Les derniers opposants de droite à la majorité, Philippe de Villiers et Frédéric Nihous, se rallient à l’UMP, consolidant encore le camp présidentiel.
La droite achève son « ouverture », cette fois-ci en ratissant sur sa droite. Le Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers et Chasse, pêche, nature et tradition, présidé par Frédéric Nihous, vont rejoindre en septembre le Comité de liaison de la majorité présidentielle, présidé par Jean-Claude Gaudin (maire UMP de Marseille). Installé le 30 juin, il vise à construire une droite plurielle pour les régionales de mars 2010. La gauche détient pour l’instant 20 régions sur 22.
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Outre l’UMP, le Comité rassemble le Parti radical de Jean-Louis Borloo, les Progressistes d’Eric Besson, le Parti chrétien-démocrate de Christine Boutin, le Nouveau centre d’Hervé Morin et la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel. « Le MPF pourra mieux faire entendre ses positions en étant à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur de la majorité », explique Philippe de Villiers dans un communiqué signant son ralliement. Frédéric Nihous, lui aussi, se veut réaliste : « Respecter nos électeurs et nos militants, c’est obtenir des résultats, pas se prendre des claques à chaque élection ». Aux européennes de juin, Nihous et De Villiers, réunis sous la bannière de Libertas, avaient obtenu 4,8% des voix et un siège à Strasbourg.
Cette annonce est loin d’être du goût de tous à l’UMP et notamment des recrues dites « d’ouverture » à gauche. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la justice, fut le premier à réagir : « Ce n’est pas anodin. Difficile d’oublier certaines prises de positions, y compris récentes, très éloignées de celles de la majorité ». Contre le « libre-échangisme mondialiste » et « l’Europe passoire » aux européennes de 2009. Prêt à « reconquérir les territoires perdus de la république » face aux « bandes ethniques » et aux « polygames communautaristes » pendant la campagne présidentielle de 2007.
La Licra s’est d’ailleurs fendue d’un communiqué sévère sur ce rapprochement qui permet de lui « racheter un brevet de bonne conduite et d’honorabilité » et de « cautionner a posteriori [ses] propos intolérables et racistes ». « A ma connaissance, il n’a jamais été sous le coup d’une procédure pénale à ce propos », oppose Bockel. Prudent, il ajoute : « Je n’assimile pas Villiers à l’extrême droite, pas de procès d’intention ». Consensuel et pragmatique enfin : « Nous avons eu de sérieuses divergences. Aujourd’hui, il faut travailler les points de convergence, trouver les éléments d’un projet commun ».
Impossible pour Nicolas Dupont-Aignan de Debout la République. L’ex-UMP, qui refuse de rejoindre le comité, juge sévèrement De Villiers: « Avoir combattu le traité de Lisbonne et soutenir le président, faut oser. C’est aberrant, c’est pathétique même. Il devient vassal. C’est la fin du villiérisme et du MPF. »
Au sein du comité, c’est Christine Boutin la plus réticente. « Cette majorité élastique fragile risque de rompre ». Piqué au vif, Jean-Claude Gaudin attribue la réaction de Boutin à sa « rancœur de ne plus participer au gouvernement ». Et prend la défense de Philippe de Villiers, « homme de grande qualité, d’honnêteté, d’intégrité, aux formules ciselées. Il représente une fraction de la droite républicaine et quelques pourcentages de voix. Il nous dit qu’il est globalement d’accord avec la politique de Sarkozy, il est le bienvenu. » « Comité de liaison ou pas, je m’exprimerais que ça plaise où non à monsieur Gaudin », rétorque Boutin. Ambiance.
Un rapprochement avec de Villiers permettrait peut-être à la droite de regagner la région Pays de la Loire, passée à gauche en 2004, où le MPF a récolté 14% des voix. Mais le président de la région, Jacques Auxiette (PS), l’argument est fallacieux. « François Fillon a conduit des listes d’union, RPR-MPF en 98, UMP-MPF en 2004. Cette alliance est une réalité dont Fillon s’est toujours accommodé avant d’être premier ministre ».
Président du conseil général de Vendée, Philippe De Villiers pouvait continuer à jouer sa petite partition à droite de la droite, pourquoi a-t-il accepté de se rallier à l’UMP ?« Pour un maroquin », répond Jacques Auxiette. « Celui de la défense », croit savoir Christine Boutin. Etrange pour un farouche opposant au retour de la France dans l’OTAN.
En exhibant ses nouveaux trophées Nihous et Villiers, Sarkozy achève son rassemblement de la droite avec 2012 en ligne de mire. Sa stratégie : recueillir le plus grand nombre de voix au premier tour pour créer une dynamique au second. « Quand on est bien positionné au premier tour, on incite les électeurs qui n’ont pas voté à nous rejoindre », affirme Jean-Claude Gaudin.
Ces ralliements amorcent-t-ils une « droitisation » de la politique gouvernementale alors la première phase d’ouverture ne l’a pas «gauchisée » ? « La politique migratoire du gouvernement ne sera pas modifiée d’un iota », a affirmé Eric Besson, transfuge PS et ministre de l’immigration. « On négocie un accord, pas une fusion ou une dilution de CPNT dans l’UMP », revendique Frédéric Nihous. « Vous voulez notre soutien, OK. Mais nous on veut la satisfaction de certaines revendications et une reconnaissance de CPNT en tant que tel au moment des régionales. » Au risque de voir s’effriter la belle construction sarkozyste.
Anne Laffeter et Camille Polloni
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