L’information payante en ligne gagne du terrain, dans un univers auparavant voué à la gratuité. A coup d’offres exclusives, d’applis iPhone et de participatif, journaux en ligne et sites pure players affinent leurs harpons à cartes bleues.
Finie, l’info gratis sur le Web ? Les sites de presse prennent de plus en plus le virage du payant. Dernier en date : le Times, devenu accessible uniquement aux abonnés. Quant au New York Times, il teste actuellement l’information locale payante sur le site The Telegram.com. Un coup d’essai avant 2011, où tous les visiteurs du site du NY Times devront payer après consultation de quelques articles.
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L’effondrement des recettes publicitaires les a poussés sur cette voie, tandis que les internautes « info-vores », gavés à l’oeil pendant des années, ont commencé à acheter leurs news via des applications iPhone et iPad. De nouvelles pratiques dont voudraient profiter les sites, qui rivalisent de persuasion pour que l’internaute mette la main au porte-monnaie.
Le passage au tout-payant fait s’effondrer l’audience du Times
Niché sur le créneau de l’investigation, Mediapart fait payer tous les articles de la rédaction avec un argument : l’indépendance.
« Nous expliquons à nos lecteurs que le journalisme de qualité a un prix que la publicité ne peut pas financer, explique Sophie Dufau, rédactrice en chef adjointe de Mediapart. Et ce sont avant tout les informations qui font venir les lecteurs, pas les articles gratuits qu’on offre parfois. »
Le site a gagné 5000 inscrits en juin et juillet à la suite de l’enquête sur l’affaire Bettencourt. Reste à savoir si les nouveaux abonnés au tarif d’essai d’un euro pour 15 jours prendront assez goût au site pour payer les 9 euros mensuels. Le site approche aujourd’hui des 30 000 abonnés. Il lui en faudrait 45 000 à 50 000 pour parvenir à l’équilibre.
Depuis son basculement sur Internet, Arrêt sur images adopte une stratégie proche. La page du site dédiée à l’abonnement donne le ton : « notre ressource unique : vos abonnements ! ». Sans oublier des prix bas (3€ par mois) et quelques articles gratuits pour appâter le lecteur.
Sur le Times, pas d’appât de ce genre. Depuis juillet, Murdoch y a mis en place le tout-payant. Il faut payer 1,50 euro par jour pour consulter les articles. Une transition risquée, qui a fait chuter l’audience de 66%. Le magnat de la presse refuse pour l’instant de révéler le nombre d’abonnés et les recettes engrangées, mais les qualifie d’”encourageants”. Le tout-payant demeure un pari radical.
« On ne peut pas offrir gratuitement sur le Net ce qu’on fait payer sur le papier »
Sur nombre de sites généralistes, le passage au payant revient de plus en plus à verrouiller des articles auparavant gratuits. C’est le cas pour Libération.fr, qui fait payer depuis septembre 2009 les articles publiés dans le journal.
« On ne peut pas offrir gratuitement sur Internet ce qu’on fait payer sur le papier », expose Ludovic Blécher, directeur des Editions numériques de Libération.
Cette rationalisation a rapporté 6500 abonnés en ligne à un tarif allant de 6 à 19€ par mois, « une somme non négligeable, à notre niveau », précise Ludovic Blécher.
LeMonde.fr a pris le même tournant en mars, alors qu’il a longtemps misé sur des articles papier gratuits pour générer du trafic en ligne grâce à sa marque. C’est une radicalisation du modèle semi-payant que le site a contribué à populariser en France depuis 2002 – et qui lui permet aujourd’hui de tirer 40% de son chiffre d’affaires Internet des abonnements. Le freemium combine ainsi une information gratuite, souvent alimentée par des dépêches d’agences, et une offre premium, avec des contenus à valeur ajoutée et des services.
La plupart des sites d’info payants en France fonctionnent ainsi, la clé de la zone payante résidant dans la différenciation. Les abonnés du Figaro.fr, par exemple, peuvent accéder aux archives, à des dossiers (« Web et politique », « Conquérir l’espace »…) et à des analyses de spécialistes ; ils peuvent aussi assister à l’enregistrement du Talk.
Presse financière et contenu payant, la bonne équation
Le contenu en soi se paie plus aisément dans la presse financière, porteuse d’informations cruciales pour le monde des affaires, comme le Financial Times et The Economist. Le Wall Street Journal fait payer ses analyses business et finance depuis 1997. Malgré des atermoiements vers le gratuit, son modèle mixte lui vaut aujourd’hui plus d’un million d’abonnés et 25 millions de visiteurs par mois.
En France, Les Echos.fr ont aussi inauguré le semi-payant en 1997. Résultat : Internet rapporte 14% du chiffre d’affaire total au groupe (dont le groupe ne communique pas la valeur), la zone payante permettant de vendre également la publicité plus chère.
« La logique de l’abonnement pour le contenu ne fonctionne que pour la presse financière car elle est structurée, souvent exclusive et proche de la presse professionnelle », soutient Nicolas Van Bremeersch, Directeur général du groupe. Au contraire, dans les autres champs de l’information, « on ne paie pas pour un contenu, mais pour être reconnu comme contributeur et membre d’une communauté », poursuit-il.
Ainsi, quand un visiteur de Rue89 achète une plaque de riverain pour la mettre en bas d’un article, c’est aussi pour prouver son appartenance à un « média indépendant et participatif ».
L’Apple Store, le système qui fait rêver
Les sites d’info clament tous pratiquer des tarifs accessibles (à partir de 6€ par mois pour LeMonde.fr, 8€ pour LeFigaro.fr). Ils cherchent maintenant à gommer les obstacles techniques qui pourraient décourager un internaute flemmard ou hésitant.
« Le but, c’est d’arriver à faire payer les gens de manière tellement facile que ça soit acceptable, explique Philippe Jannet, PDG du Monde Interactif. Aujourd’hui, c’est encore trop compliqué, on doit sortir sa carte bancaire, etc… »D’où l’idée de développer le micro-paiement.
Autre piste : la personnalisation des offres. LeMonde.fr propose quatre abonnements différents pour l’instant, mais cherche à créer des offres complètement à la carte.
Le système qui fait rêver la presse en ligne, c’est l’Apple Store. Les applications représentent une source de revenu complémentaire et habituent les utilisateurs à acheter du contenu. D’où l’idée de créer une sorte d’« iPresse », interface sur laquelle un article s’achèterait aussi naturellement qu’une chanson sur iTunes.
Dans leur effort pour monétiser l’info sur le Web, le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) a proposé de créer une plateforme où il serait possible d’acheter les éditions numériques ou papier, par numéro, par abonnement ou par bouquet. Ce kiosque numérique est attendu pour la fin de l’année.
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