Le mois et demi de travaux parlementaires a été rythmé par le vote de trois textes majeurs, l’émergence de fortes personnalités malgré une opposition absente. Et des couacs à n’en plus finir.
La XVe législature de la Ve République est un cru unique. Un renouvellement inédit de l’hémicycle : 75 % de nouveaux venus, une majorité écrasante et une opposition en forme de puzzle.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La session parlementaire, débutée le 27 juin et prolongée en session extraordinaire, se termine le 9 août. Soit près d’un mois et demi plutôt intense. Trois textes majeurs ont été adoptés, de nouveaux visages sont sortis de l’ombre avec un fracas qui n’a rien à envier aux nombreux couacs qui ont émaillé la quarantaine de journées parlementaires. Retour sur une session rocambolesque.
Le vote de trois textes majeurs
Les députés n’ont pas chômé. Pressé par un président qui veut « aller vite », ils ont dû se prononcer sur trois projets de lois majeurs.
D’abord le controversé projet de loi anti-terroriste, présenté par le gouvernement. Objectif : pérenniser certaines dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun. Comme les perquisitions de nuit, une facilitation des assignations à résidence ou encore l’élargissement des mesures de surveillance. Le texte a un peu fondu sous la pression de l’opinion publique, du Conseil d’Etat, puis du Sénat qui a limité certaines de ses dispositions dans le temps. Il sera débattu en octobre devant l’Assemblée et devrait être adopté pour le 1er novembre, date à laquelle Emmanuel Macron souhaite mettre fin à l’état d’urgence.
Il y a ensuite eu l’adoption du projet de loi d’habilitation des ordonnances, première étape de l’un des points-clefs du programme du candidat Macron. Légiférer par ordonnance pour réformer le code du travail, avec au programme : une révision des barèmes des dommages et intérêts pour licenciement abusif, une fusion des instances représentatives ou encore un rôle prééminent de l’accord d’entreprise. Pour pouvoir porter ces ordonnances, le gouvernement doit être habilité par le parlement. C’est désormais chose faite. Les députés seront néanmoins invités à se prononcer au moment de la ratification des ordonnances.
Enfin, les projets de loi de moralisation de la vie publique ont été adoptés dans la douleur. On y trouve l’interdiction d’embaucher un membre de sa famille, des frais de mandats encadrés avec suppression de la réserve parlementaire ou encore un contrôle étroit des conflits d’intérêt. Mais le véritable combat se déroulera lors du dernier jour de la session, le 9 août. Il y a deux projets, dont l’un porte sur une loi organique (qui précise des dispositions constitutionnelles). Or ces dernières doivent être adoptées à la majorité absolue, soit 289 députés. Mais certains élus n’ont pas très envie de rester dans la grisaille parisienne pour leur première semaine de vacances. S’ils ne sont pas assez, le vote sera reporté à octobre. Affaire à suivre.
Un renversement des forces en présence
Ils sont dix-sept sur 577 et pourtant, on a l’impression de n’entendre qu’eux. Menés par Mélenchon, les Ruffin, Corbière, Coquerel et autres Fiat ou Quatennens s’en donnent à cœur joie. Et crèvent l’écran. Favorisés par une majorité taiseuse et une politique présidentielle visant à réduire à peau de chagrin droite et gauche, les « insoumis » sont sur le point de remporter un pari audacieux : devenir la voix de l’opposition au Palais Bourbon. Entre coups d’éclats et effets de manches, ils réussissent néanmoins à porter le débat sur le fond. Une prouesse permise par une conjoncture favorable à LFI.
Car la logique voulait qu’avec ses 95 députés, le groupe « Les Républicains » (LR) constitue la principale force d’opposition. Mais face aux ministres du gouvernement Philippe issus de leurs rangs et à la scission du groupe entre Républicains canal historique et Républicains « constructifs », macron-compatibles, la droite ne sait trop sur quel pied danser. Tout cela empêche le plus gros groupe du Palais Bourbon d’avoir une stratégie claire. Un peu perdus, ils sont en train de manquer – encore – leur rendez-vous avec l’opposition.
La gauche, agonisante après des élections (présidentielle et législatives) catastrophes, n’est pas en ordre de bataille. Le PS ou plutôt, la « Nouvelle Gauche », est en pleine reconstruction. Avec sa trentaine de députés, le groupe socialiste occupé à panser les blessures de sa déroute électorale n’a pas brillé par sa présence.
Quant au Front national, il est aux abonnés absents. Trop peu nombreuse pour former un groupe dans l’hémicycle et empêtrée dans des luttes intestines au parti, l’extrême-droite est inaudible.
Des nouveaux visages qui montent
S’ils sont 424 sur 577 a faire leurs premiers pas dans l’Assemblée, certains marchent déjà avec plus d’assurance que d’autres. On a pu voir émerger avec un certain brio des inconnus du grand public. Petite sélection.
Marie Lebec (LREM), l’ambitieuse. À 26 ans, la député des Yvelines « pense forcément » à l’Elysée. Plus que sur les bancs de l’Assemblée, c’est surtout dans les médias que cette ancienne des Jeunes Pop’ détonne. Notamment sur le plateau de C l’Hebdo quand, bousculée par l’intimidant duo d’enquêteurs Davet et Lhomme, elle les fixe dans les yeux et répond. « Je ne vous crains pas. » Une jeune députée dont on dit déjà que c’est une « bête politique » et qui risque bien de faire entendre sa voix dans les prochaines années.
Yaël Braun-Pivot (LREM), la novice. Cette ancienne avocate préside la prestigieuse Commission des lois. La loi de moralisation de la vie publique dont elle a été la rapporteuse a fait office de baptême du feu. Mais à 46 ans, elle s’est surtout fait connaître du grand public en pestant contre son groupe LREM « vautré » et « qui ne sait pas monter au créneau » alors qu’elle pensait son micro coupé. Malgré ce petit dérapage, la tombeuse du baron Jacques Myard (LR), commence à tenir ses troupes et à comprendre les règles du jeu parlementaire.
Adrien Quattennens (LFI), la nouvelle coqueluche du Palais Bourbon. Il s’est distingué lors des débats sur la loi d’habilitation des ordonnances, visant à modifier le code du travail. Durant près de 30 minutes, l’élu du Nord a étrillé la ministre du travail à grands renforts de punchlines savamment distillées. L’accusant de jouer « les apprentis sorciers » à propos du code du travail, il lui avait demandé d’une voix calme : « Trouvez-vous que l’annuaire est trop épais ? Dans ce cas, quelles pages faut-il arracher ? » La phrase fait mouche. On n’a sûrement pas fini d’entendre parler (de) ce fringuant député de 27 ans.
Boris Vallaud (PS), l’ancien copain de promo d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, il est vent debout contre son vieux camarade de l’Ena. Cet ancien de chez Montebourg, mari de Najat Vallaud-Belkacem s’est révélé bien plus combatif que le portrait lisse qu’on a pu faire de lui. Très critique contre l’exécutif, il est l’un des seuls socialistes à n’avoir pas voté la confiance du gouvernement Philippe. Dans un groupe décimé, il entend bien faire du bruit.
Pierre-Henri Dumont (LR), l’un des jeunes espoirs de la droite. A 29 ans, bien que cela soit son premier mandat de député, c’est loin d’être un novice. Chez les « Jump » pendant ses études, maire de Marck (Nord) en 2014 et tombeur d’une circo historiquement ancrée à gauche en 2017, ce protégé du député Daniel Fasquelle (LR) a tout pour monter. Son cheval de bataille ? Une renégociation des accords du Touquet et une « tolérance zéro » face aux migrants de Calais. Sur les bancs d’une droite en perdition, il compte montrer la voie.
Couacs à gogo
Nous en avions déjà fait une savoureuse sélection. Mais pendant cette session, les couacs des députés, en particulier de la majorité, semblent ne pas avoir eu de limite.
Lors du débat sur sur le code du travail, le président de l’Assemblée, François de Rugy (LREM), visiblement un peu agacé oublie que son micro n’est pas coupé. Il soupire. « Putain il est chiant lui. »
Et soudain, François #DeRugy laisse échapper «Putain il est chiant lui» avant l'intervention d'un député communiste #DirectAN #LoiTravailXXL pic.twitter.com/9rSHDndyuL
— Politis (@Politis_fr) July 11, 2017
Dans la famille des micros indiscrets, on retrouve l’agréable description de son groupe par la présidente LREM de la commission des lois, Yaël Braun-Pivot.
Quand @YaelBRAUNPIVET, présidente #REM de la commission des lois, se plaint du manque de soutien des députés #REM… #LoiConfiance #DirectAN pic.twitter.com/oM9J9CLZbo
— LCP (@LCP) July 19, 2017
Couac encore, LREM toujours. Voilà une belle prouesse des députés de la majorité lorsque le vice-président Sacha Houlié, LREM lui-aussi, soumet au vote un article important de la loi de moralisation de la vie publique. Estomaqué, le jeune député voit impuissant ses collègues voter consciemment contre l’article pourtant validé en commission.
La majorité rejette par inadvertance un article qui avait pourtant été validé en commission : vif rappel à l'ordre de @Sach_He #directAN pic.twitter.com/7gM7iGd00W
— LCP (@LCP) July 27, 2017
Vacances studieuses
Les députés partiront en vacances le 9 août pour ne revenir au Palais Bourbon que le 27 août. Deux semaines pour se reposer et potasser un peu.
D’ailleurs, dans les colonnes du JDD, Christophe Castaner, le secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement, a préconisé des vacances studieuses afin d’éviter les déboires de l’été. « Certains ont des difficultés, mais ils vont passer l’été à réviser. » Pour sûr, il y a du boulot.
{"type":"Banniere-Basse"}