Nantes a bien failli connaître un drame comparable à celui de Clément Méric, avec l’agression de deux jeunes gens attribuable aux fascistes. Quand l’extrême droite progresse dans les urnes, la violence et la brutalité envahissent la rue. En riposte, le mouvement antifa connaît une structuration accrue en France depuis la mobilisation contre la loi Travail.
Nantes a bien failli connaître son Clément Méric, ce jeune homme tué par des skinheads à Paris en 2013. L’ultra-violence meurtrière semble régner sur le pavé dès que l’extrême droite se sent pousser des ailes. Deux jeunes hommes ont en tout cas échappé de peu à la mort dimanche 7 mai dernier. Leur tort ? Ils étaient soupçonnés d’être des “antifas”, pour antifascistes.
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La soirée avait été animée. Quelques centaines de personnes s’étaient retrouvées dans les rues, notamment à Bouffay, le quartier des bars nantais. Entre défiance vis-à-vis du vainqueur de l’élection présidentielle et honte que le FN soit parvenu au second tour. À la clef, plusieurs épisodes de confrontation avec les forces de l’ordre mais aussi avec des nervis soupçonnés d’appartenir au groupuscule violent GUD (Groupe union défense).
Barres de fer, bouteilles et matraques télescopiques
Minuit avait déjà sonné lorsque Steven, 16 ans et Erwan, 18 ans, de retour en vélo, furent alors brutalement attaqués près de l’arrêt de tramway Du Chaffault. “Du Chaffault, du Facho, comment voulez vous que ce coin soit sûr avec un nom pareil ?”, grince un libertaire encore chamboulé par l’agression. Le bilan est lourd pour Erwan, qui émerge tout juste du coma artificiel dans lequel les médecins l’avaient plongé après l’agression : un an d’ITT (incapacité totale de travail), des fractures au visage, à la tête, au cou. Les deux victimes ont vu fondre sur eux quatre jeunes individus armés de barres de fer, de bouteilles et matraques télescopiques, semblables à celles qu’utilise la Brigade anti-criminalité (BAC). “Dès le soir du premier tour, certains policiers de la Bac ricanaient à notre contact en évoquant la qualification de Marine Le Pen”, relate un manifestant.
Un autre militant antifasciste s’inquiète : “Maintenant, après les manifs, il va falloir faire attention, vérifier si on n’est pas suivi, changer régulièrement d’itinéraire, c’est terrible, on était pas habitués à vivre avec ce genre de menaces à Nantes”.
« Une nouvelle génération d’antifas se mobilise »
Si l’agressivité en provenance de l’extrême droite redouble depuis quelques années, à Lille comme à Lyon, la riposte antifa s’est structurée un peu partout en France, notamment à Paris autour du bar Le Saint-Sauveur. Bien avant le meurtre de Clément Méric. Que ce soit à travers l’Afapb (Action Antifasciste Paris-Banlieue). Ou le groupe Antifa Lyon ainsi que l’action Antifa Nord Pas-de-Calais. Nantes a vu de son côté éclore le collectif « NOCIR » (Nantais-e-s organisé-e-s contre les identitaires et les racistes), pour sortir notamment des postures “virilistes”. Les antifas font masse, c’est là leur principal atout par rapport aux identitaires et autres “boneheads”, qui compensent leur faiblesse numérique par la violence de leur comportement.
“Le GUD te tombe dessus sans que tu aies le temps de réaliser, batte de baseball en avant, si le chef est intelligent il reste en retrait sinon il participe lui même au coup de poing”, remarque le réalisateur Thierry Kruger, observateur de longue date du bouillonnement militant nantais. “Mais par rapport à l’époque où le GUD était très actif à Nantes, c’est-à-dire la deuxième moitié des années 80, il y a une nouvelle génération d’antifas qui se mobilise. Ils se distinguent par leur très jeune âge et un abstentionnisme actif, en rejet de tous les organisations politiques, FN bien sûr mais aussi droite, PS, y compris la France insoumise.”
Les antifas, petits frères 3.0 des Ducky Boys « chasseurs de skins » constituent une version moins marquée par la mode, le souci du détail vestimentaire et le perfectionnisme mod que les Redskins, skinheads antifascistes reconnaissables à leurs lacets rouges.
Organisé en réseaux efficaces mais difficiles à pénétrer, le mouvement est international, trouvant autant ses points d’ancrage à Portland aux Etats-Unis qu’en Russie. En France, la vague antifa a émergé dans la lancée de mouvements comme le Scalp (Section carrément anti-Le Pen) ou Ras l’Front.
Un mouvement en expansion
Sous le feu des projecteurs depuis l’épisode de la voiture de police brûlée, à Paris, les antifas et leur facette black bloc anonyme et émeutière incarnent désormais un mouvement en expansion puisqu’on a pu en recenser près d’un millier lors de la fameuse manifestation du 14 juin 2016, baroud d’honneur contre la loi Travail.
De quoi inquiéter les réseaux d’extrême droite à l’origine de la création du GUD. Qui ne pourront pas grand-chose contre cette nouvelle génération qui semble se lever, structurée par des activistes déjà trentenaires et en âge d’être eux-mêmes parents. Des militants qui observent avec d’autant plus d’inquiétude mais aussi de détermination ce récent déferlement de violence visant la jeunesse à Nantes.
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