Alors que l’investigation est menacée sur France 2, les salariés de France Télévision s’apprêtent à voter une motion de défiance contre leur direction.
Après une semaine de rebondissements, les équipes d’Envoyé Spécial et de Complément d’Enquête en savent désormais davantage sur leur avenir. Espérant encore faire changer d’avis Delphine Ernotte ce mardi après-midi la SDJ s’est entretenue avec la présidente du groupe lors d’un rendez-vous. La semaine dernière, la direction annonçait la mise en place d’un plan d’économies de 50 millions d’euros demandées par l’Etat à l’audiovisuel public d’ici 2018, pour un budget annuel d’environ 2,5 milliards d’euros. Et les deux émissions emblématiques de France 2 sont particulièrement dans le viseur.
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Ce mardi, alors que les journalistes, remontés, prévoyaient d’organiser une assemblée générale pour voter une éventuelle motion de défiance contre Delphine Ernotte, un courrier de la direction a été adressé au groupe public ce mardi après-midi rappelant que la chaine doit « maitriser nos [ses] effectifs qui sont aujourd’hui de 1 340. Ces effectifs devront être réduits au global de 30 ETP (équivalents temps plein) au cours de l’année 2018 en réinterrogeant nos modes de fonctionnement et nos méthodes de travail ». Deux fois moins donc que les 66 annoncés jeudi. Et selon cette lettre, ce serait, finalement, trois postes ETP qui disparaitront au sein des deux magazines d’investigation, soit environ cinq ou six postes de journalistes. A ce nombre vient s’ajouter celui de quatre CDI qui rejoindront l’équipe du JT. Au total, une dizaine de journaliste devront donc quitter les rédactions d’Envoyé Spécial et de Complément d’Enquête en 2018.
Des magazines maintenus
Doc @qofficiel : le courriel de Yannick Letranchant aux équipes. On en parle ce soir sur TMC, 19h20 pic.twitter.com/g7pHVfYxUX
— Julien Bellver (@julienbellver) November 28, 2017
Les deux magazines verront leur diffusion maintenue à trois soirées par mois (Envoyé Spécial vers 21 heures, et Complément d’Enquête 23 heures), mais seront raccourcies d’une quinzaine de minutes. La quatrième sera consacrée à L’émission politique présentée par Léa Salamé.
« C’est un bon moyen pour la direction de reprendre une forme de contrôle sur les journalistes d’investigation« , s’insurge un membre de l’une des rédactions qui craint que l’externalisation des sujets fragilise l’indépendance des émissions. « Lors de l’affaire Bygmalion, une boite de prod’ aurait plus facilement cédé aux pressions économiques, par exemple ». Difficile aussi d’imaginer une boite de production réaliser des enquêtes sur Vincent Bolloré comme celle diffusée par Complément d’Enquête – et qui a valu le prix Albert Londres à Tristan Waleckx et Matthieu Rénier – face aux menaces de procès. Depuis l’arrivée d’Elise Lucet à la tête d‘Envoyé Spécial, les journalistes ont davantage travaillé en interne. Désormais 60% des sujets seront commandés à l’extérieur pour Envoyé Spécial, contre 48% actuellement, a indiqué au Monde le directeur de l’information, Yannick Letranchant.
« C’était ça ou la mort »
Vers 17h, rejoint par les membres de la SDJ, environ 150 salariés du groupe se sont donc réunis en assemblée générale, dans une ambiance morose. « On est en train de se faire enfumer », a scandé un journaliste en expliquant ne pas savoir quelle confiance accorder aux propos de la direction. « C’était ça ou la mort », aurait lâché la journaliste Elise Lucet à propos de la suppression de la réduction du temps des émissions. Déjà discutée la semaine dernière, le principe d’une motion de défiance a été voté à la majorité des voix à l’encontre de Delphine Ernotte, et sera mise au vote d’ici la semaine prochaine.
La veille, les journalistes d’Envoyé Spécial et de Complément d’enquête se sont entretenus avec Yannick Letranchant. Un rendez-vous assez brutal, au cours duquel le directeur de l’information aurait affirmé assumer ces décisions. Le tout face à des rédactions décontenancées et essayant de proposer d’autres solutions pour faire des économies, comme la mise en place de rediffusions.
Une situation difficile pour la patronne du groupe qui a toujours mis un point d’honneur à prôner l’indépendance de l’information. Elle avait par exemple diffusé un documentaire sur le Crédit mutuel alors déprogrammé par Canal+.
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