Dans une ambiance décontractée et festive, où les pancartes rivalisaient d’humour, nous avons suivi le cortège des pro-mariage pour tous, qui a rassemblé entre 125 000 et 400 000 personnes. Récit.
La pluie arrose copieusement la place Denfert-Rochereau aux alentours de 13h lorsque se rassemblent les premiers manifestants. Le départ du cortège est le même que celui des anti mariage pour tous, mais l’arrivée bien différente et symbolique : la place de la Bastille. Histoire de rappeler à celui qui y a fêté son élection, le 6 mai dernier, l’ensemble de ses engagements concernant le mariage pour tous et le projet de loi sur la famille.
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« Et si votre fils était gay, ferait-il un mauvais père ? »
« Attention, tu perds ton égalité ! » lance Marie, la soixantaine, à Françoise alors qu’un autocollant arc-en-ciel se détache de son imperméable. « Ne t’inquiète pas, c’est pas près d’arriver ! » répond malicieusement Françoise. Originaires d’Eure et Loire, elles sont venues dire « on va se marier« , déclare simplement Françoise, « on est déjà pacsée depuis 2000. » Face aux préjugés de tous poils qui s’élevaient, le 13 janvier dernier, du cortège contre le mariage pour tous, elles précisent :
« Ce n’est pas un combat individuel mais l’égalité pour tous qu’on veut. La PMA [procréation médicale assistée, ndlr] ne nous concerne pas directement mais on milite pour, car on veut que tout le monde soit à égalité. »
Les deux jeunes femmes s’éloignent rejoindre la formation du cortège. Et déjà, le soleil pointe le bout de son nez. Les capuches s’enlèvent, les parapluies se replient.
Ce qui ravit les membres de l’Association « Homos, hétéros, toutes et tous égaux ». Fraîchement constituée samedi dernier à Angoulême, grâce à Gérard Chauvin, l’association n’est « ni partisane, ni communautariste, elle regroupe d’ailleurs aussi bien des homos que des hétéros » explique son fondateur. Elle est née spontanément « en réaction à la montée d’un noyau intégriste sur Angoulême« . Parmi ses membres, Gabriela, 66 ans, en tenue de sport soignée, qui participe à sa première manifestation. Pas pour elle, mais pour son fils, homosexuel. « On m’a dit un jour qu’il avait une tare, confie-t-elle, avant d’ajouter : « Mention Très Bien au bac, maths sup/math spé et agrégé de mathématiques à 23 ans, c’est ça avoir une tare ? ». Une pancarte qui flotte dans le cortège fait écho aux paroles révoltées de la mère de famille : « Et si votre fils était gay, ferait-il un mauvais père ? »
A 14h précise, la tête de cortège, où trônent les visages de Bertrand Delanoë, Eva Joly, Harlem Désir ou encore Jean-Luc Benhamias, s’ébranle. Après un discours expliquant le bien-fondé du défilé, la sono qui suit les personnalités politiques se charge de transmettre l’enthousiasme, relayée par le soleil qui a définitivement remplacé la pluie. Le cortège déborde d’emblée sur les trottoirs, les gens s’éparpillent et pétillent de mille couleurs. Pas d’instruction sur le comptage, les épanchements à la presse ou les coloris de rigueur. Les consignes quasi-militaires de la manif des anti laissent les manifestants du jour songeur. « Manif pour tous, c’était une blague ? » s’exclame Julie, 26 et actuellement au chômage, remontée qu’on puisse manifester contre une extension des droits. Isabelle et son père défilent pour le droit des autres. Dans ce maelström, Isabelle, mère de deux enfants en bas-âge, défile avec Pierre, son père :
« On ne pensait vraiment pas avoir à manifester mais vu l’ampleur de la contre manif, je me suis débrouillée pour faire garder mes enfants et venir. »
Elle pointe du doigt un morceau de carton sur lequel est inscrit « M’a-t-on demandé mon avis sur votre mariage ? » : « J’aime beaucoup cette pancarte qui résume tout selon moi.« Tous deux hétérosexuels, ils reconnaissent ne pas être directement concernés, « mais on se sent concernés en tant que citoyen quand on entend les propos réactionnaires et parfois homophobes qui sont ressortis de la manif des anti« , expliquent-ils. « En fait, on comprend même pas qu’ils ne comprennent pas, c’est juste normal l’égalité pour tous », tranche Marie qui passait par là et a décidé de prendre part à la conversation.
De son côté, Raphaël, 24 ans, assistant d’anglais qui se présente spontanément comme homosexuel, passe son temps à se marrer en regardant les écriteaux. « Franchement, je trouve l’humour et l’esprit des pancartes assez géniaux. » Et de citer pêle-mêle : « Je mets déjà mes doigts partout, pourquoi pas dans une bague! », « On veut les mêmes droits que les homophobes pas leur avis », « Moi aussi, je veux rouler en Scénic ». Mais une pancarte plastifiée a particulièrement retenu son attention. Brandie par un jeune de son âge, elle portait l’inscription : « Fier de marcher du bon côté de l’histoire ». A Bastille, vers 18 heures, ils étaient entre 250 000 et 400 000 personnes à partager ce sentiment.
Anthony Cerveaux
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