Une résolution parlementaire islandaise propose de renforcer la liberté de la presse dans le pays et d’en faire un « paradis journalistique » mondial. Double objectif : attirer les groupes de presse étrangers pour relancer une économie ravagée par la crise, et sortir le pays de sa dépression.
Le Parlement islandais va examiner une résolution visant à transformer le pays en «
paradis du journalisme » international – clin d’oeil aux paradis fiscaux- en renforçant la législation sur la liberté de la presse. Une mesure destinée notamment aux groupes de presse et aux journalistes étrangers, afin de favoriser le journalisme d’investigation.
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Les auteurs du texte, principalement des députés de l’opposition, partent du constat que de nombreux groupes de presse ne publient plus d’enquêtes sur des sujets sensibles (affaires politico-financières notamment) car ils n’ont pas les reins assez solides pour faire face à un procès.
L’Icelandic modern media initiative (IMMI), dont le texte exact sera révélé mardi, est composé d’une série de propositions : une nouvelle charte sur la liberté d’information, un renforcement de la protection des sources, la protection des intermédiaires techniques (fournisseurs d’accès et serveurs), la création d’un prix international de la liberté d’expression …
La résolution parlementaire vise notamment à s’attaquer au
« tourisme de la diffamation ». Cette pratique consiste pour le plaignant à faire instruire le procès pour diffamation dans un pays où la législation sera en sa faveur.
Il suffit que le livre, l’article, ou le reportage soit accessible depuis le pays en question pour qu’un procès puisse s’y dérouler, même si les protagonistes n’y vivent pas. Le Royaume-Uni est particulièrement prisé par les plaignants : le législateur estime que le texte diffamatoire est faux, au journaliste de prouver que ses dires sont exacts.
En 2005, l’universitaire américaine Rachel Ehrenfeld a été condamnée à 10 000£ (115 000€) et à la destruction de tous les exemplaires de son livre Funding Evil, pour y avoir accusé un homme d’affaire saoudien de financer des groupes terroristes. Une vingtaine d’exemplaires du livre, qui n’a pas été édité directement au Royaume-Uni, avait été acheté sur des sites de ventes en ligne anglais.
L’IMMI souhaite y mettre fin en ne reconnaissant pas les décisions de justice de ce type provenant de pays où la liberté d’expression n’est pas aussi bien protégée , sur le modèle du
Libel tourism terrorism act adopté en 2008 par l’Etat de New York.
Relancer l’économie islandaise
La philosophie de l’IMMI s’inspire de celles des paradis fiscaux – en version positive. Les entreprises de presse étrangères pourront domicilier leur siège en Islande pour bénéficier de la législation sur la liberté d’expression.
«
Le monde des médias se déporte sur internet, permettant de publier des articles depuis n’importe quel point du globe. Qu’un journal comme The Guardian soit publié en ligne depuis Reykjavik ou New York est indécelable pour ses lecteurs. Dans le même temps, le journalisme de qualité traverse une crise. (…)
Nous pouvons créer un cadre légal pour protéger la liberté d’expression nécessaire à la pratique du journalisme d’investigation« , indique
le texte introductif provisoire.
« Ce cadre pourra attirer un grand nombre de médias et d’associations de protection des droits de l’Homme qui font d’ordinaire face à des sanctions injustes. »
L’objectif final de ce texte sera de relancer l’économie islandaise, sévèrement frappée par la crise économique : le pays, pourtant l’un des plus riches du monde, a frôlé la banqueroute.
«
L’Islande pourrait devenir le siège idéal des médias et des éditeurs étrangers, des starts-up, des data centres et des associations de défense des droits de l’Homme. Cela serait un levier pour l’économie et l’opportunité de créer de nouveaux emplois« , précise
le site internet de l’IMMI.
Selon Birgitta Jonsdottir, une députée d’un parti minoritaire (Le Mouvement)
interrogée par la BBC, il y a de grandes chances que l’initiative, soutenue par plusieurs forces politiques, soit adoptée par le Parlement.
La députée estime qu’un engagement fort du pays envers la liberté d’expression pourra aider l’Islande a sorti de son marasme actuel. Le pays aurait besoin d’un combat « noble » pour panser les plaies de la crise économique.
« De nombreux Islandais se sentent toujours honteux de ce qui s’est passé. Je pense ce projet de loi est nécessaire à notre processus de reconstruction. »