Samedi 8 juillet, une manifestation du Ku Klux Klan n’a pu avoir lieu à cause d’opposants. Le KKK n’est pourtant pas affaibli : grâce à leurs alliances avec la majorité des mouvances d’extrême droite, ils restent très bien implantés aux États-Unis.
Ils avaient tout prévu : leur longue robe blanche, leur cagoule pointue, et même leur arme. Samedi 8 juillet à Charlottesville, dans l’État de Virginie, les « Loyal White Knights » (les « Fidèles Chevaliers Blancs ») étaient prêts à « lutter contre la suppression de l’Histoire de la race Blanche ». A la demande du Magicien Impérial, leur leader, ils avaient sorti les drapeaux confédérés et les pancartes racistes. Objectif : manifester contre le retrait de la statut du Général Lee, l’une des figures du racisme durant la Guerre de Sécession. Mais cette opération du Ku Klux Klan (KKK) n’a jamais eu lieu.
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Des centaines de contre-manifestants les attendaient de pied ferme : autant des militants du mouvement Black Lives Matter, de la communauté LGBT, que de simples enseignants de Charlottesville. En moins de 3 minutes, les suprémacistes américains sont repartis sous les huées, humiliés. Un coup dur pour cette section locale du Ku Klux Klan, l’une des plus importantes et influentes du pays. Leur groupe, vieux de 160 ans, venait d’être piétiné par leur pire cauchemar : une bande de « nègres« et d’« inhumains ». En même temps, ils n’étaient qu’une petite quarantaine à s’être rassemblés. Cela fait peu pour une action qui se voulait de « grande ampleur ». Le jour-même, des médias évoquaient déjà le « déclin » du Ku Klux Klan. Serait-ce la fin de ce que l’on nomme vulgairement « la première organisation terroriste d’Amérique » ? Ce serait parler bien trop vite. En effet, le KKK n’a jamais été aussi bien implanté aux États-Unis.
🔴 FLASH – #USA: A #Charlottesville le #KuKluxKlan manifeste sous les huées d'opposants antiracistes en #Virginie ."
(📹 @Hklap_reports) pic.twitter.com/TytfOPcz0l— FranceNews24 (@FranceNews24) July 9, 2017
La plupart des actes racistes attribués au KKK
« Le Ku Klux Klan n’est pas affaibli par cette défaite. Il en a connu d’autres par le passé et ce n’est rien par rapport à ce qu’il est capable de faire : le Klan est derrière la plupart des crimes racistes et du sentiment d’insécurité général qui règne dans certains États », affirme Roger Martin, militant communiste spécialiste du KKK, et auteur de plusieurs livres dont AmeriKKKa, voyage en Amérique fasciste (édition Calmann-Lévy). En juin dernier, le rapport de la Ligue Anti-diffamation (ADL), affirmait que l’organisation restait « une menace pour la société ».
Chaque année, des meurtres, des bombes et des insultes contre les Noirs ou les homosexuels sont l’œuvre d’individus qui se revendiquent de près ou de loin du Klan. Depuis 2015, les actes de violences discriminatoires ont augmenté de 25%. Tuerie de Charleston par Dylann Roof, attaque d’un planning familial au Colorado… Des affaires « toutes rattachées au Klan, et qui sont loin de s’arrêter », avance le spécialiste.
Des alliances avec toutes les mouvances d’extrême droite
Après 1920 et 1950, les deux grandes périodes de gloire du KKK, 2017 pourrait bien marquer le retour de sa proéminence. Le groupe s’était fait plus discret, marqué par une image très folklorique et rattaché à tous les fantasmes et les violences. Pour faire profil bas, les membres du KKK brouillent les pistes, délaissant de plus en plus le costume un peu trop voyant. A tel point que leur nombre a toujours été sous-estimé ces dernières années. Si les archives en comptent environ 3 000, identifiés grâce à leur port du costume, en réalité, ils seraient « au moins 40 000, voire 80 000 », certifie Roger Martin.
Une réunion du Ku Klux Klan à Chicago en 1920, avec près de 30 000 membres. (@Wikicommons/Underwood & Underwood)
Les autres ne portent peut-être plus la robe et le chapeau pointu, mais ils ont formé des alliances avec la plupart des mouvements radicaux d’extrême droite, dans l’espoir de retrouver une continuité : les néonazis, les survivalistes, skinhead, séparatistes, religieux et même des membres du Tea Party.
« Le Klan et les mouvements de l’ultra droite sont comme cul et chemise. Ils forment un tout, on ne peut jamais les séparer. Les plus intelligents ont compris que pour rester invisible, il fallait intégrer d’autres groupes », précise l’écrivain.
Près de 40% des membres feraient ainsi la promotion d’une idéologie à mi chemin entre celle du Klan et du néonazisme.
Le KKK couvre la moitié des Etats-Unis
En juin dernier, l’ADL recensait au moins 42 organisations affiliées au Klan, soit 5 de plus par rapport à 2016, mais il y en aurait « plusieurs centaines », informe Roger Martin. En dehors de ces groupes connus pour leur racisme, le KKK chercherait à minimiser son implantation aux yeux de la société, en se rattachant à certains mouvements considérés comme moins extrêmes, comme ceux qui luttent contre le planning familial. « On en parle moins, mais ils sont très actifs dans ces mouvements », précise le spécialiste. Exemple : dans l’Alliance Defending Freedom, une organisation conservative chrétienne en Arizona, des membres du Klan poursuivent la communauté LBGT en « costume cravate », selon lui, avec un budget annuel de près de 51 millions de dollars. Leurs actions sont souvent réussies avec succès : en 2016, la Caroline du Nord a instauré une ségrégation anti-LGBT dans les écoles, « grâce » à eux.
Avec tous ses relais locaux et régionaux, « le Klan a un énorme pouvoir pour instaurer une véritable psychose et un climat de terreur dans les villes », certifie Roger Martin. Au lieu de faire de gros coups en masse, le KKK cible directement des individus qui défendent les libertés et droits des autres : ils menacent par exemple des médecins qui pratiquent l’avortement, ou des biologistes qui n’enseignent pas les théories bibliques. Le KKK répand son poison de manière insidieuse, en prenant son temps.
Les 33 États où sont implantés les membres du Ku Klux Klan. (@ADL)
Le KKK est en effet toujours très bien implanté aux États-Unis : ils sont présents sur 33 États différents, soit plus de la moitié du pays, selon la Ligue anti-diffamation. Si dans certains États, comme au Michigan, il n’y a parfois qu’une petite dizaine de membres, dans d’autres, comme au Montana, les milices de survivalistes armés côtoient le KKK traditionnel, les nazis et d’autres mouvements du type « White Lives Matter ». Pour un État peu peuplé qui se considère à 99% de race « blanche », leurs actions ont un fort impact. Mais pourtant, pas besoin de former des milices importantes pour avoir du poids : « Il n’y a pas besoin d’être nombreux, il suffit d’un homme pour poser une bombe dans une boîte de nuit gay », note le spécialiste.
L' »effet Trump », moins concluant que la victoire d’Obama
Au Michigan, justement, même s’il n’y a qu’une poignée de membres du Klan, les crimes racistes et haineux ont augmenté de 6500 % depuis l’élection de Donald Trump. Car la victoire du candidat républicain, qui a accumulé les polémiques et les discours misogynes, contre les Noirs et les communautés, leur a servi à banaliser les idées du Klan. « L’élection de Donald Trump a fait du bien au Klan, il a renforcé les extrémismes, même les plus ultras des Républicains », confirme Roger Martin. Sur Twitter, l’ancien leader de l’organisation suprématiste américaine, David Duke, s’était félicité de cette victoire.
https://twitter.com/DrDavidDuke/status/796249464826687488?ref_src=twsrc%5Etfw&ref_url=http%3A%2F%2Fwww.lci.fr%2Finternational%2Fetats-unis-les-crimes-racistes-ont-augmente-de-6500-dans-le-michigan-depuis-l-election-de-donald-trump-2016193.html
Pourtant, le nouveau président américain ne leur est pas aussi utile que son prédécesseur, Barack Obama, pour propager leurs idéaux.
« Paradoxalement, l’élection d’Obama était plus intéressante pour le Klan, ils ont même appelé à voter pour lui ! Selon eux, l’élection d’un noir devait créer un électrochoc et ils en ont profité, puisqu’ils ont enregistré une vague d’adhésions », explique l’écrivain.
Le FBI le contrôle… mais n’empêche pas les actions
Le groupe possède une autre faille majeure : le FBI infiltre les entités locales depuis des années. « Le KKK reste contrôlé par le FBI : il y a des agents infiltrés, des indic etc… Il ne se passe pas une chose sans que le FBI ne soit pas au courant. Il doit les infiltrer car tous les États-Unis vivent dans la hantise de nouveaux attentats », précise-t-il. En 1978, l’histoire de Ron Stallworth a fait trembler ces suprémacistes. Pendant 7 mois, cet agent noir a infiltré le KKK du Colorado. Il a enquêté et révélé les intentions et les activités illégales de grands chefs, comme du « Grand Dragon » Fred Wilkens et David Duke, alors le « Grand Wizard » du Klan.
Aujourd’hui, le KKK continue d’organiser des manifestations, qui restent légales aux États-Unis, et les membres sont désormais plus méfiants avec les nouvelles têtes. « Je crois que le FBI n’a jamais trop contrecarré le Klan », déplore pourtant Roger Martin, en rappelant qu’en 1965, les deux entités travaillaient « main dans la main » et que le « FBI a toujours joué un rôle pernicieux contre les Indiens, les Noirs ou les autres communautés. Aujourd’hui, les agents sont plus rationnels. » Si le KKK semble avoir encore de beaux jours devant lui, « ils ne prendront pas le pouvoir aux États-Unis », veut croire Roger Martin.
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