Quand la presse indé s’empare de la food, elle retourne la cuisine et trouve un nouveau souffle. Ces publications exigeantes et créatives suscitent l’intérêt des fans de papier. C’est un vrai phénomène dans les librairies spécialisées et branchées : l’éclosion de publications ultrapointues, stylées et intelligentes mixant culture et food. “Les généralistes comme ID ne […]
Quand la presse indé s’empare de la food, elle retourne la cuisine et trouve un nouveau souffle. Ces publications exigeantes et créatives suscitent l’intérêt des fans de papier.
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C’est un vrai phénomène dans les librairies spécialisées et branchées : l’éclosion de publications ultrapointues, stylées et intelligentes mixant culture et food. “Les généralistes comme ID ne vendent plus, ce sont les magazines de niche qui marchent aujourd’hui”, explique Alexandre de la boutique OFR à Paris. Les publications food s’inscrivent aussi dans le sillage de magazines cocooning et lifestyle tels que l’espagnol Apartemento, les américains Monocle et Kingfolk. Depuis une quinzaine d’années, l’art de la table se décloisonne, se démocratise et se réinvente. Pas de raison que cela échappe à l’édition. Editeurs, photographes, journalistes, graphistes débroussaillent les codes surannés de la bouffe pour en faire des objets culturels cool et poétiques, des magazines branchés et créatifs. Leurs points communs ? Petites équipes, jeunes, indépendantes, talentueuses et passionnées. Ces magazines sont tous une ode au papier, leur ingrédient principal. Ils rencontrent un lectorat exigeant et informé prêt à payer pour un produit inventif et beau. Voici une liste non exhaustive de ce qui se fait de meilleur.
« Yummy junkfoodesignmagazine » : le précurseur bad boy
Lancé en 2005, le Français « Yummy » avait un parti pris trash, fun, régressif et impertinent. Ce magazine sur le design de la junk food était le temple du Coca light, des bonbons Haribo et de Burger King. Avec pour slogan « Eat fast, laugh and lie », « Yummy » assumait une approche ludique et politiquement incorrect. Il se faisait le chantre de la “mangeaille industriellement séductrice” et du napage fluo contre le bio, le moralisme des locavores et la gastro ampoulée. C’était le mag des “merdouilles”, des “saloperies”, des sandwichs formatés. Ultra jouissif.
« FOOL food insanity brilliance & love » : folie, rock and food
Ce mag suédois a de la gueule avec ses couv ultra léchées en noir et blanc. Le chef Magnus Nilsson (suédois lui aussi), en tee-shirt Iron Maiden et manteau de fourrure, donnait le ton très « Game of Thrones » au premier numéro. Dès le deuxième, « Fool » s’est vu attribuer le prix du meilleur food magazine de Gourmand World Cookbook Awards. Ses parents, Per Anders et Lotta Jorgensen, ont voulu faire de « Fool » un mix entre « Vogue » et « Time » ou « Life magazine ». Ils estiment que chaque sujet doit être traité avec “insanity brilliance & love” (folie, virtuosité et amour). Fun et pertinent, « Fool » n’a aucun complexe à s’attaquer à des cadors comme le chef italien Massimo Botura (n°4) ou le français Michel Bras (n°2). Pas de recettes mais des stories originales, des portfolios déments comme ces huit pages de portraits de canards dans le premier numéro. “Fool” se traduit par idiot, fou, passionné, plaisanter. Ce magazine est bien plus encore.
« Lucky Peach » : le nerd sous LSD
En 2011, David Chang lance un des mags de food les plus excitant. Ce chef américain, en Une de « Time » en novembre, est le patron des restaurants Momofuku (traduire Lucky Peach). Ce trimestriel de San Francisco, chantre de la food réconfortante, interroge aussi bien la soupe de poulet que le genre. Le n°8 était divisé en deux parties : une “pour les femmes” et une “pour les hommes”. Le tout accompagné par des recettes de testicules, de pénis et de tétines. Pas de star en couverture mais un poulet déplumé plongé dans une casserole pour le numéro 1. Mise en page tripée garantie. Entre le fanzine et le mag de skate, c’est à la fois drôle, érudit et sans prétention. Avec « Lucky Peach », les nerds s’emparent de la cuisine.
« The Carton magazine » : poésie orientale
« The Carton magazine » est dédié à tous ces cartons d’oeufs et de lait qui jalonnent nos vies. Ce trimestriel indépendant explore depuis 2011 la culture du Moyen-Orient à travers sa gastronomie : surprenant, graphique et poétique. Sa conceptrice, Jade George est d’origine libanaise. « The Carton » est publié à Dubaï, aux Emirats arabes unis, et imprimé à Beyrouth, au Liban. Jade est une amoureuse du papier. Le dernier numéro est dédié à l’œuf. “Avoir des oeufs dans notre culture est synonyme d’avoir des couilles”, précise l’intro. La superbe couverture de l’illustratrice Jirayu Koo contrebalance d’entrée cette assertion : ses collages géométriques, vintage et enfantins provoquent une douce mélancolie. Le dossier s’ouvre sur les superbes créations du styliste food Nir Adar. « The Carton » est beau, intelligent, sensible.
« Gather Journal » : plus que des recettes, des tableaux
Publication bi-annuelle née à Brooklyn en 2012, « Gather Journal » délivre des recettes saisonnières, illustrées par des photos de plats d’une incroyable beauté. Leur esthétique raffinée crée le spectacle, entre natures mortes et romantisme anglais. Les quatrième numéro porte sur le concept de cocon. Les recettes et la photo interrogent les sensations de cocooning, de bien être et de chaleur. Le 3e numéro, “Rough Cut”, se concentrait sur la représentation de la nourriture au cinéma. La scène de la douche de Psychose d’Alfred Hitchock a inspiré la couv : une tarte anglaise aux fruits lardée de coups de couteaux.
« ku:nel natural lifestyle magazine » : le bien-être à la japonaise
Le bimensuel japonais « Ku:nel », aux couv épurées, est un magazine lifestyle chic et populaire diffusé à 125 000 exemplaires. Graphisme simple, doux et élégant, ce mag propose des recettes et de superbes séries photos : bulbes, gratins de pâtes, interrogation sur l’animalité de l’homme ou du thé. « Ku:nel » diffuse calme et silence. Il se feuillette comme une chanson dont on ne comprend pas les paroles : tout devient poétique. Il semblerait qu’il tire son nom des petits personnages qui jalonnent ses pages, création de l’auteure du pingouin emblème du réseau de train japonais.
« The Gourmand » : art, seventies et gastronomie
Basé à Londres, « The Gourmand » dissèque la relation entre gastronomie et monde de l’art. “Il célèbre la nourriture comme un catalyseur de créativité” écrivent les boss Marina Tweed et Dave Lane sur leur site internet. Esthétique seventies, pas snob mais branché, « The Gourmand » est un des nouveau phare de la food.
« Alla Carta » : la classe italienne
Sous titré avec élégance “dissertations around a table” (discussions autour d’une table), l’italien « Alla Carta », publication bi-annuelle née en 2012, est à la fois un hymne au pouvoir de la convivialité et à celui du papier. Le mag croise avec style food, fashion et société. “Sur le papier, nous voulons explorer la seule chose qui nous rassemble tous : la nourriture”, expliquent ses conceptrices. Générosité, optimisme et plaisir d’être à table résument une publication qui s’intéresse plus à l’acte social qu’est manger qu’aux produits. Dans le numéro 3, « Alla Carta » petit déjeune avec Luis Venegas, directeur de « Candy », publication branchée espagnole.
« Chick Pea Magazine » : le mag food des vegans
Le trimestriel canadien « Chick Pea », extension du blog hipsterfood, est un magazine vegan publié pour la première fois en 2011. Cette bible des « natural food lovers » promeut la traçabilité des aliments et le bio. Son contenu est très “DIY” (« do it yourself »). Reportages sur les restos vegans, recettes et ingrédients commerce équitable, « Chick Pea » capture l’essence des saisons. Le dernier numéro aborde le pique nique d’hiver, les produits sans gluten et les cocktails vegans.
« Mood Music & Food Magazine » : allier l’agréable à l’agréable
« Mood Music Food » mixe gastronomie et musique. Le trimestriel belge fait appel à des contributeurs du monde entier. Sans pub, pages mates et épaisses, design et stories léchés, il mêle reportages photographiques, interviews, recettes et playlists. Le troisième numéro allie plats et chansons et composent des recettes avec des villes mythiques de la musique. Vous reprendrez bien un peu de “Detroit Square Pizza Bruschetta”, de “Salmon & Garfunkel” ou de “Two Dog Cinema Club” ? Pour ces concepteurs, “pas grand-chose ne peut être meilleur qu’un bon disque et un délicieux repas”. On est bien d’accord.
« 180°C des recettes et des hommes » : le mook food français
Plus classique, plus grand public aussi, ce bisannuel de qualité mélange reportages, recettes, réflexions et humeurs. Bébé de fous de cuisine, ce mook indépendant et sans annonceurs propose une photo travaillée et des portraits fouillés. Le dernier numéro nous emmène faire la tournée des bonnes adresses du cinéaste Claude Chabrol, grand amateur de bonne chaire, rencontrer l’ormeau et les brigades de jeunes talents qui entourent les grands chefs. A chaque numéro, « 180 » ouvre ses pages à un photographe. Dans le n°2, Matthieu Paley, nous propulse chez les populations nomades des hauts plateaux du Pamir Afghan.
« Cereal In pursuit of food and travel » : faire du beau avec du grain
Trimestriel anglais, le minimaliste « Cereal » aborde des thèmes aussi divers que l’exploration anthropologique du grain de riz, du maïs, du quinoa, de l’herbe ou de l’architecture californienne. Vous ne trouverez pas couverture plus épurée. Numéro 1 : une pomme de pain. Numéro 2 : une étendue d’eau. Numéro 3 : une feuille. Numéro 4 (celui en cours) : des épis de maïs. Ce dernier débute par un portefolio sur des épis, puis nous fait voyager en Pologne et en Californie. « Cereal » revient à la source de tout : la beauté. Faussement simple, il est plein d’espace et ça donne envie de pleurer.
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