Danseur chez Carolyn Carlson, performeur au cabaret Madame Arthur, mais aussi mannequin, acteur, réalisateur et bientôt chanteur, le beau, touchant et joyeux Luc Bruyère nous parle de sexe.
Ma quête au départ était de savoir si je pouvais être amoureux et heureux. Je me suis rendu compte que l’amour heureux est possible si je ne l’attache pas, et qu’il ne m’attache pas. J’ai tellement d’amour à donner, je trouverais ça égoïste de ne donner qu’à une personne. Plus jeune, je me servais de l’amour pour me sentir vivant. Je le mangeais comme une malbouffe. J’avais besoin d’être rassasié. Aujourd’hui, tu peux te faire livrer un mec en vingt minutes en connaissant la taille de son pénis via Grindr.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Tu trouves ça dommage ?
Oui et non. J’aurais aimé vivre Woodstock, les années 1970. Je trouve regrettable que Grindr enlève le charme des endroits de cruising, le charme de l’inconnu. Tu sais si le mec te suce ou veut être sucé. Les hétéros curieux ne vont pas essayer sur Grindr. De même pour les jeunes, ça peut les effrayer. Et c’est pas une belle sexualité. Je l’ai beaucoup fait plus jeune et maintenant je n’aime plus ça. Ça fausse l’intimité.
Le mec arrive et tu sais déjà tout ce qu’il va se passer. Moi, quand je baise, je m’amuse. Faut qu’on rigole ! Je ne prends pas le sexe au sérieux. Parfois j’aurais peut-être dû… (rires) Et ça te catégorise. Combien de mecs sur Grindr disent “pas d’efféminés !” Ça veut dire quoi, nénette ? Ça stigmatise.
Sur ces sites, il faut donner ton origine ethnique, il y a des “black chasers” qui ne veulent baiser qu’avec des mecs noirs. Si tu n’obéis pas aux stéréotypes de ta communauté, tu te sens rejeté… Ça te fige. Moi, je suis handicapé, je ne suis pas le plus masculin du monde, et donc je ne m’y retrouve pas. C’est de la baise pour la baise.
Le sexe va-t-il avec les sentiments ?
Le sexe n’a besoin de rien. C’est le plus bel orphelin que la Terre ait porté.
Quel est ton rapport à la fluidité ?
On n’a pas besoin d’inventer de nouvelles cases pour en balayer d’autres. Balayons-les totalement ! Et contentons-nous de nous aimer, de faire l’amour. Quand ma mère a su que j’étais pédé, ça a été violent. J’avais 14 ans, donc j’en ai fait un statement. Je me suis mis à avoir l’apparat du pédé que j’avais en tête.
Ça m’a empêché d’aller voir de l’autre côté pendant très longtemps. Et puis je suis tombé amoureux d’une fille. On a fait l’amour. Les rapports sexuels ne sont vraiment pas les mêmes ! Je ne pensais pas qu’une femme pouvait me sexualiser. Je ne veux pas me redéfinir.
Je ne veux pas remettre de mots. On a déjà un prénom, un nom, ça suffit. Je n’ai pas besoin que tu me mettes des tampons partout sur la gueule. Si tu veux savoir qui je suis, viens faire connaissance !
Le sexe va-t-il avec les mots ?
J’adore parler quand on fait l’amour. Comme on a été éduqué·es par le porno, il y a ce truc où quand tu fais l’amour tu ne devrais communiquer que par des gémissements, des cris ! Moi j’adore parler, fumer, boire. Pour moi, l’amour, c’est un festin.
Un homme ou une femme politique sexy ?
Taubira est méga-sexy ! Elle m’embarque avec elle. Les gens devraient le comprendre, d’ailleurs…
Le club le plus sexy ?
Le Berghain c’est sexuel, mais pas sexy. Peut-être la soirée Herrensauna à Berlin. Tous les mecs avaient un look skinhead. Seules de minuscules ampoules rouges éclairaient la boîte. Donc tu découvrais juste les silhouettes. Tu les savourais à peine qu’elles disparaissaient. Tout s’entremêle.
Ce n’est pas les backrooms d’un côté et le club de l’autre. Tu peux danser pendant que quelqu’un se fait tailler une pipe à côté. En Allemagne, il y a quelque chose de génial par rapport à la liberté sexuelle. Avant, on pouvait s’amuser au Péripate à Paris, être ce qu’on avait envie d’être. J’aime l’idée des clubs sans trop de limites.
Ton rapport au porno ?
Je regardais beaucoup de porno, mais je ne me suis jamais retrouvé. Pendant le confinement, je me suis mis à fouiller le net pour trouver des pornos à moi. Je suis tombé sur Bijou, un site de pornos des années 1970. Des trucs qui m’ont fait penser à des Mandico. J’adore la montée de désir, et les corps moins aseptisés. Moi, ce sont les contextes qui m’excitent.
Je peux faire l’amour avec quelqu’un que je ne trouve pas beau. Jouir n’est pas mon but. Mon désir n’est pas solitaire. Les femmes ont été éduquées pour le plaisir de l’autre et moi j’ai grandi avec des femmes, et je pense que j’ai grandi avec cette idée. Alors que l’homme cis hétéro pense qu’on est fait·es pour le satisfaire. Moi aussi j’ai un corps et un point G ! L’idée c’est que ce soit un échange. Le sexe, c’est du troc de salives !
{"type":"Banniere-Basse"}