Avant même Minecraft, Little Big Planet a entrepris de transformer les joueurs en créateurs. Alors que sort son épisode 3 qui ouvre de nouvelles perspectives aux apprentis game designers, rencontre avec David Dino, l’un de ses concepteurs.
Et le joueur devient créateur. C’est la promesse tenue avec panache par le jeu phénomène de ces dernières années : Minecraft, plus de 50 millions d’exemplaires vendus à travers le monde toutes plateformes confondues et un succès qui, des bureaux aux cours d’école, ne se dément pas. Mais le tube indé suédois ne fut pas le premier à offrir les clés de la maison aux gamers. Sans remonter aux kits 80’s de création de flippers ou de shoot’em up, c’est un autre titre qui a lancé à l’automne 2008 la tendance du jeu participatif (que rejoindront l’an prochain Nintendo et Mario Maker) avec un programme en trois temps : « Play, Create, Share ». Jouer, créer, partager.
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Plus de neuf millions de niveaux créés
Conçu par le petit studio britannique Media Molecule, le jeu en question s’appelait Little Big Planet et il proposait à la fois de triompher d’une série de niveaux de plateforme 2D en compagnie de l’adorable poupée de chiffon Sackboy et de concevoir ses propres parcours. Six ans et trois nouveaux jeux plus tard – une suite sur PS3, des versions PSP et Vita –, on dénombre plus de 9 millions de niveaux librement accessibles en ligne. Il y a du subtil et du potache, beaucoup de choses joyeusement bancales – ce n’est pas grave, jamais –, quelques coups de génie et pas mal de créations qui s’éloignent spectaculairement du genre d’origine de Little Big Planet.
Le joueur-créateur a ainsi pris le pouvoir. Du coup, à quoi bon sortir un Little Big Planet 3 ? Ne suffirait-il pas de le laisser travailler, quitte à lui fournir de nouveaux outils de temps en temps (en téléchargement, par exemple) ? Pas du tout, rétorque le game designer David Dino, qui ne va de toute façon pas dire le contraire mais n’en possède pas moins de solides arguments.
Varier le gameplay
D’abord, il y a de nouveaux personnages, aux capacités différentes, qui « sont aussi un moyen d’étendre, de varier le gameplay ». Ensuite, il y a des accessoires mis à leur disposition. Surtout, en plus d’ajouter une « quantité de nouvelles choses » (dont un système de quêtes pour des niveaux amateurs flirtant avec le jeu d’aventure), les développeurs se sont attachés à rendre plus accessible le mode création dont la croissance, d’un Little Big Planet à l’autre, n’avait peut-être pas été parfaitement maîtrisée. « Nous voulions faire en sorte de guider les néophytes ou ceux qui se sentaient submergés pour qu’ils comprennent comment toutes ces choses fonctionnent, explique David Dino. Nous les prenons un peu par la main. » Ainsi deviendront-ils peut-être eux aussi de vrais level designers.
Des amateurs recrutés pour concevoir les nouveautés
L’homme sait de quoi il parle : c’est précisément ce qui lui est arrivé. Remarqué pour ses niveaux conçus en amateur alors qu’il travaillait dans le secteur de la santé, Dino a fini par rejoindre le studio Sumo Digital (qui a pris le relais de Media Molécule sur la série). Au sein de l’équipe de développement, il est loin d’être le seul à avoir connu cette « promotion » ni franchement externe ni tout à fait interne mais quelque part entre les deux.
« Beaucoup d’entre nous venons de la communauté et nous avons toujours eu notre idée sur ce que la suite devrait être. Toggle, l’un des nouveaux héros, est un bon exemple. Dans un niveau qu’il avait conçu en amateur, l’un des membres de l’équipe faisait grandir et rétrécir Sackboy. C’est ce que l’on retrouve avec Toggle, qui coule au fond de l’eau quand il est grand mais peut courir à la surface dans sa version miniature. »
Même chose ou presque avec le personnage d’OddSock, autre nouveau venu qui, lui, se déplace à une vitesse folle en bondissant d’un mur à l’autre et permet de concevoir, par exemple, des niveaux ultra-dynamique à la Super Meat Boy.
Une vision démocratique du game design
La vraie bonne surprise de ce Little Big Planet 3 est là : dans son emballante variété, y compris si l’on se contente de parcourir le mode histoire pensé par les développeurs comme une démonstration de ce que chacun peut confectionner. Ici règne en effet une vision démocratique du game design qui allie transmission et émulation.
« Les outils que nous avons utilisés sont les mêmes que ceux dont vous disposez, assure David Dino. S’ils le veulent et qu’ils en ont la patience, les joueurs peuvent tout à fait recréer ce que nous avons fait. » Comme, par exemple, cet univers joyeusement rétro que l’on traverse sur fond de « Mr Sandman » en cherchant à activer des pompes à milkshakes géantes. Ou ces séquences spatiale en apesanteur. Ou ce duel contre un double géant de la Créature du lac noir. Et ça, qui est déjà beau, ce n’est encore que le début du jeu, lequel n’a pas de fin puisque jouer, c’est créer (et inversement). Ça l’avait peut-être toujours été. Ça n’avait sans doute jamais été aussi criant.
Little Big Planet 3 (Sumo Digital / Sony), sur PS3 et PS4, de 50 à 60 €
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