Mercredi 23 juillet à Paris avait lieu une marche de soutien à Gaza entre la place Denfert-Rochereau et l’esplanade des Invalides. Lancée par le Collectif national pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens, il s’agissait d’une manifestation très surveillée, après les incidents survenus lors des derniers rassemblements interdits à Paris et Sarcelles.
Esplanade des Invalides dans le VIIe arrondissement de Paris, il est presque 21h. Des centaines de personnes s’assoient sur le bitume et entament une minute de silence en mémoire des morts de Gaza. Le défilé du mercredi 23 juillet se disperse lentement, sous un beau soleil de juillet. Longtemps, l’orage a menacé d’exploser, il n’en fut rien.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le cortège est parti vers 18h30 (un peu en avance) de la place Denfert-Rochereau dans le XIVe arrondissement. 14 500 participants selon la police -25 000 selon les organisateurs- ont répondu à l’appel du Collectif pour une paix durable entre Palestiniens et Israéliens. Sur place, beaucoup de drapeaux d’associations, de syndicats ou de partis politiques représentant la cinquantaine de membres de ce collectif, parmi lesquelles la Ligue des droits de l’homme (LDH), l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), le PCF, le NPA, le Parti de gauche ou encore la CGT. Il y a aussi beaucoup de policiers, postés entre les stations Port-Royal et Denfert-Rochereau, un millier selon le ministère de l’Intérieur.
« Eviter la présence de casseurs »
Cette manifestation du 23 juillet a été autorisée par la préfecture de police, après la double interdiction ayant entraînée des heurts à Barbès, le 19 juillet ou à Sarcelles, le 20 juillet. Cette fois, les organisateurs ont décidé de renforcer le cortège de militants « aguerris ». Les services d’ordres du PCF, du NPA ou de la CGT sont présents pour « assurer le service à l’intérieur du cortège et éviter la présence des casseurs » rappelle Taoufiq Tahani, président de AFPS.
Rassemblés autour du lion doré de Denfert-Rochereau, les manifestants n’ont pas été effrayés par la chaleur étouffante de cette fin de journée. La principale cible des critiques, outre Israël, c’est l’exécutif français et en pole position, le président François Hollande, accusé de « manipuler l’opinion publique » comme l’explique Sonia, une jeune manifestante : « Il est le complice d’Israël, il ne dénonce pas ce qu’il se passe là-bas. » Farid, la soixantaine va dans le même sens, brandissant un panneau « Hollande assassin » : « Que le gouvernement arrête de soutenir Israël, il y en a marre de compter les morts chaque jour. »
« La France dans le cœur »
Ahmed, l’un des rares manifestants brandissant un drapeau français est peiné :
« Tous ici, on a la France dans le cœur. Mais il y a tellement d’injustices que nous devons dénoncer aujourd’hui. Nous sommes des Français avant tout et nous en sommes fiers. Mais François Hollande doit cesser cette manipulation. »
Le cortège prend la direction du boulevard Montparnasse, pour rejoindre la place des Invalides. Les sonos hurlent, entrent en résonance avec les manifestants. On entend beaucoup de slogans : « Nous sommes tous des Palestiniens », « Gaza, Gaza, on est tous avec toi ». Mais aussi, « Israël assassin » et de nombreux appels à la résistance. Beaucoup d’enfants sont là parmi les manifestants, vacances obligent.
Présence timide du Mouvement des jeunes socialistes
En queue de cortège, à côté d’un stand de keffieh (10 euros et plusieurs coloris), on croise quelques membres du Mouvement des jeunes socialistes, malgré les critiques de la foule envers le gouvernement. Pour sa jeune présidente, Laura Slimani, il n’y avait pas à se poser de question quant à leur participation à cette marche : « On se devait d’être là, c’est notre place. Mais c’est vrai qu’on aurait pu être plus équilibré. »
Au milieu du cortège, on aperçoit aussi un drapeau noir du Jihad, au milieu des nombreux drapeaux palestiniens. Le matin, un sondage de l’Ifop rappelait que 62% des sondés restaient favorables à l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes. « Ce score nous chagrine profondément commente Taoufiq Tahani. Nous espérons faire inverser cette tendance après la manifestation d’aujourd’hui. »
« Nous sommes là pour sauver l’honneur de la gauche »
Sur le boulevard Montparnasse, on croise plusieurs figures politiques. Parmi elles, Nathalie Arthaud, candidate à la présidentielle de 2012 et porte-parole de Lutte ouvrière : « Nous devons dénoncer la politique de l’Etat d’Israël qui terrorise le peuple palestinien. Aujourd’hui l’Etat israélien est le principal agent recruteur pour le Hamas, c’est une politique terroriste aveugle. »
Plus loin, nous apercevons Jean-Luc Mélenchon qui malgré sa récente envie de « bayer aux corneilles » est bien présent. Il ne prendra pas la parole, contrairement à une Clémentine Autain très critique envers le PS : « Le gouvernement français soutient Israël, c’est assommant. De surcroît pour un gouvernement de gauche. Nous sommes là pour sauver l’honneur de la gauche » déclare-t-elle devant quelques caméras avant d’être interpellé par un manifestant. « Moi j’ai voté Hollande en 2012 ! Le socialisme c’est terminé, c’est la dernière fois ! »
Une manifestation parfois tendue, mais sans débordements
Dernière étape de la marche, entre la tour Montparnasse et l’esplanade des Invalides. Au loin, on entend « La rage » le morceau de la jeune rappeuse Keny Arkana : « Parce qu’on a la rage, rien ne pourra plus nous arrêter. Insoumis, sage, marginal, humaniste ou révolté ». En tête de cortège, ce ne sont plus les membres de la CGT ou du PCF qui mènent la danse mais de nombreux jeunes faisant face à une centaine de CRS. L’ambiance est lourde. Certains ont le visage recouvert de masques ou de keffiehs. Régulièrement, les CRS bloquent l’avancée du cortège, il n’y a parfois qu’un mètre ou deux entre les manifestants et les boucliers. Les jeunes en profitent aussi pour prendre la pause ; font le triste geste de la « quenelle » pour les photographes.
Malgré quelques moments de tensions, l’ambiance est loin d’atteindre celle des dernières manifestations du 19 et 20 juillet dernier. Parmi les jeunes en tête du cortège, certains appellent au calme les plus agités : « Oh les petits sheitans, calmez-vous, où vous croyez vous ? Arrêtez de faire les singes parce qu’il y a des caméras ! » Hormis un jet de pétard, un seul autre incident à signaler : un homme de soixante ans répond à trois jeunes de vingt ans à peine, qui hurlaient leur haine de l’Amérique. Le ton monte, et il en faut de peu pour que le vieil homme ne soit pas roué de coups, très vite exfiltré du cortège par des policiers en civil.
« Nous sommes tous des enfants de Gaza »
20h, arrivée sur l’esplanade des Invalides, baignée par le soleil. Une cinquantaine de jeunes croient à la présence de la Ligue de défense juive (LDJ). Des charges isolées comme des poulets sans têtes, rapidement dispersées par les policiers qui ont su maintenir l’ordre durant la totalité de la manifestation. Le calme s’installe et ne disparaîtra plus. On entend résonner « Nous sommes tous des enfants de Gaza », repris en cœurs par la foule.
Sur la pelouse, les télévisions tentent de faire leur duplex. C’est difficile, beaucoup de manifestants veulent passer à la télé. L’ambiance est plutôt bon enfant, le calme revient petit à petit, la LDJ ne s’est pas déplacée. Pierre Laurent prend la pose pour faire quelques selfies, en répondant aux invectives : « Nous sommes les communistes nous, pas les socialistes » précise-t-il.
« L’essentiel de cette manifestation, la paix »
Pour Fanny Gaillanne, élue PCF du XIXe arrondissement, le gouvernement s’était montré irresponsable en interdisant les dernières manifestations. Celle d’hier a prouvé qu’il était possible de manifester sans heurts. Malgré tout, il reste un sentiment d’inachevé, et de haine de l’autre, au cœur du cortège. Fanny Gaillanne nous le rappelait en amont de la manifestation : « L’essentiel de cette manifestation, c’est de remettre au cœur du débat l’enjeu principal : ramener la paix. » La route vers une paix durable entre Israéliens et Palestiniens, soutenue par le collectif du même nom, paraît encore longue.
{"type":"Banniere-Basse"}