Dans les rangs des partisans de Manuel Valls, l’heure est à la déception. L’ancien Premier ministre vient de perdre ce deuxième tour de la primaire citoyenne contre Benoît Hamon. Vers qui comptent se tourner ses sympathisants ? Que va-t-il devenir ? Récit de la soirée de ce dimanche 29 janvier dans le camp de l’élu d’Evry.
« Ne vous inquiétez pas, vous ne vous coucherez pas tard ce soir », nous avertit dès le début un membre de l’organisation du QG de Manuel Valls. Une formule qui sonne comme un mauvais présage. L’ambiance n’était pas vraiment à la fête dimanche soir dans le grand bâtiment de la maison de l’Amérique latine, dans le VIIe arrondissement de Paris. Dans une salle entièrement vide, un grand écran est branché sur BFM TV, « c’est pour les militants » nous indique-t-on. Seulement, peu ont fait le déplacement, ils sont une poignée tout au plus. Contrastant avec la masse de caméras et journalistes attendant l’élu d’Evry. Sur les murs, pas une seule affiche de la campagne.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Voilà, c’est fait… », lâche un militant pro-Valls en regardant sur son smartphone, Thomas Clay, le président de la Haute Autorité annoncer les résultats : 58,65 % pour Benoît Hamon contre 41,35 % pour l’ancien Premier ministre. Il est environ 20 h3 0 lorsque Manuel Valls fait son entrée sous l’acclamation de ses sympathisants qui chantent tous en chœur : « Merci Manuel.” Le candidat sortant s’était engagé à respecter le choix des électeurs en soutenant son ancien ministre de l’Education nationale, la promesse est tenue: « Benoît Hamon est le candidat de notre famille politique, je veux lui souhaiter bonne chance ».
Une aubaine pour Emmanuel Macron ?
Après les critiques virulentes de certaines propositions de Benoît Hamon, la présence de l’ancien Premier ministre dans son équipe de campagne n’est pas encore certaine. Manuel Valls a toutefois réaffirmé sa « certaine idée de la gauche qui fait de l’exigence de vérité la condition de la conquête et de l’exercice du pouvoir, qui fait de l’engagement pour la laïcité et la République un combat central et intransigeant et qui voit dans la société du travail une perspective d’avenir’.
Que va alors devenir l’ancien Premier ministre ? « Evry, c’est ma sève et ma source », a-t-il assuré la voix chevrotante, laissant entendre qu’il regagnera son fief dont il a été maire de 2001 à 2012. « Une nouvelle page s’ouvre. Il m’appartient de prendre le recul nécessaire de réfléchir, d’analyser, de me réinventer aussi », a raconté Manuel Valls, sans détailler davantage ce qu’il comptait faire dans les prochaines semaines. Il n’a pas le temps de finir son discours que les chaînes d’information en continu basculent sur Benoît Hamon qui vient de démarrer le sien. « Un simple bug technique », indiquent ses soutiens.
Primaire à gauche: "Je souhaite bonne chance à Benoît #Hamon lance ce soir Manuel #Valls pic.twitter.com/Lei6Q0sJhR
— BFMTV (@BFMTV) January 29, 2017
Une question est alors sur toutes les lèvres : les militants de Manuel Valls se tourneront-ils vers Emmanuel Macron ? « J’ai fait campagne en m’appuyant sur mes convictions. Et Benoît Hamon… le cœur n’y est absolument pas », lâche Margaux, une étudiante 22 ans, très émue. « J’attends de voir ce qu’il va proposer, parce que s’il compte s’appuyer sur un rassemblement de la gauche, il va devoir faire des compromis sur ses propositions qui ont beaucoup divisé le débat ces dernières semaines », ajoute-t-elle avant de confier qu’elle n’écarte pas totalement l’idée de se tourner vers l’ancien ministre de l’Economie.
valls qui donne rdv a dans 5 ans pic.twitter.com/fqNTm8HIgE
— Philou (@philousports) January 29, 2017
François Loncle, député de l’Eure, assure qu’il « ne peut pas soutenir le programme « de Benoît Hamon : « Je ne vais pas me mettre à soutenir des programmes irréalistes, qui vont plomber l’économie française, des programmes qui ne correspondent pas à mon état d’esprit. Je suis plus proche d’Emmanuel Macron que de Jean-Luc Mélenchon », lâche-t-il. « Impossible de voter pour un frondeur », tranche catégoriquement un militant.
Benoît Hamon lui tendra-t-il la main ?
Vêtu d’un costume bleu roi, Fabrice, militant, lui, est plus nuancé : « Face à l’extrême droite, face à une droite dure et austère représentée par François Fillon, dont on peut légitimement douter de l’impunité, il faut remettre du sens, il faut remettre des valeurs. Benoît Hamon peut incarner aussi cette orientation-là ».
Avec un quinquennat lourdement critiqué, entre les gifles et les jets de farine, ou encore les difficultés à mobiliser les figures du parti, la campagne de Manuel Valls fut compliquée. « Que fait-on de la gauche qui gouverne et qui veut gouverner ? », assène Pascal, un proche du candidat. « On a eu l’impression que le fait de gouverner, c’était déjà trahir, se salir. Il y a eu des difficultés, il y a eu des débats vifs, mais surtout il y a eu une absence de la gauche dans la mobilisation de la société », regrette-t-il avant d’ajouter : « J’ai fait le choix de m’engager au PS, donc je ne me séparerai pas de mon camp ».
Porte-parole de Manuel Valls, Philippe Doucet s’est montré plus ouvert : « Il faut que Benoît Hamon arrive à élargir son dispositif de campagne pour que le PS soit plus fort ». « J’ai toujours su que la campagne serait difficile, nous avons eu peu de temps pour la préparer », reconnaît-il avant de saluer le score de son candidat : « 42% c’est un très beau score, le même que Martine Aubry en 2011 ». « Le seul objectif c’est de ne pas avoir un deuxième tour Marine Le Pen-François Fillon. On a l’épée dans les reins mais c’est comme ça que l’on devient meilleur », conclut-il, optimiste.
Dans les rangs de certains vallssistes, il se murmure que Manuel Valls « a intérêt à être irréprochable et à rester classe », « Si Hamon lui tend la main, il la prendra ». Sa défaite a en tout cas réjoui un partie des militants EE-LV qui se sont réunis dimanche soir dans le XIe arrondissement pour célébrer les résultats. Et c’est bien sûr un bar appelé le « 49-3 » qui a été choisi pour l’occasion. « C’est une étape qui fait plaisir. Et maintenant : au suivant ! », lâche une militante tout en buvant une gorgée de bière. Reste à voir comment le PS va-il arriver à se rassembler dans les prochains jours. « La campagne pour la présidentielle démarre dès demain matin », rappelle en tout cas un sympathisant.
{"type":"Banniere-Basse"}