Territoire inédit dans le domaine de la communication 2.0, le parfum fait son apparition sur nos téléphones. Premier à se jeter dans l’arène, l’oPhone promet des expériences olfactives inédites à partager entre utilisateurs. Bien plus qu’un simple gadget, les champs d’application sont nombreux et déploient un nouveau vocabulaire à même de bouleverser la manière dont […]
Territoire inédit dans le domaine de la communication 2.0, le parfum fait son apparition sur nos téléphones. Premier à se jeter dans l’arène, l’oPhone promet des expériences olfactives inédites à partager entre utilisateurs. Bien plus qu’un simple gadget, les champs d’application sont nombreux et déploient un nouveau vocabulaire à même de bouleverser la manière dont nous échangeons les informations.
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Couplé à l’application pour smartphone oSnap, l’oPhone permet à ses possesseurs de taguer leurs photographies avec un vocabulaire de 32 fragrances et des les envoyer, tout comme on le fait déjà avec les MMS (pour multimedia messaging service). Les variations de ce répertoire de base peuvent générer jusqu’à 300 000 combinaisons, véritables partitions olfactives. Le fonctionnement est très simple : il suffit de prendre une photo avec son smartphone, d’y associer les odeurs via l’application dédiée et d’envoyer le tout à son destinataire. Celui-ci découvre le message visuel sur son téléphone et hume le message olfactif sur l’oPhone, un appareil au design épuré. Il se compose d’une base qui abrite les cartouches des fragrances, et de deux « cheminées » à odeur qui diffuse la séquence.
Lancé en juin dernier, l’oPhone est né des recherches du Laboratoire, centre d’expérimentation artistique et de design situé à Paris. À sa tête, David Edwards, également professeur à Harvard, y mène un passionnant travail de défrichages. C’est à la suite d’un workshop que l’idée du SMS olfactif est apparu. Très vite, l’immense potentiel du projet se dessine. Edwards en dévoile quelques étapes : « pour l’instant, l’oPhone est construit autour d’un répertoire alimentaire – quelques exemples de « tag » : onionish, cheesy, smokey, tropical, cedar, grilled toast, jasmine… – et celui-ci est amené à se diversifier. L’expérience que nous proposons est basée autour de l’intime. On peut partager une photo et son environnement olfactif avec une personne à l’autre bout du monde. Toutes ces « histoires » vont s’archiver sur votre téléphone. Tout comme votre bibliothèque de photos, il sera possible de les consulter à nouveau. Par extension, celles-ci pourront être partagées avec d’autres utilisateurs, d’où la pertinence de la création d’un réseau social dédié aux oNotes. Les applications des oNotes sont nombreuses et déjà en développement, comme le oBook : un livre dont le récit s’accompagnera d’une trame olfactive. On pense aussi aux oFilms ou oSongs. Mais le domaine de la culture n’est pas le seul concerné. Les oNotes pourront servir la vente en ligne. L’oPhone est également amené à être miniaturisé, très prochainement. Ainsi compact, il pourra être employé à des fins thérapeutiques, pour la prévention ou le traitement de maladies comme Alzheimer ». Disponible début 2015, en prévente à 149$ via une campagne de financement participatif, l’oPhone est actuellement présenté au Laboratoire.
Surprenantes, parfois déroutantes, ces fragrances questionnent notre manière de catégoriser les odeurs et bouleversent notre conception du parfum. Exemple précurseur, Comme Des Garçons s’est aventuré sur ce territoire en 2004 avec ses parfums « synthétiques », aux noms évocateurs : Dryclean, Garage ou Soda. Avec son sens de l’anticonformisme, le label japonais proposait déjà les prémices de cette re-définition, au-delà du « bon/mauvais ». Professeur de sémiotique et d’esthétique du design et de la mode à la HEAD de Genève, Luca Marchetti explique : « il y a une différence forte entre sensorialité et sensibilité. La sensorialité de l’odeur n’est que stimulation des sens et provoque du confort ou de l’inconfort. Ce que fait l’oPhone, ou une artiste comme Sissel Tolaas, c’est de passer de la sensorialité à la sensibilité. À la simple perception sensorielle, au cœur du discours olfactif, s’ajoute une orientation favorable ou défavorable à ce que l’on ressent sous forme de jugement et de compréhension du fait de l’architecture olfactive de ce message en odeur, structurée comme une phrase, ou un récit ». Plus complexe, plus élaboré, et malgré tout, toujours aussi instantané, le parfum est amené à basculer définitivement du côté des odeurs.
Victor Bonmartin
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