D’après un sondage CSA, seuls 27 % des Français interrogés « voient bien » ce qu’est la loi renseignement, qui est en ce moment discutée à l’Assemblée nationale en procédure d’urgence depuis lundi 13 avril. Pour les convaincre, le gouvernement se lance dans la pédagogie en essayant d’imiter les codes des médias.
Une très forte majorité (63 %) des Français sont favorables à une limitation des libertés sur Internet. Le sondage (CSA), paru lundi 13 avril, est édifiant. Alors que le projet de « loi renseignement » est en train d’être discuté à l’Assemblée nationale, plus de la moitié des Français se disent en faveur de certaines restrictions qu’imposerait ce projet de loi, notamment la surveillance des données des internautes. Ce sont majoritairement les plus de 65 ans qui y sont favorables (76 %) alors que près de la moitié des 18-24 ans s’y disent opposés.
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Le chiffre plus inquiétant concerne ceux qui n’ont jamais entendu parler de la loi. Malgré les nombreux articles et couvertures de quotidiens dédiés à décrypter le projet de loi renseignement porté par Manuel Valls, seuls 27 % des interrogés “voient bien” de quoi il s’agit.
>> Pour comprendre les dispositions principales de la loi renseignement >>
Les médias pédagogues
Plusieurs acteurs ont choisi la pédagogie afin de donner plus d’outils de compréhension aux citoyens. Libération a ainsi créé un questionnaire intitulé « Pourriez-vous être espionné ? », dans lequel l’internaute est amené à comprendre les situations dans lesquelles les services du renseignement pourraient avoir accès à certaines de ses données. Par exemple, si vous répondez “oui” à la question “Pourriez-vous participer à une manifestation contre les violences policières ?”, vous risquez de tomber sous le coup de la loi, qui vise à prévenir les “atteintes à la forme républicaine des institutions” et les « violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale« .
Les émissions télévisées se sont essayées, elles aussi, au difficile exercice de résumer un projet de loi qui contient un grand nombre de dispositions. L’émission Mots croisés, reprise par Francetv Info, a par exemple tenté d’expliquer la loi renseignement en une vidéo 2 minutes.
Dans la même lignée un Tumblr intitulé « Je n’ai rien à cacher » s’est attaqué plus frontalement à la loi renseignement du gouvernement, en retournant l’argument que certains seraient amenés à avancer lorsque l’on parle de surveillance en ligne :
“Puis-je vous demander le mot de passe de votre ordinateur, de votre boîte mail et de votre compte Facebook ? Promis, je ne ferai rien de mal, seulement lire.”
Pour le créateur du Tumblr, un futur docteur en informatique, « le passage à l’acte a été motivé par un autre ami qui se demandait comment présenter les choses à ses parents, suite aux attentats de Paris 2015« , a-t-il expliqué aux Inrocks. Il a ainsi lancé le site à la mi-janvier, mais constate « plus de visites depuis la médiatisation du projet de loi renseignement« . Selon lui, il reste toutefois difficile d’intéresser les Français à cette loi, tant que cela ne les touche pas personnellement. « C’est malheureux à dire (…) mais tant qu’ils ne peuvent pas ‘palper’ les dangers, la prise de conscience reste compliquée. »
De l’autre côté de l’Atlantique, le présentateur du late show de HBO John Oliver a trouvé une autre technique pour faire comprendre aux citoyens américains l’étendue des moyens de surveillances déployés par la NSA pour intercepter certaines de leurs communications. Pendant une interview avec Edward Snowden, le lanceur d’alertes américain, John Oliver a expliqué aux spectateurs comment la NSA pouvait intercepter les photos de pénis qu’ils (ou que leur conjoint) s’envoyaient.
Le gouvernement reprend les codes des médias
Pour tenter de contrer ces arguments, le gouvernement a lancé, lundi 13 avril, son propre outil de “simplification”. Intitulé « le Vrai/Faux du Gouvernement sur le #PJLRenseignement » (le hashtag sur Twitter pour parler du projet de loi en question), la page du site internet recense quelques phrases généralement prononcées par des détracteurs du projet de loi renseignement pour les infirmer ou les confirmer.
« Le gouvernement met en place une surveillance massive des données sur Internet« , prend-il pour exemple. « Faux », affirme le site, qui parle de « contrôle étroit de la commission de contrôle« , bien que la phrase précédente souligne que « le projet de loi prévoit l’analyse automatique des données de connexion. »
À l’argument « le juge sera absent de la procédure de contrôle« , le gouvernement botte également en touche, en expliquant que « tous les citoyens qui estiment faire l’objet d’une surveillance illégale » peuvent effectuer un recours devant le Conseil d’Etat. Sauf qu’aucun citoyen ne peut, par définition, pas savoir s’il est « secrètement » surveillé…
Certains sites d’information comme Le Monde ou NextImpact se sont alors attelés à décrypter cette campagne de communication du gouvernement, qui reprend paradoxalement la présentation et les codes de certaines rubriques de fact-checking de ces mêmes médias, comme celle des Décodeurs du Monde ou de Desintox de Libération. La bataille de la pédagogie est engagée.
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