Les législatives passées, l’UMP ne peut faire l’économie d’une clarification de sa ligne politique et de son positionnement face au Front national.
Une campagne s’arrête. Une autre commence : celle de la présidence de l’UMP et donc de la ligne stratégique du premier parti d’opposition. Le débat peut commencer ! Quelle est sa ligne directrice depuis que Nicolas Sarkozy, emmené par son fidèle et très droitier conseiller, Patrick Buisson, est parti ? En interne, sous le sceau du “off”, de nombreuses voix se sont fait entendre pendant la campagne présidentielle puis lors des législatives pour s’inquiéter “d’un glissement préoccupant” vers la droite pour aller chercher l’électeur FN. Pour autant, elles se sont tues publiquement “pour ne pas affaiblir le parti car nous étions en période électorale”. Mais les défaites de Nadine Morano et de Claude Guéant ont sonné comme un désaveu de la tentation “UMPFN”.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“Ceux qui n’ont pas fait l’alliance dans cette campagne, mais qui avaient des complicités thématiques, ont payé les frais de leurs erreurs, a jugé Jean-Pierre Raffarin. Je pense que clairement il y a eu une sorte de récompense à ceux qui ont été les plus vertueux”.
Au compteur, notamment, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Bruno Le Maire qui se sont toujours prononcés contre une alliance avec le FN. Pourtant sur le terrain, plusieurs élus confiaient pendant la campagne que leurs militants leur demandaient : “Pourquoi vous ne passez pas un accord avec le FN ? Vous auriez dû les appeler à voter pour vous !” Manifestement l’UMP se cherche. Les intéressés sont dans le flou. Tiraillés par des vents contraires. Sitôt connus les résultats du second tour des législatives, chacun y est allé de son commentaire.
“Justice, équité, autorité”
Très critique quant à la stratégie de droitisation du mouvement engagée dès la présidentielle par Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, qui n’était pas candidat aux législatives, a demandé un travail sur les valeurs du parti : “Je crois que dans le cadre de la préparation de notre futur congrès, une réflexion de fond est indispensable sur ce qui nous rassemble, sur le socle de nos valeurs et sur notre projet commun.” Réélu ce 17 juin, l’ancien secrétaire général de l’UMP Xavier Bertrand a, pour sa part, souhaité que le parti retrouve “le P de populaire dans UMP”. “Il faut parler à la France des classes moyennes, des ouvriers, des entrepreneurs. Pour nous, la clé, c’est la clarté et la fermeté sur nos valeurs.” Lesquelles ? “Justice, équité, autorité”, répond Bruno Le Maire.
“Il faut aller plus loin dans la restauration de la compétitivité, de l’autorité à l’école, dans la refondation de l’Europe en proposant un président de l’Union européenne élu au suffrage universel direct, en apportant une réforme de la Commission européenne, juge-t-il encore. L’UMP devra trouver une réponse au cri de désespoir des électeurs. Mais pas avec un billard à deux bandes. Si le FN est un parti républicain, on le combat avec des idées, avec un discours de vérité, d’audace et d’imagination. C’est en nous que l’on doit trouver les réponses au FN, pas en important un virus délétère qui nous serait fatal pour les trente prochaines années.”
Derrière les idées, on ne peut oublier les hommes. Car c’est bien la bataille entre copéistes et fillonnistes qui se joue aussi. Les deux trains sont déjà lancés à grande vitesse. François Fillon élu député de la 2e circonscription de Paris pour la première fois avec 56,5 % a aussitôt avancé ses pions pour la bataille idéologique et stratégique du leadership de l’UMP : “Nous devons nous renouveler. Le temps du combat pour la reconquête commence.” Ajoutant aussitôt qu’il comptait y prendre une part active. Jean-François Copé, appelant à l’unité de sa famille politique et mettant en garde contre les querelles de personnes, s’est posé en rassembleur et tente au maximum d’éviter de payer l’ensemble des pots cassés de la défaite. Il a tout de suite indiqué qu’il faudrait faire du parti qu’il préside encore pour quelques mois un grand parti “de droite et du centre” pour “constituer une opposition absolue au PS”, en intégrant différentes “sensibilités” dont, bien sûr, il se fera fort d’être le représentant le moment venu.
Impossible de prendre l’UMP autrement qu’avec cette posture. Alain Juppé et François Fillon ne manqueront pas aussi de vouloir apparaître dans le même rôle. Trois rassembleurs, ça promet ! C’est que la campagne est proche : le congrès va se tenir a priori après les vacances de la Toussaint : le dimanche 11 novembre, jour de l’Armistice (ça tombe bien), ou le dimanche 18 novembre. Tous s’activent déjà, bien qu’officiellement la bataille ne soit censée débuter qu’en septembre.
Premièrement, il y a la ligne Copé, que certains de ses amis à l’UMP qualifient de “buissonniste” “parce que ça plaît aux militants”. En somme, la poursuite de la ligne Sarkozy-Buisson. Car, s’il ne doit pas y avoir d’alliance avec le FN, comme Copé l’a martelé pendant les législatives, il répétait encore avant le second tour :
“Nous avons le devoir de coller au terrain et à la réalité. Le principal ennemi de l’UMP, c’est le politiquement correct, cette capacité qu’on a à Paris d’interdire par décret intellectuel un certain nombre de sujets.”
Stratégie “régionaliser les réponses”
Toujours secrétaire général et très confortablement réélu dans son fief de Meaux avec près de 60 % des suffrages, Jean-François Copé se fait fort de créer le débat. Prenant acte des résultats et de la nouvelle carte électorale, il réfléchit, notamment avec Jean-Pierre Raffarin, à l’idée de proposer un système à l’allemande : “Une ligne politique nationale qui pourrait être nuancée selon les régions pour tenir compte des disparités locales, comme à l’Ouest.” Pour “régionaliser les réponses”. Dès lors, il pourrait y avoir une même “marque”, par exemple aux régionales, pour rassembler des candidats de l’UMP dans l’Ouest sans qu’elle ne se retrouve à l’Est.
“On réfléchit à une forme d’organisation innovante”, commente un proche de Copé, partant du constat qu’il y a aujourd’hui différents FN selon les territoires et donc diverses réponses à y apporter pour l’UMP. “Nicolas Sarkozy avait toujours sous-estimé cette dimension géographique. Pourtant, on ne tient pas les mêmes réunions publiques dans l’Ouest et le Sud-Est.” Un haut dirigeant explique donc que dans le Sud-Est, où le FN est très présent, l’UMP locale est habituée à s’y opposer même si certains discours peuvent être proches.
En revanche, dans l’Ouest, comme le centre a disparu, les électeurs de l’UMP qui seraient mécontents se tournent pour le FN. Il faut donc recréer, commente-t-on à la direction actuelle, un pôle centriste à l’UMP pour “rallier les déçus du sarkozysme qui sont partis au FN et séduire les futurs socialistes déçus, ce qui ne va pas tarder”. Un système de réponses nuancées dans lequel Bruno Le Maire pourrait se retrouver, même si pour le moment il n’a pas décidé s’il serait candidat à la tête du parti : “L’UMP compte des différences selon les territoires et pourrait à ce titre apporter des réponses sur mesure sur la base d’une doctrine unique, sur la base de valeurs uniques dans lesquelles nous nous retrouvons. Or je ne me retrouve pas dans celles du FN.” Une ligne : “ni discussion, ni accord, ni entente avec le FN”.
Deuxième option : François Fillon dont certains disent qu’il “a la personnalité, le talent aussi, mais pas l’esprit d’équipe”. Lui essaie de prouver le contraire en réfléchissant déjà à sa future équipe de campagne. SMS de soutien aux élus pendant la campagne, voire carrément SMS pour souhaiter un bon anniversaire ! Mais aussi déplacements sur le terrain et rendez-vous avec les parlementaires. Son agenda est bien rempli. Objectif : créer sa cellule de riposte pour mettre en place une droite plus modérée. Troisième option, celle que pourrait porter Brice Hortefeux pour une droite forte. “Il pourrait piocher quelques idées au FN”, juge un cadre de l’UMP, remettant notamment sur la scène publique le débat pour le droit du sang plutôt que le droit du sol.
Que pourraient faire les représentants de la jeune génération comme Laurent Wauquiez, par exemple, de la “droite sociale”, qui a porté le thème de la lutte contre l’assistanat ? En tout cas, le chiraquien François Baroin a d’ores et déjà annoncé qu’il serait “certainement” candidat. Selon lui, “l’UMP, c’est le refus des extrémismes. L’UMP n’a pas à aller braconner sur telle ou telle terre”. Et de s’emporter, exaspéré, sur RTL : “Quand j’ai entendu certains dire qu’ils avaient des valeurs avec le FN et qu’ils trouvaient même Marine Le Pen sympathique, c’est quoi la prochaine étape ? C’est on se met à table et puis on discute ? Ce n’est même pas envisageable !” Réponse de Copé sur France Info : “Il ne faut pas confondre le fait de dire ce qu’on a sur le coeur avec je ne sais quelle intention de faire exploser notre famille politique”. De quoi annoncer des débats houleux rue de de Vaugirard, au siège parisien du parti.
{"type":"Banniere-Basse"}