauvreté dans la partie sud du Sénégal. Alors qu’elle passe d’une simple ligne de vestes à un vestiaire complet, portrait d’une marque de mode qui entend révolutionner notre façon de consommer le vêtement.
Il s’appellent Amadou, Ibou et Ibrahima. Ils sont tailleurs à Ziguinchor, ville au sud du Sénégal, et fabriquent les vêtements de la marque de mode Marché Boucotte, dont la conception se fait entre la France et le Sénégal. « La première fois qu’on s’est parlés par Skype, nos tailleurs ont pris plusieurs minutes à essayer d’ajuster la couleur de leur écran d’ordinateur en pensant que la vidéo avait un problème, raconte Maxime, qui porte de flamboyants cheveux roses. L’assistant styliste de Romain Urnel, directeur artistique pour la marque, fait partie de la division parisienne de Marché Boucotte, basée dans le XIe arrondissement. Ils ne croyaient pas que j’avais les cheveux vraiment roses. C’est ce que j’aime au sein de Marché Boucotte : on est loin en tous points, aussi bien géographiquement que culturellement, mais ça ne nous empêche pas de travailler ensemble pour la même cause. »
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Cette cause est le développement de la région sud du Sénégal, coupée du reste du pays par le fleuve qui le sépare, dont la traversée encore difficile – comme il n’y a pas de pont, elle se fait uniquement en bateau – est un sérieux frein à son développement. Fondée en 2012, l’association Futur au Présent œuvre pour une revalorisation des territoires du Sud, luttant contre la pauvreté et les inégalités notamment dans la province de Casamance, où l’association est basée. En 2015, Futur au Présent décide d’ouvrir une activité économique afin de pouvoir s’autofinancer : les bénéfices de Marché Boucotte, marque de mode 100% solidaire qui tire son nom du marché sénégalais éponyme, sont entièrement reversés à la région de production des vêtements, parfait exemple d’économie circulaire. Grâce aux ventes de Marché Boucotte, 90 petites filles ont été accueillies dans une toute nouvelle maison de l’éducation, ouverte à Ziguinchor cette année.
https://www.instagram.com/p/BLeoIXXj16g/?taken-by=marcheboucotte
Au-delà du tissu wax
En plus de la trentaine de personnes qui oeuvrent au Sénégal, l’association compte un atelier-bureau à Paris où travaille une partie de l’équipe de Marché Boucotte. C’est ici que chaque saison sont conçues les silhouettes de la marque, qui passe cet hiver d’une simple ligne de vestes réversibles à un vestiaire complet à la forte inspiration street : chemise, parka, pantalon et bombers sont dessinés en France, puis fabriqués au Sénégal dans des tissus achetés sur place. Comptez entre 60 et 70 euros pour une chemise, 90 euros pour un pantalon et 150 euros pour une veste. « Nos prix ne sont pas excessifs par rapport au marché, analyse Maxime. Dans les enseignes de grande distribution, les pièces sont à peu près au même prix, mais elles ne sont pas du tout faites dans les mêmes conditions. »
En plus du tissu wax – presque intégralement fabriqué en Chine et en Irlande, en raison d’une demande ultra globalisée, mais acheté au marché Boucotte de Ziguinchor – la marque propose des modèles réalisés en serru rabal, pagne en coton tissé réalisé à la main par des maîtres tisserands de l’ethnie manjak. « Il s’agit d’un tissu sénégalais de fête, utilisé pour confectionner les tenues de mariage ou enrouler l’enfant lors des baptêmes, explique Maxime. Il est fabriqué dans la rue, en bandes de 20 centimètres. On en fait un vêtement en cousant ces bandes côte à côte, ce qui est assez long et compliqué car le coton tissé s’effiloche beaucoup. »
« Un achat de qualité, et non de quantité »
Le résultat vaut les efforts supplémentaires. Solides et bien coupées, ces silhouettes en serru rabal ont été présentées lors du premier défilé de la marque, organisé fin novembre à Belleville, aux côtés de pièces en wax et en denim. « On n’avait pas prévu qu’une centaine de personnes débarqueraient ici, rit Oriane, qui s’occupe de la communication pour Marché Boucotte, en désignant d’une main l’espace collaboratif où a eu lieu de défilé. Ca nous a fait chaud au coeur de voir la cohue. On se dit qu’on ne fait pas ça pour rien, que ça vaut le coup de se battre. »
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Marché Boucotte vient de lancer son e-shop, et sillonne les marchés et pop-up stores à l’approche de Noël. Sur les stands, l’équipe sensibilise les passants à l’histoire de la marque, en insistant sur les conditions de fabrication et les actions ensuite menées par Futur au Présent, qui récolte la totalité des bénéfices de vente. « Les gens sont impressionnés par la qualité du tissu, reprend Oriane, qui note un vrai engouement pour la consommation éthique et solidaire. On essaie de les sensibiliser à une autre façon d’acheter la mode : faire des achats de qualité et non de quantité, en veillant toujours à ce que le produit ait été fabriqué de façon responsable. » Leur prochain projet ? Ouvrir un point de vente au Sénégal, pour que la population locale puisse s’offrir les créations réalisées dans leur région, à un prix adapté au marché.
Marché Boucotte sera présent ce weekend au marché de Noël Ethipop, sélection de créateurs éthiques et responsables, au Café A, dans le Xe arrondissement. Plus d’informations sur l’événement Facebook.
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