Dieu de la vanne outre-Atlantique, Sedaris revient avec un nouveau recueil autocentré et hilarant.
David Sedaris incarne un genre comique aussi répandu outre-Atlantique qu’il brille ici par son absence: l’écrivain-humoriste, exerçant sa cocasserie dans des “essais personnels” hilarants.
Il y a deux ans, son best-seller Je suis très à cheval sur les principes offrait la preuve que Sedaris était le quinqua le plus drôle du monde, envers et contre toutes les traîtrises de la traduction. Son sixième opus, une anthologie constituée à partir de recueils parus dans les années 90, est au moins aussi prometteur: une dizaine de sketches narrant à nouveau les revers de fortune de l’auteur –son alter ego de papier–, mais focalisés cette fois sur les régions de l’enfance et des débuts de la vie professionnelle.
Quant à savoir si Sedaris a véritablement été lutin dans un grand magasin à New York, balayeur ou prof par accident (“Le Pays du père Noël”,“Gros malin”, “La Courbe d’apprentissage”), on ne peut pas dire que son sens accru de l’hyperbole confirme la piste de l’autobiographie. De l’hystérie de la faune new-yorkaise une veille de Noël à la nouvelle cuisine pratiquée dans les restos de Soho, Sedaris se fait l’observateur des tics de l’époque, en comportementaliste rompu aux ressorts du monde du travail et de la consommation.
Mais là où la comédie humaine se corse, c’est quand ce regard caustique en vient à s’exercer contre le voyeur lui-même: l’humoriste jongle entre un humour macabre –qui peut prendre pour cible les enfants manchots comme le roadtrip d’une étudiante handicapée et cleptomane dans le génial “Quadri incomplète”– et une pratique échevelée de l’autodérision.
Là, tout y passe, des tocs de l’enfance (une tendance à lécher les interrupteurs dans “Fléau de tics”) à une homosexualité honteuse dans le cadre d’une colo en Grèce (“J’aime les garçons”), du petit ami de l’auteur, Hugh, dont sont vénérés les souvenirs d’enfance en Ethiopie, à une adoration tournée en ridicule de la France et des Français qui “se giflent avec des gants”et “rédigent des lettres torturées à la terrasse d’un café”. En bon dandy comique, Sedaris cultive un “art de soi” où la pudeur s’invente avec le rire.
David Sedaris N’exagérons rien! Editions de l’Olivier, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard,192 pages,20€