Donner une chance aux réfugiés de s’intégrer en leur offrant un travail: c’est le pari des Cuistots Migrateurs. En plus de leur activité de traiteur, la startup se lance dans le Food Market de Belleville à partir du 1er juin prochain.
Une odeur safran inonde les narines, des notes de coriandre s’immiscent sur le palais. Rachid emballe les parts de sa recette iranienne dont il garde jalousement le secret. La Kuku Sabzi, une omelette aux herbes, parsemées de noix et de baies d’épine-vinette, fait un malheur. L’acidité des baies d’épine-vinette relève les oeufs et les herbes mélangées aux épices. Découpée en carrés, elle se présente élégamment en buffet et pour les réceptions. Parfait pour les traiteurs des Cuistots Migrateurs, une entreprise sociale qui n’emploie que des réfugiés. Leur but: intégrer des personnes forcées de fuir leur pays en leur offrant un travail.
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En 2016, Louis Jacquot et Sébastien Prunier voulaient « entreprendre utile », sans trop savoir dans quoi. Alors ils ont cherché, cherché. L’associatif? « Pas notre truc », admet Louis, châtain aux yeux bleu clair. L’an dernier, il passait un CAP en pâtisserie, une reconversion après quelques années passées comme « business developper » dans diverses entreprises. Sébastien, brun au regard vif, exerçait dans la finance. Le concept leur est apparu comme une évidence:
« On en avait marre de n’entendre qu’un discours négatif autour des réfugiés. Victime, souffrance… Nous voulions aussi montrer qu’ils ont aussi des compétences et une expertise hors du commun », souligne Louis
Rachid finit d’emballer ses Kuku Sabzi. Louis passe derrière, vérifie les stocks et planifie l’inventaire pour le buffet du lendemain, organisé pour une grande entreprise. Juste derrière eux, Faeeq découpe des parts de Basbusa, gâteau à base de semoule saupoudré de coco traditionnellement servi en période de Ramadan. « Combien de parts Faeeq? », questionne Louis. L’intéressé se retourne, compte, réfléchit. Arrivé il y a à peine un an et demi de Syrie, il ne parle que très peu français. Louis patiente. Au bout de quelques secondes, il reformule sa question. « C’est essentiel de leur parler en français. Tant pis si cela prend plus de temps, il faut qu’ils apprennent. Ça fait partie du projet », explique le jeune chef.
« Nouveauté, authenticité et rencontres »
Finalement, Faeeq compte quatre plateaux, soit une quarantaine de parts prêtes à être distribuées au buffet du lendemain. D’habitude, quand il éprouve des difficultés, il peut se reposer sur Hasnaa, Syrienne elle aussi. Elle est une des trois cuisiniers permanent avec Rachid, venu d’Iran et Fariza de Tchétchénie. « Une équipe de choc », s’enorgueillit Louis. Quand le gérant recrute, il se concentre sur trois aspects: la nouveauté, l’authenticité et les rencontres. « Pour moi, je me fiche que ce ne soient pas des cuisiniers de formation. Tout ce qui importe, c’est qu’ils aient pleins de recettes et qu’ils soient passionnés », explique le trentenaire.
Rachid a fui l’Iran voilà quatre ans. Il a obtenu rapidement un visa diplomatique et le statut de réfugié politique pour ses engagements dans son pays natal. Une fois arrivé en France avec sa femme et sa première fille, alors âgée de trois ans. Cuisinier de formation, il trouve rapidement un travail dans un restaurant iranien à Paris. Mais les choses ne se passent pas comme prévues et Rachid démissionne. Là il trouve un emploi comme vendeur de meubles chez Emmaüs à Pantin. « C’est comme ça que j’ai appris le français: en étant au contact permanent avec les clients« . Emmaüs aussi l’a aidé en lui trouvant un logement et lui offrant ses premiers CDD.
Aujourd’hui, l’Iranien inaugure le premier CDI des Cuistots migrateurs. Grand, svelte et coquet, est passionné de cuisine. « J’adore tout faire, s’amuse-t-il entre deux rires, entrées, plats, desserts, tout !« . Toujours de bonne humeur, il arrive sans cesse avec de nouvelles recettes. Avec quelques petites lubies: « Je cuisine souvent à base d’eau de rose et de safran. J’en mets partout ! » D’ailleurs, une fois l’omelette aux herbes emballées, le jeune iranien s’attèle aux Noon Khamei, des petits choux garnies de chantilly parfumée à l’eau de rose.
Tout le monde peut commander sur le site les Cuistots Migrateurs (minimum de commande d’une vingtaine de personnes, de 10 à 30 euros par tête). Vous pouvez aussi les retrouver au Food Market de Belleville à partir du 1er juin prochain.
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