L’examen du projet de loi Loppsi, visant à moderniser et renforcer les moyens des forces de l’ordre, vient tout juste de commencer à l’Assemblée nationale. Parmi les mesures phares, le filtrage des sites pédophiles et autres mesures de surveillance du Web.
Loppsi, qu’est-ce que ça veut dire ?
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Il s’agit du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, qui vise à moderniser les moyens employés par les forces de l’ordre. Son nom fait référence à la Lopsi, loi votée en 2002 avec les mêmes objets, et arrivée aujourd’hui à expiration. La Loppsi couvrira elle la période 2009-2013.
On y trouve quoi?
De tout ! La Loppsi balaie divers champs de la sécurité intérieure, de la vente à la sauvette (qui devient un délit) à la confiscation du véhicule en cas d’infraction grave au code de la route, en passant par la mise en place d’un couvre feu pour les moins de 13 ans. La Loppsi vise aussi au développement de la vidéosurveillance (rebaptisée vidéoprotection), en permettant notamment aux préfets de filmer les grandes manifestations pouvant troubler l’ordre public.
Qu’en est-il de la lutte contre la cybercriminalité ?
C’est le gros morceau qui devrait enflammer l’Hémicycle. La Loppsi prévoit le filtrage des sites pédopornographiques, afin d’empêcher tout internaute français d’y accéder.
Dans la mouture initiale de la loi, le ministère de l’Intérieur devait communiquer aux fournisseurs d’accès une « liste noire » de sites à bloquer. L’administration s’arrogeait donc le droit de décider si tel ou tel site devait être filtré.
Devant le risque de censure du Conseil constitutionnel –souvenez-vous d’Hadopi-, la commission des lois a amendé le texte, et impose désormais que le filtrage soit ordonné par un juge, quitte à ralentir la procédure.
Où est le problème de bloquer des sites pédophiles ?
A première vue, il n’y en a pas : quoi de plus noble que de lutter contre la pornographie infantile ? Pourtant, le remède proposé par la Loppsi pourrait être pire que le mal.
Selon une étude de Fabrice Epelboin, du site Readwriteweb France, l’éradication des sites pédopornographiques « classiques », basés sur l’échange et le partage de fichiers, profitera à des réseaux professionnels de distribution de type mafieux, qui savent comment échapper à tout contrôle.
Ne va-t-on filtrer que les sites pédophiles ?
C’est ce que prévoit le projet de loi. Mais rien n’empêche que les dispositifs de blocage des sites pédophiles puissent être appliqués à terme aux sites illégaux de téléchargements de films ou de musique.
Une hypothèse confirmée lors des voeux de Nicolas Sarkozy à la Culture. Le Président y a affirmé vouloir expérimenter « sans délai » des « dispositifs de filtrages d’Internet« , car « mieux on pourra ‘dépolluer’ automatiquement les réseaux et les serveurs de toutes les sources de piratage, moins il sera nécessaire de recourir à des mesures pesant sur les internautes« .
De son côté, le texte de loi instaurant l’Hadopi prévoit qu’elle « évalue les expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage par les concepteurs de ces technologies » afin de lutter contre le téléchargement …
Peut-on vraiment filtrer un site ?
C’est possible, mais compliqué, et non sans risque. En voulant bloquer un site, il y a un risque non négligeable de bloquer au passage tous les autres sites hébergés sur le même nom de domaine : c’est ce qu’on appelle le surblocage.
Par exemple, en voulant filtrer www.jesuisunsitepedophile.superdomaine.com, on risque de filtrer également tous les sites hébergés par superdomaine.com, qui eux peuvent être tout à fait légaux.
Le filtrage a également un coût : de 100 000 euros à 140 millions d’euros sur trois ans selon la méthode employé, d’après une étude d’impact de la Fédération française des télécoms.
D’autres « cybermesures » prévues par la loi ?
La Loppsi crée le délit d’usurpation d’identité sur Internet, si celui-ci vise à « troubler la tranquillité de la personne » ou de « porter atteinte à son honneur ou sa considération« . Il sera puni d’un emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Le projet de loi autorise également l’installation par la police, sous le contrôle d’un juge d’instruction, de mouchards permettant de récupérer des données sur un ordinateur, à l’insu de son propriétaire. Ne seront concerné que les délits les plus graves (terrorisme, trafic d’armes ou de stupéfiants, pédophilie …)
Comment est accueillie la Loppsi ?
Plutôt mal ! Les associations de défense des libertés sur Internet sont déjà vent debout, incitant les internautes à écrire à leur député afin de les sensibiliser aux limites du projet de loi.
Le Syndicat national de la magistrature et le Syndicat des avocats de France ont publié un communiqué commun, où ils dénoncent un « condensé de l’idéologie primaire et dangereuse qui gouverne depuis plusieurs années le traitement des questions de « sécurité » ». La Ligue des droits de l’homme estime quant à elle que le projet « est porteur d’un saut qualitatif considérable dans la construction d’une société de la surveillance, du soupçon et de la peur. »
Photo: Byflickr / Flickr
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