En seize ans, le créateur, qui a fait ses adieux avec un défilé en forme de best of, a réussi à transformer le malletier de luxe en marque numéro un du luxe. Bilan. Entre noir omniprésent, plumes rappelant “la Mort du Cygne”, le public en standing ovation menton tremblant et une scénographie mausolée, le dernier […]
En seize ans, le créateur, qui a fait ses adieux avec un défilé en forme de best of, a réussi à transformer le malletier de luxe en marque numéro un du luxe. Bilan.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Entre noir omniprésent, plumes rappelant « la Mort du Cygne », le public en standing ovation menton tremblant et une scénographie mausolée, le dernier défilé de Marc Jacobs pour Vuitton aurait pu donner envie de respirer dans un sac. Mais, comme un antidote à cet effet anxiogène, Marc Jacobs dédie sa collection “à la showgirl en chacune de nous”, avec de folles références inspirées par Barbra Streisand et Cher, résumant l’équilibre à la fois fun et sérieux de son cahier des charges chez Louis Vuitton.
Divisé entre le malletier à Paris et ses propres lignes à New York, le designer a annoncé ne pas renouveler son contrat pour se consacrer à l’entrée en bourse de sa marque éponyme en 2015. Crise de la cinquantaine ou lassitude, les négociations entre les deux partis semblent ne pas verser dans le sanglant Kramer contre Kramer, LVMH souhaitant continuer à investir dans la marque Jacobs en bon Sugar Daddy. Pourtant, impossible de ne pas remarquer que le premier look du show présentait une Edie Campbell enchaînée, le corps recouvert par les logos de la maison… Ultime provoc’ du créateur jamais à court d’idée pour choquer la bienséance, qui dédicaçait sa collection à “Bernard Arnault, avec tout mon amour” ?
Un créatif ancré dans la Pop Culture
Formé à la Parsons School et influencé par le bouillonnement créatif new-yorkais où il grandit chez une grand-mère bourgeoise et aimante, Marc Jacobs passe par Perry Ellis et lance sa marque éponyme aux collections grunge-chic encensées. Sa cote monte tant qu’en janvier 1997, Bernard Arnault lui confie les clés du malletier Vuitton, autorité du luxe respectée mais néanmoins étrangère au monde du prêt-à-porter. Avant même de se mettre au travail pour inventer le vocabulaire mode de la maison, l’aura du créateur et de sa clique cool – de Kim Gordon à Madonna – commence à se répercuter sur Vuitton en décoinçant son image tradi.
Marc Jacobs sait que l’entertainment fait vendre : à la fois utra bosseur doué mais surtout doté d’un vrai goût pour la Pop Culture, il en fera son curseur créatif en se positionnant comme le pur produit d’une époque avide de célébrités glam, vite lassée mais friande de sacs en cuir d’excellence comme mètre-étalon de la Sainte Trinité des 00’s : richesse – qualité – ostentation.
L’ADN de la mode Vuitton
Partant d’une page mode vierge, il impose rapidement sa vision iconoclaste de ce que doit être le luxe et y injecte du fun estampillé art contemporain : les collaborations Manga Pop de Takashi Murakami (2003), Graffiti Bold de Stephen Sprouse (2001) ou Sexy Nurses de Richard Prince (2008) propulsent les ventes stratosphériquement.
Outre l’argent, la marque devient un symbole de faste décomplexé, pointu et dans l’air du temps. Toujours prêt à se réinventer lui-même, passant d’enrobé complexé à éphèbe sculpté, il façonne un héritage style intrinsèquement lié à ses propres métamorphoses et excès (deux rehab en 1999 et 2007), transformant chaque saison la femme Vuitton, tour à tour en nuisette éthérée, bourgeoise fifties, bunny mutine… tout à la fois fantasmatiques et capables de parler à la femme, de Shangaï à New York. Et pour incarner cette femme imaginaire, Marc Jacobs appelle ses muses perso, de Kate Moss à Sophia Coppola, dont le charisme tranche avec les mannequins standards. Michael Burke, PDG de la marque, souligne : “Grâce à lui, Louis Vuitton qui était un acteur incontournable du luxe, l’est aussi devenu dans le domaine de la mode”. Une identité mode bankable inventée de toute pièce qui assoit la crédibilité de Vuitton.
Le Midas de LVMH
Dans un mail à l’agence de presse Associated Press, Anna Wintour déclarait : “la mode a besoin de rockstars et elles ne sont pas aussi stars que Marc chez Louis Vuitton. Il a intégré que c’est une maison sur le voyage, et chaque saison, il nous a embarqués dans des virées incroyables avec ses shows spectaculaires – des spectacles qui ont fait de Vuitton un phénomène global”. Une rockstar qui transforme tout ce qu’elle touche en cash : avec ses 460 boutiques et sept milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012, la planète Vuitton sous l’ère Jacobs représente la locomotive du groupe.
Véritable allégorie de la maison, le créateur pourrait être sur un piédestal irremplaçable mais son départ annonce un futur excitant : Nicolas Ghesquière, ex-Balenciaga, devant prendre le poste, à moins qu’un rebondissement dont la mode est coutumière ne vienne troubler les négociations. Sur le site officiel de la marque, rien n’annonce le départ du créateur… Déni, peur de sombrer dans la déification du directeur artistique tout puissant ou de gêner l’arrivée du remplaçant . Peu importe. Pour Marc Jacobs sorti par la grande porte, the show must go on.
Sandie Dubois
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}