Benoît Hamon en a fait la mesure emblématique de son programme. Le revenu universel lui a été inspiré par une eurodéputée luxembourgeoise, Mady Delvaux, auteure d’un rapport remarqué sur la robotisation du travail. Elle y fait le rapprochement entre raréfaction du travail et taxation des robots, faisant germer l’idée d’un revenu universel.
Il a fait irruption dans la campagne, monopolisé la parole des candidats et porté son défenseur en tête du premier tour de la primaire de la gauche. Mercredi encore, pendant le débat d’entre-deux tours, Benoît Hamon se réjouissait du succès de son revenu universel, encensé dans Le Monde par une tribune d’économistes réputés, Thomas Piketty en tête. Mais d’où lui est venue l’idée de cette mesure qualifiée par ses soutiens de « pertinente » et « audacieuse » ? Rengaine de la gauche depuis des années, la création d’un revenu universel d’existence a trouvé une seconde jeunesse notamment grâce au travail d’une députée européenne, Mady Delvaux.
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Taxe robots et revenu universel
Membre de la commission juridique du Parlement européen, la Luxembourgeoise est la rapporteure d’un document remarqué sur les règles juridiques entourant la robotique. Le rapport, fruit de deux années de travail, fait le lien entre robotisation et raréfaction du travail. Dans cette nouvelle révolution industrielle, Mady Delvaux propose l’instauration d’une « taxe robots », destinée à financer un revenu universel d’existence pour compenser la perte de travail consécutive à l’utilisation des robots dans l’économie.
« Il faut regarder de près ce qu’il se passe avec la robotisation, insiste l’eurodéputée, car les experts sont très partagés : une moitié pense que cette révolution industrielle va si loin si vite que l’homme n’aura pas le temps de s’y adapter. » Dans ce scénario du pire, celui d’un chômage massif, Mady Delvaux soulève la question épineuse d’un financement de la Sécurité sociale et des impôts, qui reposent en grande partie sur le travail. D’où sa proposition de prélever une taxe sur les robots pour permettre aux gens de vivre dignement leur vie et assurer la cohésion sociale. L’objectif de cette députée européenne socialiste a séduit le candidat français.
Avec le revenu universel nous pouvons éradiquer la très grande pauvreté et sortir d’une logique d’assistance qui stigmatise #benoithamon2017
— Benoît Hamon (@benoithamon) August 28, 2016
La robotisation « par hasard »
Le 8 décembre, sur France 2, Benoît Hamon cite Mady Delvaux parmi les sources d’inspirations de son programme. Le rapport Delvaux est venu aux oreilles de celui qui n’était alors crédité que de 14% d’intentions de vote grâce au pilote de son projet politique, Guillaume Balas. L’eurodéputé de 44 ans, porte-parole de sa campagne, a lui aussi planché sur le rapport rendu en mai 2016. Il était chargé de rendre un avis pour le compte du groupe socialiste de la Commission du social et de l’emploi au Parlement européen.“J’ai tout de suite été très intéressé par le sujet développé par Mady Delvaux, sa proposition de taxe robots et sa vision novatrice du revenu universel”, explique aux Inrocks Guillaume Balas, pilier central de la galaxie Hamon.
Le revenu universel n’est pourtant pas le domaine de prédilection de Mady Delvaux, c’est même un “pur hasard” si elle s’est penchée sur la robotisation:
« Quand je suis arrivée au Parlement européen en 2014, un premier séminaire présentait les sujets dont il fallait s’occuper. Il y avait, comme toujours, le droit de la famille, les thèmes classiques. Le dernier sujet était les robots. J’ai trouvé ça fascinant parce que je n’y connaissais rien. À part des romans et films de science-fiction. »
Deux années durant, cette ancienne ministre de l’Education nationale et de la Sécurité sociale au Luxembourg se passionne pour la robotisation :
« Quand j’ai commencé, je me suis dit ‘on a le temps’. Mais maintenant, quand je vois que les voitures sans chauffeur sont pratiquement sur les routes et que les drones sont le cadeau le plus offert pour Noël…Je me dis qu’il est nécessaire d’y réfléchir. C’est un débat de société qui devrait dépasser le cadre des acteurs. »
En débat à Bruxelles
Modeste, l’eurodéputée insiste sur son rôle de coordinatrice du rapport, dit n’avoir rien inventé. Elle souligne les enjeux d’éducation que soulèvent la robotisation, véritables défis pour les sociétés contemporaines. Lorsqu’elle évoque le revenu universel d’existence ce n’est qu’une proposition lointaine, insiste-t-elle, l’anticipation d’une dystopie envisagée par les experts.
À la mi-janvier, tandis que le revenu universel cristallise les divergences des candidats à la primaire de la Belle Alliance populaire, la commission juridique du Parlement européen adopte le rapport de Mady Delvaux sur le droit civil des robots. Contre toute attente, le paragraphe sur le revenu de base a été maintenu. Un signe que l’idée fait son chemin aussi à Bruxelles. Il doit désormais être examiné en séance plénière au mois prochain.
#Montreuil Le #RevenuUniversel redonnera de l'autonomie aux jeunes, les aidera à poursuivre leurs études. Réenchantons leur avenir. pic.twitter.com/nulYL0VRU2
— Benoît Hamon (@benoithamon) January 26, 2017
Alors Mady Delvaux est bien obligée de le reconnaître, la campagne française n’arrange pas vraiment ses affaire : « Je dois dire que ça m’embête un peu. Parce que dans le contexte de la primaire de la gauche, tout le monde prend position pour ou contre le revenu universel. » Elle aimerait un vrai débat, mais connaît trop bien le jeu politique pour en vouloir à Benoît Hamon : c’est le propre des campagnes.
“Il a le mérite d’apporter un vrai sujet. La politique s’occupe très peu des questions de la robotisation alors que nous voyons que les technologies évoluent très vite et qu’il faut s’y préparer”, s’empresse-t-elle de reconnaître, fair-play, bien qu’elle ne connaisse pas personnellement le candidat.
Loin des déchirements du PS français, Mady Delvaux s’apprête à défendre son rapport sur la robotisation auprès de ses confrère européens, avant de se tourner vers un autre domaine. Le temps long a parfois du bon.
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