Quelques 450 000 soutiens de Jean-Luc Mélenchon doivent se prononcer pour le second tour d’ici le 2 mai, sachant que Marine Le Pen n’est pas une option. Résumé des débats qui les agitent.
Le 26 avril, au kébab « Chez Rosa », dans le XIIIe arrondissement de Paris, on ne choisit pas seulement entre salade, tomate et oignons. Une centaine de militants de la France Insoumise, le mouvement fondé autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon, doivent débattre d’un tout autre triptyque : voter Emmanuel Macron, voter blanc ou nul, et s’abstenir. Ce sont les trois options proposées par la consultation en ligne des 450 000 personnes qui ont « appuyé » sa candidature sur le site jlm2017.fr – ceux qui ne l’ont pas fait avant le 23 avril ne sont pas autorisés à participer.
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Le soir du premier tour, Jean-Luc Mélenchon, éliminé avec 19,6% des voix, avait annoncé la couleur lors de son allocation :
« Je n’ai reçu aucun mandat des 450 000 personnes qui ont décidé de présenter ma candidature pour m’exprimer à leur place sur la suite. Elles seront donc appelées à se prononcer sur la plateforme et le résultat de leur expression sera rendu public. »
« Pas une voix pour Le Pen, ça c’est une consigne ! »
Depuis le 25 avril, et jusqu’au 2 mai à 12h, les « insoumis » ont donc la possibilité de faire part de leur intention en vue du second tour. « Il ne s’agit pas de donner une consigne de vote mais de faire connaître la position des insoumis », explique le texte de la consultation.
Voici le texte soumis au vote des militants de La France Insoumise. Vote qui a commencé ojd à 18h, jusqu'au 2 mai à 12h. #Mélenchon @CNEWS pic.twitter.com/gYMjXHzCOn
— Julien Nény (@JulienNeny) April 25, 2017
Pour ces derniers, le choix est cornélien. Une seule chose est sûre : le vote en faveur de la candidate d’extrême droite est formellement exclu. « Pas une voix pour Le Pen, ça c’est une consigne ! », martèle le speaker dans l’arrière-salle bondée du kébab. L’assemblée opine du chef. Le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière, l’a répété lors d’une conférence de presse le jour-même : « Pas une voix ne doit aller vers le FN, pas une ».
Ce mot d’ordre est répété avec d’autant plus de force que Marine Le Pen convoite leurs suffrages. « Les électeurs de la France insoumise, je les vois mal voter pour la France soumise », s’est-elle gaussée le 25 avril sur TF1.
Ce soir-là, un téléphone portable passe entre les mains de l’assemblée. A chaque fois que les militants découvrent l’image qui apparaît à l’écran, un air de dégoût s’imprime sur leur visage. Le FN vient d’éditer un tract au titre éloquent, à destination des électeurs de Jean-Luc Mélenchon : « L’Avenir en commun, c’est aussi avec Marine [Le Pen] ». Il compare leurs deux programmes et prétend observer des « convergences » – en fait, dans douze cas sur seize, c’est de l’intox. « Ignoble », « dégueulasse », « scandaleux », réagissent les militants.
On a corrigé le tract FN qui drague les électeurs de Mélenchonhttps://t.co/0368Fy9pAz pic.twitter.com/gfyfyoAYq6
— Adrien Sénécat (@AdrienSnk) April 26, 2017
Comment riposter ? « La manifestation du 1er mai est la réponse à la confusion entretenue entre les programmes de Marine Le Pen et de la France Insoumise, assène Pierre, la cinquantaine. Nous pouvons faire un événement clair, en lançant un appel à l’unité syndicale, et en montrant bien que le FN ne défile pas au même endroit que les insoumis. » Contrairement à 2002, les organisations syndicales n’ont cependant pas décidé de manifester ensemble contre l’extrême droite ce 1er mai.
« Nos disques sont rayés. C’est toujours le même chantage au vote utile »
La proposition met tout le monde d’accord. Mais dans les urnes, le 7 mai, leurs suffrages seront-ils aussi unanimes ? Un jeune homme, le visage blême, se dit excédé par la pression exercée sur les indécis :
« Nos disques sont rayés. C’est toujours le même chantage au vote utile. C’est peut être à ça que pensait Macron en parlant de ‘Révolution’ [c’est le titre de son livre, ndlr]: un éternel recommencement », dit-il ironiquement.
Toutes les prises de parole oscillent entre réticences à voter pour l’ancien ministre de l’Economie, et peur de voir Marine Le Pen l’emporter le 7 mai. D’autant plus que certains « insoumis » craignent que le candidat d’En Marche ! s’affaiblisse dans la dernière ligne droite de la campagne. « Je pensais boycotter Macron, mais je n’exclue pas qu’il s’effondre. Au débat Marine Le Pen peut très bien le mettre K.O. J’avais voté Jospin en 2002, je ne veux pas revivre ça. Je me laisse donc une certaine latitude », explique une enseignante à la retraite. Si les derniers sondages donnent Emmanuel Macron largement vainqueur (avec 61% des voix), l’épisode de leur visite à Whirlpool montre que la candidate d’extrême droite peut le déstabiliser.
« Venant du 93, je sais que si Le Pen passe, ça va être la bagarre quotidienne », s’inquiète Antoine, un musicien de 47 ans, pourtant tenté par le vote blanc. « Quel que soit le nombre de votes blancs, ça ne l’empêchera pas de gouverner », réplique Cyril, un jeune insoumis de 26 ans.
« Après un quinquennat de Macron, on peut très bien gagner »
Pour ces militants rangés derrière Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, l’entre-deux tours sème parfois le trouble. Alors que certains émettent l’idée qu’un quinquennat d’Emmanuel Macron ne ferait que repousser la victoire du Front national à 2022, le ton monte. « Rien n’est écrit. Dans cinq ans, après un quinquennat de Macron, on peut très bien gagner. C’est la possibilité qu’on arrive au pouvoir. Dire que voter Macron revient à faire élire Marine Le Pen dans cinq ans est absurde », lance Pierre.
En attendant le jour de la publication des résultats de la consultation, les insoumis ne perdent pas de vue les élections législatives. Même si l’élimination de Jean-Luc Mélenchon leur a porté un coup au moral, ils espèrent profiter de l’élan de sa campagne pour convertir l’essai à l’Assemblée national. D’après ces militants, dans 78 circonscriptions la France Insoumise serait en mesure de se maintenir au second tour. Dans le XIIIe arrondissement, leur candidat fera face à Jean-Marie Le Guen, un proche de Manuel Valls, symbole de la dérive libérale du PS, qu’ils espèrent cette fois-ci faire « dégager » à leur profit.
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