Depuis un peu plus d’une semaine, des réfugiés occupent un lycée désaffecté à Paris. La justice examinait ce vendredi matin la demande d’évacuation de la région. Une cinquantaine d’entre eux a marché avec des bénévoles jusqu’au tribunal administratif pour faire entendre leur cause.
Dans la rue de Belleville, au Nord de Paris (entre les 19e et 20e arrondissements), les camions de CRS sont agglutinés les uns derrière les autres. Une cinquantaine de réfugiés, bénévoles et militants battent le pavé d’un bon pas, direction le tribunal administratif, situé à cinquante minutes à pied. A l’avant, des hommes tiennent une large banderole. Dessus, il est écrit en français et en anglais : « Nous voulons juste une vie meilleure ». Le cortège est calme. Pourtant, il y a presque plus de CRS que de manifestants.
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Ils marchent pour assister à l’audience demandée par le Conseil régional d’île-de-France. Valérie Pécresse, sa présidente, réclame l’évacuation du lycée Jean Jaurès, où entre 100 et 300 migrants ont trouvé refuge depuis un peu plus d’une semaine. D’habitude, ces réfugiés dorment sous le métro aérien de Stalingrad, un camp aux conditions de vie déplorables. Avec l’aide du collectif Chapelle Debout et d’autres associations, ils ont décidé d’occuper ces lieux désaffectés depuis 2011 pour que l’Etat entende leurs revendications.
« Cette manif, c’est pour montrer au gouvernement qu’on est là. Il faut qu’ils nous aident. » Emmanuel, 25 ans, est arrivé du Ghana il y a trois semaines. A l’évocation de son homonyme Emmanuel Macron, il dit qu’il « adorerait le rencontrer. » Comme tous les autres réfugiés, il a dormi plusieurs nuits au camp de Stalingrad. « Là-bas, c’est insupportable, explique Frédérique, de la Chapelle Debout. C’est pour cela qu’ils veulent rester dans le lycée. » Certains y sont d’ailleurs restés le temps de la manifestation, surtout les femmes et les enfants, dont un petit bébé de quatre mois. Pour Houssam, autre membre du collectif, certains réfugiés ont peur de sortir : « Ils craignent de ne plus pouvoir retourner dans le lycée ensuite. »
« C’est public, on devrait tous pouvoir assister à l’audience »
Une fois devant la rue du tribunal, le cortège s’arrête, bloqué par un barrage de CRS. Un jeune homme, sticker d’Attac contre la Loi Travail sur le tee-shirt, s’insurge : « C’est public, on devrait tous pouvoir assister à l’audience. De toute façon, c’est toujours pareil… » Seuls quelques militants et sept réfugiés choisis pour représenter la cause sont admis à l’intérieur. L’ambiance est un peu tendue.
Finalement, l’audience débute à 11h. L’avocat représentant la région prend le premier la parole pour demander l’évacuation du lycée dans un délai d’une semaine. Il réclame aussi 1 000 euros d’amende par jour de retard. « Environ 200 personnes qualifiées de ‘migrants’, je dis bien ‘qualifiées’ parce qu’on ne sait pas vraiment de qui il s’agit, se sont introduites par la force dans ce bâtiment, propriété de la région et appelé prochainement à accueillir 1500 lycéens. » Pour lui, c’est à l’Etat et non pas à la région de prendre en charge l’accueil des réfugiés : « La région ne va pas se mettre à vider des lycées. » Il évoque qui plus est une « urgence » liée au début prochain des travaux de réhabilitation du lycée, censés débuter en juillet.
« Le statut de ces personnes est beaucoup moins agréable que le votre et le mien »
L’avocat représentant le collectif Chapelle debout et a fortiori les migrants entame son plaidoyer. Il est assez goguenard : « Le statut de ces personnes est beaucoup moins agréable que le votre et le mien. Il s’agit de 300 personnes qui rêveraient de ne pas être là. » Il rappelle les conditions d’insalubrité absolue du camp de Stalingrad mais aussi le caractère provisoire de l’occupation du lycée. Pour lui, « pas d’urgence » car aucune date précise de début de travaux n’a été évoquée. « C’est de l’enfumage », affirme-t-il, sous le regard agacé de l’avocat de la région.
Il dénonce le fait qu’il n’y ait pas de solution alternative proposée : « Est-ce qu’il y a eu une lettre de madame Pécresse à madame Hidalgo pour trouver une solution ? Une lettre au ministre de l’intérieur ? Rien. » L’avocat de la défense estime indécent d’opposer « la dignité humaine de 300 personnes » à des lycéens installés dans un autre lycée en attendant la fin des travaux. Il conclut sur une question au juge : « Est-ce difficile pour la région de donner trois mois de délai ? Avec cette décision, monsieur le juge, vous pouvez rendre le sourire à 300 personnes. » Le juge a ordonné l’évacuation du lycée sous 72 heures.
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