L’œuvre de Waterhouse, un classique de l’art britannique représentant des nymphes dénudées, a été censuré pendant une semaine par la Manchester Art Gallery. La décision, qui a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, était en réalité une mise en scène destinée à amener le public à parler du rôle et de la place des femmes dans la peinture.
Fin janvier, le tableau de l’artiste britannique John William Waterhouse, Hylas et les Nymphes, a été retiré du mur où il trônait depuis de nombreuses années à la Manchester Art Gallery. Sur la peinture, des nymphes à la peau diaphane et aux cheveux auburn flottant sur leurs poitrines dénudées entourent un garçon, Hylas, une joyeuse bande de tentatrices aux airs de jeune fille en fleurs parmi les nénuphars.
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La nature du tableau a incité le direction du musée de Manchester à le censurer dans le contexte actuel de réflexion sur le genre et les représentations des femmes dans l’art. Le public a réagi en masse contre cette décision, criant à la censure abusive.
Gallery 10 may look a little different to how you last saw it… This is to prompt conversation about how we display and interpret artwork in #Manchester’s public collection. #MAGsoniaboyce pic.twitter.com/IXkcODOkTk
— MCR Art Gallery (@mcrartgallery) January 26, 2018
Un « fantasme victorien » sexiste ?
A la place d’Hylas et les Nymphes de Waterhouse, un carré laissé vide : le musée y met à la disposition des visiteurs des post-its sur lesquels écrire leurs pensées quant à la censure du tableau. Un dispositif pour créer le dialogue que la directrice du musée Clare Gannaway explique dans un communiqué : « Ce musée présente le corps de la femme soit comme une forme ‘décorative et passive’, soit comme des ‘femmes fatales’. Ebranlons un peu ce fantasme de l’époque victorienne !”
Un problème se relève toutefois dans cette discussion contre le sexisme supposé de l’œuvre. Dans la mythologie qui a inspiré le tableau, les nymphes envoûtent Hylas et l’amènent à sa mort : elles représentent le cœur dramatique du tableau et non des créatures passives ou décoratives. Ainsi, au lieu d’amener le public à une réflexion sur les questions de masculin et de féminin dans l’art, la censure a davantage eu pour effet d’éveiller la colère des visiteurs et de Twitter, qui ont hurlé au puritanisme ou au coup de com’ :
https://twitter.com/philip_dantes/status/958965835053355008?ref_src=twsrc%5Etfw&ref_url=http%3A%2F%2Fwww.breitbart.com%2Flondon%2F2018%2F02%2F01%2Fgallery-removes-famous-painting-nude-women-inspired-metoo%2F
Le tableau restitué après sept jours de mise à l’écart
Sept jours plus tard, suite aux protestations vigoureuses, le musée a réinstallé le tableau de Waterhouse à son emplacement initial. La restitution du tableau a été accompagnée d’un mot du musée remerciant le public pour les « fantastiques réactions » récoltées suite à la censure, et s’est voulu très clair quant au fait que le tableau n’aurait de toute façon pas été mis en réserve pour toujours.
En effet, toute cette mise en scène serait une partie des événements préparatoires à la mise en place d’une exposition de Sonia Boyce à la Manchester Art Gallery. Le 6 février, la plasticienne britannique – dont la rétrospective commence le 23 mars prochain – dévoile les raisons de son action dans une colonne publiée dans le Guardian. Boyce n’en est pas à sa première tentative de « censure » d’œuvres : pour mettre en avant le pouvoir du « voir » et du « montrer », elle avait auparavant masqué toute une exposition du Brighton Museum & Art Gallery avec un papier noir, percé seulement de quelques trous pour entrapercevoir les œuvres. Si le dispositif de la Manchester Art Gallery fait bien partie du futur show de Boyce, c’est une belle exposition pour l’artiste – et pour le tableau un peu oublié de John W. Waterhouse, par la même occasion.
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